Par Dieudonné DIAMA
Bamako, 28 juin (AMAP) Le président de la Transition, le colonel Assimi Goïta, à qui revenait le dernier mot, a donné son onction à la nouvelle loi électorale en la promulguant, vendredi dernier, une semaine après son adoption par le Conseil national de Transition.
Ainsi le processus de retour à l’ordre constitutionnel au Mali suit, inexorablement, son cours avec l’adoption de ce texte déposé sur la table du Conseil national de transition (CNT), le 3 décembre 2021. Son adoption intervient à un moment où notre pays est sous le poids des sanctions de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) qui exigent des gages pour le retour à l’ordre constitutionnel, avant une levée progressive de ces mesures qui pèsent sur les populations.
Cette loi constitue un autre palier important franchi par les autorités de la Transition pour conduire notre pays vers un ordre constitutionnel normal. Mais, aussi, pour lui éviter de revivre les évènements ayant conduit à la démission du président défunt, Ibrahim Boubacar Keïta, le 18 août 2020.
C’est donc à juste titre qu’à l’ouverture de la séance plénière du vendredi 17 juin, le président du CNT, Malick Diaw, a souligné qu’au regard des défis de refondation de notre pays, notamment en matière électorale, est apparue la nécessité voire l’obligation de doter le Mali d’une nouvelle loi électorale et d’un organe unique de gestion des élections.
DIVERGENCES – L’adoption de ce texte majeur s’est faite dans un contexte de divergences profondes entre le gouvernement et le CNT. Le président de la Commission des Lois constitutionnelles, de la Législation, de la Justice, des droits de l’Homme et des Institutions de la République, Dr Souleymane Dé, a donné certains détails sur le processus qui en disent long sur les divergences entre les pouvoirs exécutif et législatif sur ce texte. Selon Dr Dé, le projet de loi électorale est parvenu au CNT 11 jours avant la clôture de la session ordinaire d’octobre 2021. Et ces 11 jours ne suffisaient pas pour examiner ce texte d’une telle envergure et le soumettre au vote. Raison pour laquelle, sa commission avait sollicité la tenue d’une session extraordinaire pour l’étude au fond.
« Malheureusement, a-t-il dit, sa commission a dû attendre la session ordinaire d’avril 2022 pour commencer à travailler sur ce projet avec l’ouverture des écoutes ». Dr Souleymane Dé a révélé aussi que le texte a fait l’objet « de débats houleux, démocratiques, francs et constructifs » avec l’ensemble des acteurs du processus électoral. Il a précisé que 87 entités et au total 260 personnes ont été écoutées. A l’issue de ces écoutes, la commission a fait ressortir les insuffisances pour les soumettre au gouvernement. « Mieux, a fait savoir Dr Dé, dans le cadre de l’examen de ce texte, la commission Lois a reçu trois fois la ministre déléguée chargée des Réformes politiques et institutionnelles. Et les amendements du gouvernement qui pouvaient être pris ont été fondus dans le document à l’exception de quelques-uns ».
Cela n’a pas permis d’aplanir les divergences car devant le CNT, la ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée des Réformes politiques et institutionnelles a clairement déclaré que « le gouvernement ne se reconnaissait pas dans les amendements proposés ». Fatoumata Sékou Dicko a soutenu que « le fondement même de la vision de refondation du système de gouvernance électorale est atteinte ». Après des débats houleux, les 92 amendements et le projet de loi proprement dit ont été adoptés par les membres du CNT.
Le texte initial qui comprenait 225 articles a été ramené à 219 articles. Certains articles ont été supprimés. La principale innovation est la création de l’Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE) qui aura comme missions, l’organisation et la gestion de toutes les opérations référendaires et électorales. Son collège qui était de 9 membres a été augmenté à 15 membres comprenant 8 représentants des pouvoirs publics, 4 représentants des partis politiques et 3 représentants de la société civile.
Pour les représentants des pouvoirs publics, 3 sont désignés par le chef de l’Etat, 1 par le Premier ministre, 2 par le président de l’organe législatif, 1 par le président du Haut conseil des collectivités et 1 par le président du Conseil économique, social et culturel.
REACTIONS – Avec cette nouvelle loi, tout membre des Forces armées et de sécurité, qui désire être candidat aux fonctions de président de la République, doit démissionner ou demander sa mise à la retraite au moins 06 mois avant la fin du mandat en cours du président de la République. Mais, pour les élections pendant la Transition, ceux-ci doivent démissionner ou demander leur mise à la retraite au moins 04 mois avant la date de l’élection présidentielle marquant la fin de la Transition.
Ce point a suscité moult réactions au niveau de la classe politique et de la société civile. Si certains saluent cette disposition, d’autres estiment qu’elle viole la Charte de la Transition qui interdit aux autorités de la Transition de se porter candidats aux élections bouclant cette période.
Dans son rapport, la Mission d’observation des élections au Mali (MODELE-Mali) a souligné que cette disposition laisse la possibilité aux autorités de la Transition de se porter candidat à la prochaine élection présidentielle.
De nombreux partis politiques ont salué l’adoption de ce texte à l’image du parti Yèlèma, de l’Alliance pour l a démocratie au Mali-Partri africain pour la solidarité et la justice (ADEMA-PASJ), du Parti de latrenaissaince africaine (PARENA), de l‘Alliance pour la solidarité au Mali-Convergence des forces patriotiques (ASMA-CFP), etc. Par contre, le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), qui estime que les propositions d’amendements faites sont de nature à remettre en cause la vision de réforme du système électoral, notamment le statut et la nature juridique de l’AIGE, avait suggéré au président de la Transition de ne pas promulguer cette loi en l’état. Mais de le renvoyer pour une seconde lecture.
Le dernier mot revenait donc au chef de l’Etat qui a tranché vendredi. Le colonel Assimi Goïta a promulgué la loi avec les amendements apportés par le CNT. Il avait pris un décret fixant le délai de la Transition à 24 mois, pour montrer la volonté du Mali pour le retour à l’ordre constitutionnel.
Le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, le colonel Abdoulaye Maïga préside aujourd’hui, mardi, une réunion du Cadre de concertation national où les échanges porteront sur le chronogramme des différents scrutins ainsi que celui des réformes politiques et institutionnelles de la Transition.
DD (AMAP)