
Parmi les espèces végétales menacés, il y a le Karité, le Néré, le Balanza, le Zaban et le Baobab. Services publiques et particuliers vivant des ressources végétales conjuguent leurs efforts pour limiter les dégâts.
Par Makan SISSOKO
Bamako, 24 fév (AMAP) À Kalaban Coura, Karim Traoré produit des arbres et des fleurs au bord de la route menant à l’Aéroport international président Modibo Kéita-Senou. Samedi dernier, vers 16 heures, nous avons rencontré l’arboriste. Il venait de finir d’arroser ses plantes.
Karim aime les espèces sauvages, singulièrement celles menacées de disparition dont le Karité, le Néré, le Tamarin, le Zaban et le Baobab. «Nous produisons plusieurs types de plantations sauvages. On cherche dans la forêt, les bonnes qualités de noix ou de graine pour ensuite les faire pousser dans des pots remplis de terre avec de l’engrais organique. Nous pratiquons également le système de greffage des arbres», explique-t-il.
Le métier est pénible et moins lucratif. Mais l’arboriculteur, qui évolue dans le domaine depuis 1985, est porté par son engagement de contribuer à la restauration de la nature. Il a pris conscience des enjeux liés à la déforestation à travers les multiples conseils des agents des eaux et forêts. Et depuis, Karim Traoré «fait de son mieux dans l’entretien des plantations avec ses maigres moyens». Une façon pour lui d’accomplir un devoir civique, celui de protéger les arbres. Son courage lui vaut aujourd’hui l’estime des services des eaux et forêts. «En cas d’insuffisance de la quantité d’arbres dont ils disposent pour les campagnes de plantation, ils viennent très souvent chercher avec les producteurs des arbres sauvages», révèle Karim Traoré.
Les arboriculteurs contribuent, ainsi, à la sauvegarde de la faune sauvage. A ce titre, plaide Ba Fanta, « ils doivent être encouragés, soutenus». Au marché de Kalaban Koro, cette septuagénaire est l’une des nombreuses vendeuses de plantes ayant des propriétés médicinales. Il y a quelques années, elle n’avait pas besoin de faire des kilomètres pour s’approvisionner en feuilles de Zaban et de Karité. Elle en trouvait en quantité dans les villages voisins comme Kabala et Kouralé. Le Karité était disséminé entre les zones cultivées. « Mais l’urbanisation a carrément changé la donne », déplore Ba Fanta. Ces arbres ont plusieurs vertus, souligne-t-elle, en donnant en exemple le beurre du Karité qui entre dans la composition des pommades traditionnelles pour soigner de multiples maux.
PLUSIEURS HECTARES PERDUS PAR AN – Le Karité est constamment agressé par l’homme alors que sa reproduction est très lente. Jadis, le Mali disposait du plus important parc de Karité de l’Afrique occidentale. Pays sahélien, le pays possède des forêts assez denses. Mais, de plus en plus, l’écosystème perd se perd du fait des pressions anthropiques. Plusieurs espèces forestières ligneuses sont en effet menacées de disparition, comme le vitellaria paradoxa (karité), le parkia bigglobosa (néré), l’acacia albida (balanzan), zaban et le baobab.
Cette richesse naturelle, qui fournit aux femmes rurales prix de condiments et argent liquide, est fortement menacée par des pratiques néfastes de l’homme. Tout comme le Néré dont les amendes sont transformées en «soumballa» (bouillon traditionnelle). « Il constitue une importante source de revenus pour les populations. D’où l’intérêt de sensibiliser sur la problématique », selon Adama Sylla qui apprécie les journées dédiées à la protection des forêts. Selon l’écologiste, les «arbres, de façon globale, sont extrêmement importants pour l’existence».
Dans certaines localités du Mali, les populations, ayant compris les enjeux, se sont organisées pour protéger ces espèces et, plus généralement, la flore. Cependant, en plusieurs endroits du Mali, la situation globale préoccupe les forestiers. Selon Ali Poudiougo, point focal national biodiversité à la Direction nationale des eaux et forêts, les formations ligneuses ne couvrent plus que 17,4 millions d’hectares alors qu’elles occupaient environ 32 millions d’hectares en 1985. En cause : la surexploitation des forêts à des fins énergétiques, l’expansion agricole, l’activité minière et les feux de brousse, le changement climatique. Les pressions anthropiques sur les ressources forestières entrainent une perte de forêts estimée entre 100.000 et 500.000 hectares par an.
«Le caractère saisonnier des revenus en milieu rural est crucial pour l’évolution des forêts. Lorsque la campagne agricole échoue, le commerce de bois et de charbon devient pour les populations rurales la source facile de revenus. A côté des marchés ruraux de bois officiellement créés, prolifèrent des circuits informels de commerce de bois et de charbon, signes de la surexploitation des formations forestières», fait savoir M. Poudiougo.
Selon les Nations unies, des milliards de personnes, dans les pays développés et en développement, utilisent quotidiennement des espèces sauvages pour l’alimentation, l’énergie, les matériaux, la médecine et de nombreux autres usages vitaux au bien-être humain. L’accélération de la crise mondiale de la biodiversité, avec un million d’espèces de plantes et d’animaux en voie d’extinction, menace ces utilisations par aux populations. A ce titre, la Journée mondiale de la vie sauvage, célébrée le 3 mars, est l’occasion de mettre la lumière sur les nombreuses formes magnifiques et variées de la faune et de la flore sauvages. Mais, aussi. de sensibiliser aux nombreux avantages que leur conservation procure aux populations. «Des partenariats pour la conservation des espèces sauvages», est le thème retenu cette année.
MS/MD (AMAP)