Par Babba B. COULIBALY
Oumar SANKARÉ
Bamako, 29 sept (AMAP) Dans la capitale malienne, Bamako, plusieurs voies urbaines sont impraticables aujourd’hui. Pas seulement à cause de la mauvaise qualité de la chaussée. Mais, surtout, à cause des engins et des matériaux de construction souvent laissés à l’abandon par des nombreuses entreprises incapables d’honorer leurs engagements. Les usagers de la route vivent un véritable calvaire.
«Nous voulons des routes en bon état. Les travaux d’entretien routier en cours perturbent véritablement la fluidité de la circulation. Ils ont pris trop de retard. Des embouteillages montres partout. Les déviations improvisées rendent la vie dure aux usagers qui ne maîtrisent pas bien les zones concernées. Les entreprises doivent accélérer la cadence pour libérer les voies afin de soulager les usagers». Ce cri du cœur du conducteur Mohamed Diarra, excédé, résume le calvaire que vivent les Bamakois en cette période d’hivernage.
Hivernage généralement synonyme de cauchemar pour eux. En ce mois de septembre 2022, il pleut encore, presque quotidiennement, sur Bamako. Le goudron est inexistant sur plusieurs tronçons. Des nids de poules similaires à des « baignoires d’éléphants » essaiment le bitume qui, un peu partout, ressemble à une gruyère.
Pendant ce temps, des chantiers de construction, d’entretien routier et d’ouvrage d’assainissement (caniveaux et collecteurs) sont nombreux à travers la ville, depuis près de trois mois. Des chantiers qui sont au point-mort pour la plupart, si ce n’est à l’arrêt. Des tas de gros cailloux, de sable et de graviers longent les caniveaux et ces routes-là. Réduisant ainsi la largeur des routes qui sont devenues inaccessibles.
Les cas les plus emblématiques aujourd’hui sont les voix traversant le Quartier sans-fil, le marché de Sabalibougou, le quartier Golf… Les entreprises abandonnent matériaux et machine sur place, sans aucune mesure pour faciliter la circulation, en créant des déviations.
Ce phénomène est récurrent ces dernières années. Les populations, à l’image de Moussa Samaké, vivent très mal cette situation. «À cause de ces travaux à durée illimitée, nous éprouvons toutes les peines du monde à rejoindre nos maisons, après le travail ou des courses en ville. Nous sommes, pour ce faire, obligés de prendre des rues adjacentes souvent en très mauvais état ou des déviations de fortune pour y accéder», déplore-il, suant à grosses gouttes.
Sur la rive gauche du District de Bamako, les travaux de réhabilitation du tronçon passant par le marché de Wolofobougou entravent la mobilité des usagers. Ce tronçon est stratégique, car les camions de marchandises, en provenance du Sénégal et de la Mauritanie, empruntent cette voie. Il n’est plus carrossable à cause de son état de dégradation avancé. Les eaux de pluie ont creusé des trous béants, un peu partout, le long du tronçon. Au passage de notre équipe, le contrôleur de chantier était absent. Le chef des ouvriers présent se refuse à tout commentaire sur les raisons du retard dans l’exécution des travaux.
À quelques mètres du pont Richard, des engins de construction barricadent carrément la route. Les motocyclistes et quelques automobilistes manœuvrent, souvent de façon dangereuse, pour pouvoir se frayer un passage. Des travaux de curage et de réhabilitation de caniveaux s’y déroulent.
CINQ MILLIARDS DE FCFA – Selon une source au ministère des Transports et des Infrastructures, le budget des travaux du premier Programme d’entretien routier, réalisé entre février et juin, se chiffre à 5 milliards de Fcfa. Cette phase a concerné la réalisation des caniveaux et la réhabilitation de certains tronçons à travers la ville de Bamako. Il s’agit notamment de la voie passant devant le Palais des Sports, la Cité des enfants à Niamakoro et Bacodjicoroni.
« Concernant le programme actuel, les entreprises peinent à démarrer les travaux », déplore notre interlocuteur, sans préciser le montant exact alloué à cet effet. Selon lui, les entreprises locales qui ont bénéficié des marchés manquent de moyens suffisants. «Nous comprenons la frustration des populations. On a demandé de valoriser les entreprises maliennes. Les travaux d’entretien routier en cours ont été donnés uniquement aux entreprises maliennes. La plupart d’entre elles n’arrivent pas à travailler malgré la remise des sites. L’État leur a pourtant versé les montants», nous confie notre source.
Malgré cela, les travaux n’ont pas encore débuté sur certains sites, selon une note d’information fournie par le ministère des Transports et Infrastructures. Il s’agit des voies RN7-Magnambougou-Banankabougou-RN6, corniche (Magnambougou-3eme Pont), la rue OUA Faso Kanu-École Cheick Anta Diop-Marché Magnambougou, la Rue 883, Tour de l’Afrique-intersection Aéroport, (rue du gouverneur Faladié Sema).
Les travaux de la RN7- IJA – Niamakoro cimétière Faladiè-voie des 30 m, RN7 (UATT)-CNREX-BTP-Niamakoro-Voie des 30 m, RN7-1008 Logements sociaux-Sirakoro, RN6-Niamana , RN7-Base militaire 101 de Sénou, RN7, Daoudabougou-Limite District Sénou, Marché de Sénou au niveau de la RN7 n’ont toujours pas commencé.
«Effectivement, des entreprises sont en retard», reconnaît le président de l’Organisation patronale des entreprises de construction du Mali (OPECOM). Le problème est, selon Boubacar H. Diallo, organisationnel et opérationnel. Il pointe du doigt les changements fréquents demandés par le département des infrastructures. Ce qui, selon lui, rend difficile l’organisation du travail entre les différents acteurs.
Au plan opérationnel, des entreprises ont reçu leur note de service au mois de juillet durant lequel «il est interdit de travailler (Ndlr : faire des goudrons)», dit M. Diallo. « Normalement, insiste-t-il, on ne doit faire que des travaux d’urgence maintenant. Regardez les désagréments que les travaux causent en ville actuellement », ajoute-t-il.
«En saison sèche, quand on barre une rue, on la finit en une semaine et on la remet en circulation. Pendant l’hivernage, on barre la rue, il pleut. On met les gens sur les autres rues qui ne sont pas aménagées, cela provoque des ennuis à tout le monde», explique-t-il.
QUALITÉ, COÛT ET DÉLAI – Toutefois, relativise le patron de l’OPECOM, le département a réalisé de grands travaux durant la saison sèche. Il s’agit de la rue qui passe derrière le champ hippique à Missira. La voix qui relie Suguni Kura, à Djélibougou, Korofina Nord, Banconi, est dégagée maintenant contrairement aux autres années. « La liste est loin d’être exhaustive », dit M. Diallo.
Selon lui, il fallait consolider ces acquis, recenser les travaux dont la réalisation causera moins de contraintes aux usagers et reporter les autres jusqu’à la fin de l’hivernage. Mais, en demandant aux entreprises d’attaquer sur tous les fronts, on occasionne plus de problèmes, contrairement aux objectifs du département en charge des routes «qui est de bien faire afin de soulager les usagers», déplore-t-il. Sans compter, à croire Boubacar H. Diallo, l’incidence sur la qualité, le coût et le délai d’exécution des travaux.
En la matière, rappelle l’expert en génie civil, il est conseillé de se garder de poser le bitume quand il y a 30 mm de pluie. « De même, lorsqu’il y a 5 mm de pluie, on ne fait pas de terrassement », ajoute le patron de l’OPECOM. « Car, argumente-t-il, la compacité des matériaux est liée à la teneur en eau et à l’énergie du compactage ». «La teneur en eau des sols utilisés pour faire les routes est de l’ordre de 7 à 8% maximum. Aussi, la qualité du compactage laisse à désirer, car le goudron gonfle après la saison des pluies. Conséquence ? Il décolle de son terrassement. C’est ce qui explique les nombreux trous sur nos routes», dit Boubacar H. Diallo.
En témoignent les constats sur le terrain. La pluie a déjà creusé des trous sur des routes nouvellement réhabilitées ou construites. Sur certaines comme à Numukè ka carré, le goudron est gondolé par endroits. L’initiative de bétonner les bordures des goudrons avait été saluée. Elle protège le bitume contre les eaux de pluies qui érodent les bordures et la poussière qui le recouvre en saison sèche. Ces travaux sont visiblement bâclés et partiellement exécutés.
Face à ces constats, le président de l’OPECOM pense que les maigres ressources doivent être utilisées judicieusement par les entreprises et ceux qui programment les travaux. Cela en les exécutant pendant la bonne période, à moindre coût, tout en garantissant la qualité.
BBC/OS/MD (AMAP)