
Mossa Ag Attaher: « L’objectif principal de cette grande rencontre est d’impliquer ces chefferies transitionnelles et coutumières pour une contribution positive à la construction de la paix »
Propos recueillis
par Issa DEMBÉLÉ
Bamako, 07 oct (AMAP) Du 8 au 9 octobre 2022, l’ensemble des chefferies traditionnelles du Mali se retrouvent à Bamako, la capitale, pour parler de sécurité, de paix et de développement. L’évènement est parrainé par le ministre de la Jeunesse et des Sports, chargé de l’Instruction civique et de la Construction citoyenne, Mossa Ag Attaher, qui a bien voulu nous accorder, jeudi, un entretien pour évoquer les enjeux de cette rencontre et le rôle que jouent les chefferies dans la pacification du Mali
L’Essor : En tant que parrain, quelle signification donnez-vous à cette rencontre ?
Mossa Ag Attaher: La tribu Kel Ansar regroupe l’ensemble des Kel Ansar du Mali, particulièrement dans la Région de Tombouctou (Nord). C’est une grande tribu dont le chef est engagé, depuis des années, pour le retour de la paix, pour la cohésion sociale et la réconciliation entre les Maliens. La tribu organise cette grande rencontre qui va réunir, du 8 au 9 octobre 2022, à Bamako, toutes les chefferies traditionnelles et coutumières de toutes les régions et du District de Bamako. Les chefferies d’autres pays, notamment la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, le Niger et la Libye y sont invitées.
L’objectif principal de cette grande rencontre est d’impliquer ces chefferies transitionnelles et coutumières pour une contribution positive à la construction de la paix. Il s’agit de leur demander des contributions afin d’accompagner tout le processus de paix, toutes les initiatives que le Mali mène pour la paix. C’est pourquoi, j’ai accepté, à la demande du chef de la tribu Kel Ansar, de parrainer cet évènement qui est placé sous la haute présidence du chef de l’État. L’initiative cadre parfaitement avec la vision du président de la Transition, le colonel Assimi Goïta, et vient renforcer les actes qu’il a posés pour la reconnaissance des chefferies. Il n’y a pas longtemps, il a fait remettre à tous les chefs de tribu, de village, de fraction… l’emblème de l’Etat et des certificats. Nous avons le devoir d’accompagner cela et c’est pourquoi nous avons décidé de parrainer cet évènement. En le faisant, nous apportons notre soutien moral mais également notre contribution.
L’Essor : Le thème retenu est : « la sécurité, la paix et le développement ». Quelle corrélation entre ces trois concepts ?
MAA : Ces trois concepts sont exactement ceux le Mali a le plus besoin aujourd’hui. Nous avons besoin de paix, mais nous savons qu’il n’y a pas de paix sans sécurité et il n’y a pas de sécurité sans développement. Donc, la corrélation entre ces trois concepts est naturelle. Ouvrir le débat sur les problématiques de paix et interroger nos chefferies traditionnelles sur leurs propositions pour renforcer la paix, je pense que c’est très bien réfléchi. Interroger les mêmes entités sur les questions de sécurité est aussi pertinent. Parce que l’insécurité dont nous souffrons aujourd’hui, ne relève pas seulement du Mali. Nous vivons une insécurité partagée avec tous les pays voisins et même au-delà. Tous ceux qui viendront à Bamako, souffrent d’une manière ou d’une autre du manque de sécurité et des enjeux de la paix que nous vivons ici au Mali.
Quant au développement, je pense que c’est l’aspiration profonde de toutes nos populations. Donc, poser le débat, l’ouvrir en ces termes en mettant le curseur sur les aspects les plus importants aux yeux de nos populations, c’est-à-dire retrouver la paix, la sécurité et être engagé profondément dans les actions de développement. Je pense qu’on ne pouvait pas avoir meilleur thème pour cette grande rencontre.
L’Essor : Cette rencontre n’est-elle pas une opportunité pour définir un mécanisme clair permettant aux chefferies traditionnelles de participer pleinement à la pacification du Mali, plus globalement, à l’édification du Mali nouveau ?
MAA : Les chefferies traditionnelles ont un rôle très important à jouer dans au Mali. Elles sont d’abord le prolongement de l’Etat et, très souvent, les représentants indirects de l’Etat là où celui-ci est absent. Elles ont, également, un rôle auprès de la population, parce qu’une communauté bien organisée est une communauté qui écoute son chef, le suit et l’accompagne. Et un bon chef de tribu ou de village, c’est celui qui prend en compte les préoccupations des communautés au nom desquelles il est choisi ou il est élu.
Je pense que les chefferies traditionnelles sont déjà d’un grand apport pour l’État dans la gouvernance, dans les questions de sécurité et de développement. Nous allons saisir cette opportunité pour leur demander de s’engager davantage. Ces chefferies font déjà beaucoup. Par exemple, il y a beaucoup de zones dans les régions du Nord ou du Centre où il n’y a pas l’Etat. Mais il n’y a pas une zone où il n’y a pas un chef de village.
Il s’agit pour nous de demander à l’ensemble de ces chefferies de s’impliquer là où il n’y a pas l’Etat et d’accroître leur implication là où l’Etat existe pour qu’une complémentarité constructive se fasse entre les actions de l’Etat et l’engagement des communautés à la base. À cet égard, je tiens à remercier les chefferies pour le travail qu’elles font tous les jours pour soutenir l’Etat dans ses actions de recherche de sécurité, de paix et de développement. Une zone sécurisée, c’est une zone où il y a une collaboration directe et étroite entre les services de défense et de sécurité et les populations. Et pour mieux coordonner cette coopération entre les services de sécurité et les populations, faudrait-il qu’il y ait des chefs traditionnels qui organisent cela en amont et qui facilitent la collaboration et la complémentarité.
L’Essor : L’évènement est annoncé comme celui de tous les espoirs d’un Mali réconcilié. À quoi peut-on s’attendre au sortir de cette rencontre ?
MAA : Le premier acquis de cette rencontre, avant même qu’elle ne se tienne, c’est le fait de réunir à Bamako toutes les chefferies traditionnelles et coutumières du Mali. C’est un grand pas pour la paix qu’elles se rencontrent déjà, se connaissent, discutent ensemble des problématiques communes et se donnent la main pour la recherche de solutions. Le deuxième acquis, c’est que la rencontre, si elle se concluait par un engagement ferme et solennel de l’ensemble des chefferies traditionnelles à aller dans le sens de ce que je viens de décrire, c’est-à-dire accompagner l’État et les forces de défense et de sécurité dans leurs actions et être des intermédiaires fiables entre les représentants de l’État et les populations, elle aura alors contribué efficacement à la dynamique dans laquelle le gouvernement de transition est engagée.
L’autre chose est que cette rencontre est une symbolique forte. Rarement, de telles occasions se créent. Que toutes nos chefferies se retrouvent, avec des chefferies de la sous-région, pour discuter des questions de paix et de développement, je pense que cela est une symbolique importante au regard du contexte actuel où ce n’est pas toujours facile avec certains de nos voisins. Mais nos chefferies démontrent qu’elles peuvent transcender les difficultés qui existent et être même des ponts entre nos décideurs respectifs pour dépasser les difficultés du moment.
L’Essor : Avez-vous un message à l’endroit des chefferies traditionnelles et des populations ?
MAA : Je tiens à encourager le chef de la tribu Kel Ansar à persévérer dans ce sens. C’est au prix de l’effort, des initiatives, du dialogue que nous pouvons atteindre les objectifs de paix, de sécurité et de développement. Nous fondons un grand espoir sur cette rencontre et nous attendons des chefferies qu’il y ait un débat ouvert, que cette rencontre soit l’occasion d’interaction et de contribution positives au bénéfice de la paix et de la sécurité.
Par ailleurs, je pense que cette rencontre s’adresse surtout à la population malienne. J’invite l’ensemble des Maliens à croire en la paix. L’espace du possible dans le cadre de la paix est infini. Il s’agit, pour nous, de le saisir, de le travailler et de nous mettre ensemble. Il n’y a pas d’autre choix.
A l’instar de ce que les chefferies vont faire pendant cette rencontre, l’ensemble du peuple malien doit être dans cet élan de rencontre, de brassage et de complémentarité.
ID (AMAP)