Bamako, 8 mai (AMAP) À la mine artisanale de Tourela, un village de la Commune de Sanankoroba, à une cinquantaine de km de Bamako, sur la route vers Bougouni (Sud), des hommes et des femmes traquent sans répit le filon d’or. Ils grattent la roche dans l’espoir de trouver ce métal jaune qui mérite à leurs yeux des conditions impossibles.
Au prix de dur labeur, les plus chanceux parviennent à extraire quelques grammes de poussière d’or. Mais la réalité, c’est un quotidien précaire et dangereux. Des tentes de fortune servent d’abris. Et à quelques mètres de ces « maisons », des trous abandonnés après exploitation sont visibles, et certains sont encore occupés par des assoiffés d’or qui suffoquent dans l’obscurité de tunnels pouvant atteindre 50 mètres de profondeur. « J’ai passé deux jours dans ce trou. Tant qu’il y a de la nourriture et de l’air, je suis prêt à y rester pour obtenir ce que je veux», affirme un homme tirant une corde pour faire remonter à la surface un seau rempli de terre.
Plus loin, le spectacle est saisissant. Femmes, jeunes et enfants exécutent de lourds travaux sous le soleil ardent. Tandis que certains creusent, d’autres transportent, à l’aide de tricycles appelés « Katakatani », le minerai extrait du placer jusqu’au fleuve pour le lavage. «La remontée du minerai consiste à le tirer vers la surface à l’aide d’une poulie munie d’un sac ou d’un seau. Ceux qui effectuent cette tâche sont payés en fonction du nombre de sacs remontés. Le lavage est une tâche principalement féminine», explique Madou Cissé, assis sous l’ombre, en sueur. L’or, une fois récupéré au bout d’un processus complexe, est vendu à des acheteurs qui viennent de la capitale.
Pour s’établir à Tourela et avoir un accès continu à la mine, il faut payer 15 000 Fcfa à des responsables appelés «Tomboloma». Ici, on rencontre aussi bien des Maliens que des étrangers. Des paysans qui ont abandonné leurs champs aux élèves qui ont arrêté leurs études, en passant par des jeunes filles qui ont décidé de ne plus aller travailler à Bamako comme servantes, tous espèrent trouver le filon qui mettra fin à leur misère. «1g d’or fait 40 000 Fcfa, ce qui représente plusieurs mois de salaire pour une servante à Bamako. C’est pourquoi, malgré les difficultés et les préjugés, je reste ici. L’étiquette de prostituée est un préjugé qu’on colle à toutes les filles qui viennent chercher l’argent sur les sites d’orpaillage», confie Batoma Cissé. Et Boubacar Diallo, qui a abandonné l’école, affirme, le sourire aux lèves : « C’est quand on est riche qu’on étudie. Moi, grâce à ce que je gagne, j’aide mon père. Récemment, j’ai eu des millions. Donc, ça vaut le coup».
L’extraction de l’or dans les placers nécessite une grande quantité d’eau. Sur le site de Tourela, qui se trouve à 3 km du fleuve Niger (et dont les rares rivières sont temporaires), l’eau devient une ressource précieuse obtenue par des forages profonds, alimentés par des motopompes. Chaque individu se débrouille seul. Sur ce site, il existe deux méthodes de lavage du minerai, à savoir le lavage à la calebasse et celui avec la rampe. Le lavage se fait soit près des rivières, soit dans un bassin alimenté par de l’eau achetée à des livreurs.
«La récupération de l’or se fait après le lavage du minerai. Les métaux lourds restent au fond de la calebasse et sont récupérés par les mineurs pour l’amalgamation. Ce procédé consiste à mélanger le minerai avec du mercure pour former une boule d’or concentrée. Le produit amalgamé est ensuite chauffé dans une sorte de poêle à ciel ouvert. Sous l’effet de la chaleur, le mercure s’évapore, laissant la boule d’or. «Le mercure est fourni par des Bamakois, et son prix varie entre 10 000 et 40 000 Fcfa le litre», explique un autre orpailleur, préférant rester anonyme.
IMPACTS NEGATIFS – Les dégâts causés par cette activité sont nombreux. «L’agriculture ne se pratique que pendant lasaison des pluies», souligne Moussa Diarra, étudiant. L’élevage est désormais impossible en raison de la destruction de l’environnement. « Nos animaux ingèrent du cyanure ou du mercure. On ne peut pas non plus les garder, car ils tombent dans les trous des orpailleurs», dit-il. Aussi, les orpailleurs laissent derrière eux des milliers de trous et de galeries non rebouchés, ce qui expose le sol à l’érosion.
L’utilisation du mercure, dont les effets sont documentés par l’Organisation mondiale de la Santé, représente une menace pour la biodiversité. En effet, lorsqu’il est libéré dans l’environnement, il se transforme en méthylmercure, qui peut affecter la faune aquatique et perturber toute la chaîne alimentaire. Le mercure utilisé pour le traitement de l’or est potentiellement polluant pour l’air, les eaux de surface et les nappes phréatiques. «Nous réalisons l’impact de ces produits qui polluent l’air, mais c’est le prix à payer pour sortir de notre misère», avoue Seydou Cissé. Ces impacts négatifs sur l’environnement ont des répercussions directes sur la population. De plus en plus, il est difficile de se procurer du bois de chauffe pour les besoins domestiques. « Même pour construire des maisons et des hangars, il nous faut du bois. Or, aujourd’hui, il n’y en a plus. Nous sommes obligés de nous approvisionner dans d’autres villages», affirme un revendeur d’or.
En dépit de la présence d’autres, l’orpaillage reste l’activité principale de ce village, malgré les menaces qui y sont associées, notamment les effondrements. « Nous avons assisté à des effondrements. J’en ai assisté à deux et il y a eu des pertes en vies humaines. Mais c’est le prix à payer», se dit philosophiquement Madou Touré.
La vie sur le site d’orpaillage de Tourela est loin d’être attrayante. En plus des difficultés d’accès aux soins sanitaires et de l’impraticabilité des routes, les populations vivent dans une pauvreté extrême.
AD/MD (AMAP)
Par Aminata DJIBO