Cadre de vie à Bamako : Un combat contre l’incivisme

Par Oumar DIAKITE

Nous sommes, aujourd’hui (vendredi) 05 juin pour célébrer la Journée mondiale pour l’environnement. Un regard sur notre milieu de vie ! Vous avez dit cadre de vie dans la capitale malienne, Bamako ? Apocalyptique ! Dans les quartiers, les lieux publics, les gens déversent des déchets solides et liquides n’importe comment polluant l’environnement avec des risques sanitaires incommensurables.

Le constat est plus que chaotique. L’environnement de Bamako n’est pas reluisant. C’est peu de dire qu’il n’est pas le mieux pour un cadre de vie sur le plan de l’hygiène et de l’assainissement, notamment après ces premières pluies qui sont de véritables révélateurs de nos vilenies. Dans nos familles, les déchets solides ont deux destins possibles : on les entasse tout près de la maison ou les jette dans les caniveaux ou dans les collecteurs. Les poubelles ne sont pas aux normes. Il y en a de toutes sortes : vieux seaux, vieux bidons, \vieilles baignoires. Les ordures sont, dans tous les cas, par terre.

« Nous n’avons pas d’autres solutions. Nous pensons que la tâche revient à la mairie de bien gérer la problématique », argue Aminata Sidibé en train de jeter ses ordures dans la poubelle, à l’entrée de sa maison familiale à Hamdallaye, en commune IV du District de Bamako. Ces poubelles débordent attirant une nuée de mouches et dégageant une odeur pestilentielle.

Dans une rue adjacente, après une fine pluie, la semaine dernière, les eaux usées d’une fosse septique se déversent directement dans le caniveau. « On le fait fréquemment pendant l’hivernage. On relie notre fosse septique au caniveau et la pluie conduira les eaux sales dans le fleuve. C’est moins de dépense. Mais seulement, cette fois-ci, il a moins plu. Ce qui a provoqué cette situation », explique Ousmane Koné.

La pratique est à la mode, un peu partout dans les quartiers populaires de Bamako. C’est chacun fait comme il veut quant à la gestion des déchets liquides dans la ville. Les eaux usées des WC coulent directement dans les caniveaux et les eaux de lessive dans la rue. Rares sont les familles où il y a une bonne gestion des eaux usées.

Dans les centres à forte concentration humaine, comme les marchés, les places pour transport en commun, les gargotières s’en soucient moins. A la place des transports urbains appelé « Vox da », une dame tient une gargote. Elle déverse les restes d’aliments dans le caniveau. « Vous travaillez à la mairie ? Quel est votre problème ?», s’emporte la vendeuse de riz lorsque nous nous sommes adressé à elle sur son geste.

Les dépôts de transit sont utilisés à d’autres fins, pour ne pas dire plus.. Les environs du cimetière de Niaréla se sont transformés en dépotoir d’ordures. Essayez seulement d’en toucher un mot avec quelqu’un du voisinage. On vous regarde d’un œil de dédain comme pour dire : « allez-vous faire voir ailleurs ».

La mairie du District de Bamako nous renvoie vers la voirie avec comme interlocutrice la Cellule technique d’appui aux collectivités territoriales (CTAC). Cette structure appui les collectivités territoriales dans leur actions de développement en termes de projets, de réalisation d’infrastructures, de conseils.

Pour le directeur adjoint de la CTAC, Amadou Konaké, dans nos familles tout le monde doit se comporter en citadin, en bon citoyen, en adoptant les bonnes mesures d’hygiène par rapport aux déchets que nous produisons. « Il y a la pollution de l’air. On balaie n’importe comment, on brûle les déchets, les pneus usagés. On brûle presque tout à Bamako. Ce qui fait que l’air n’est pas bon à respirer », reconnait-il.

Selon lui, la gestion des déchets solides est très compliquée. Elle dépasse la compétence de la mairie du District et des autres communes de la ville. « Parce que cette gestion, depuis la production jusqu’au stockage des ordures, n’est pas correctement faite », dit-il.

M. Konaké met en cause l’incivisme des populations. « Il y a l’incivisme dans la pratique et l’incivisme dans le paiement des impôts. Les gens ne paient pas les impôts et taxes à plusieurs niveaux alors que c’est avec ces paiements que les collectivités arrivent à assurer les services de base dans une cité », dénonce-t-il. Et d’ajouter : « A longueur de journées, des Bamakois jettent par terre des sachets d’eaux vides, des peaux de bananes, d’oranges, n‘importe quoi. On trouve à Bamako des gargotes qui déversent les restes d’aliments dans les caniveaux ».

Par ailleurs, il soutient qu’il faut une chaîne correcte et normale, du citoyen lambda aux collectivités et à l’Etat, pour lutter contre la dégradation de l’environnement et du cadre de vie dans notre capitale.

« Si les collectivités ne sont pas mises dans les conditions, elles ne peuvent pas bien faire leur travail. Normalement, l’Etat doit appuyer les collectivités. Que cet accompagnement soit d’ordre financier ou en ressources humaines, l’Etat doit assurer cela aux collectivités pour que le travail soit bien fait. Car, Bamako est la capitale du Mali et, à cet effet, l’Etat est toujours interpellé. C’est comme si l’Etat ne s’occupe pas de Bamako », analyse le directeur adjoint de la CTAC.

Parlant de Ozone, l’entreprise en charge du ramassage des ordures dans la ville, Amadou Konaké dit que cette société n’est pas payée à hauteur de souhait aujourd’hui. C’est pourquoi ses prestations laissent à désirer.

Selon le chef du département renforcement des capacités des acteurs de l’Agence de l’Environnement et de développement durable (AEDD), Abdrahamane Kémé, les mauvais comportements des populations peuvent polluer l’environnement avec des conséquences très graves pour la santé.

« Si les poubelles ne sont pas en règle et que les gens déversent les eaux usées des toilettes ou WC dans les caniveaux, cela va créer une nuisance du cadre de vie. Cette forme de pollution va entrainer une prolifération de germes. Dieu seul sait quels types de microbes sont dans ces déchets de tous ordres », s’alarme Abdrahamane Kémé.

« De l’autre côté, dira-t-il, la pluie peut drainer les déchets et obstruer les égouts, les ouvrages d’assainissement des stations d’épuration, tout en polluant aussi le fleuve Niger et les mares des environs ». Selon lui, il faut promouvoir les dépôts de transit ou les dépôts finaux pour éviter ces problèmes.

« Les déchets biomédicaux autres et ceux issues du traitement de la Covid19 doivent aussi être incinérés », conseille-t-il. De l’avis de notre spécialiste, le comportement négatif des populations qui consistent à verser leurs déchets dans la rue n’est pas à encourager. Chacun doit avoir sa poubelle à la maison pour gérer, au mieux, les déchets. On doit trouver une solution pour évacuer les tas d’immondices dans les quartiers populaires de la ville. On peut les transformer en autre chose.

OD/MD (AMAP)