Par Jessica Khadidia DEMBÉLÉ
Bamako, 30 août (AMAP) Plus de 1 000 personnes déplacées vivent actuellement dans des conditions très précaires sur les sites de Faladiè et du Centre Mabilé de Sogoniko, à Bamako, la capitale malienne, Ces nombreuses victimes, contraintes de quitter leurs villages, suite aux attaques terroristes à répétition un peu partout au Mali, vivent dans des conditions très précaires, parfois dans des abris de fortune. Elles ne doivent leur survie qu’au soutien de l’État, des Organisations non gouvernementales et de bonnes volontés. Cependant, l’aide leur arrive, souvent, au compte-gouttes.
La Journée internationale du souvenir, en hommage aux victimes du terrorisme a été célébrée le 21 août 2022. Le thème de cette année était «Mémoire». Il a été choisi, après consultation des victimes et des associations qui travaillent avec elles. Au Mali, ce thème sied avec la situation des milliers de déplacés et de réfugiés que connait le pays depuis une décennie.
INSALUBRE ET BOUEUX – Sur les sites de Faladiè Garbal et du Centre Mabilé de Sogoniko, résident depuis quelques années, des centaines de déplacés internes. A Faladiè, premier constat : l’endroit est insalubre, boueux et nauséabond !!! Des abris en tôles, aux toits de paille maintenus par des bâches en plastique pour empêcher les eaux de pluie de s’infiltrer. A notre passage, deux enfants d’à peine 10 ans poussaient avec difficulté un charriot chargé de plusieurs bidons d’eau de 20 litres. Ils peinaient à faire avancer leur chargement dans la terre boueuse.
Nous regardons le sol et nous nous demandons où poser nos pieds, tant la surface était recouverte de boue. Ici, les eaux usées verdâtres attirent mouches, moustiques et autres bestioles férus de saleté. Le site est ainsi infesté par ces nuisibles qui causent de nombreuses maladies dont le paludisme. Des conditions de vie qui dépassent l’entendement. Les enfants jouaient pendant que leurs mères faisaient la cuisine, comme si de rien n’était, au milieu de ces immondices.
Nous demandons à voir le responsable du site. On nous guide tout droit vers Mariam Niagalé qui travaille à la Direction régionale du développement social. Avec son autorisation, nous avons pu échanger sur leurs conditions de vie avec certains déplacés dont Ama Diallo. Le vieil homme semble s’être habitué à ces conditions de vie au fil du temps. De lassitude ou de désespoir ? Sur une chaise, une houlette à la main, il nous explique qu’ « une personne qui trie les ordures pour les vendre afin de pouvoir se nourrir ne connait pas la saleté car c’est son quotidien ». Cependant, Amadou Djibo, un autre déplacé, qui est sur le site depuis trois ans, explique que la saleté dérange tout le monde. «C’est la saison des pluies qui aggrave cette situation », nous confie-t-il.
À notre passage, une équipe de la Croix rouge malienne offrait des moustiquaires aux déplacés. Selon les membres de cette équipe, les dons qu’ils font aux déplacés dépendent des besoins du moment. Pendant la saison des pluies, les moustiques pullulent dans la zone. C’est pourquoi, la Croix rouge a choisi de fournir des moustiquaires aux déplacés pour les protéger contre le paludisme. «Ils ne nous aident pas chaque mois mais tout le temps», témoigne le vieux Ama Diallo. « En cas de maladies, dit-il, c’est la Croix rouge ou le Samu social qui nous prennent en charge et gratuitement ».
Ama Diallo, qui en a gros sur le cœur, nous informe que les déplacés ont besoin de denrées alimentaires, d’eau, de médicaments, de sécurité et d’éducation pour leurs enfants. Il se souvient qu’un sac de 50 kg de riz a été offert à chaque famille pour une durée de quatre mois. Selon lui, cela n’est guère suffisant car certaines familles n’ont même pas fait un mois avec leur sac.
Pour notre interlocuteur, c’est pendant la période de Ramadan qu’ils reçoivent le plus d’aide venant de généreux donateurs, comme quatre à cinq sacs de riz pour chaque famille durant ce laps de temps. Diallo, qui déplore leurs conditions de vie, signale qu’il n’y a pratiquement pas de donations de vivres sur les sites ces derniers temps. La responsable du site, Mariam Niagalé, confirme : cela fait deux voire trois mois que les déplacés de Faladiè n’ont rien reçu. Ils sont obligés de trier les ordures pour certains, de faire des petits boulots et mendier, pour d’autres, afin de survivre.
Pour le vieux Ama Diallo, le manque de travail est, également, un gros problème pour les déplacés. D’après lui, leur recherche de nouveaux partenaires afin de donner un travail décent à certains déplacés n’a rien donné. Certains font des petits boulots pour pouvoir nourrir leur famille. «Certains hommes coupent de l’herbe qu’ils vendent, d’autres deviennent des mendiants et certaines femmes sillonnent les maisons pour faire la lessive ». D’autres recupèrent les objets en plastique dans les ordures qu’ils revendent pour pouvoir manger», nous relate Ama Diallo, qui demande aux autorités et aux bonnes volontés de leur permettre d’avoir des terres pour cultiver ou des animaux à élever pour pouvoir subvenir à leurs besoins.
PAIX ENTRE COMMUNAUTÉS – Au total, 806 personnes déplacées sont sur le site de Faladiè, selon le dernier recensement. La première chose qui frappe à l’œil en ce lieu est l’harmonie entre les différentes communautés, en l’occurrence sonrhaïs, bozos, bambaras, tamasheks, dogons,peulhs. Les personnes interrogées ainsi que les responsables des sites s’accordent à dire que la paix règne entre les différentes communautés que la situation sécuritaire a réunies dans une communauté de destin.
Au Centre Mabilé de Sogoniko, l’ambiance était toute autre à notre passage. Ici, 306 déplacés sont logés dont des dogons et des peulhs, selon le responsable, Madi Noumogo. Certains vivent dans un grand bâtiment délabré. D’autres sous des tentes offertes par les Nations unies. Les déplacés de ce site que nous avons interrogés sur leurs conditions de vie, reconnaissent que le service du Développement social fait du bon travail. Abdoulaye Boly, un vieux peulh est là depuis quatre ans. Il explique être venu dans ce Centre avec d’autres déplacés, car le site de Faladiè n’était plus habitable à cause des eaux pluie.
Les déplacés que nous rencontrés remercient les organisations et les bonnes volontés qui leur viennent en aide dans la limite de leurs possibilités. Leur cri de cœur est adressé aux autorités pour plus de soutien.
Ils exhortent le gouvernement à stabiliser le pays pour qu’enfants ils puissent regagner leurs localités, retrouver leur familles et travailler leur terre « pour vivre dignement ». Même si d’autres, à l’image de la pauvre Djénèba Tinmin déplorent ne plus avoir de village où retourner car tout a été décimé par les terroristes et les habitants qui ont survécu ont dû se mettre à l’abris, ailleurs, pour échapper à d’autres attaques terroristes.
JKD/MD (AMAP)