Par Mohamed D. DIAWARA

Bamako, 30 décembre (AMAP) Le n’ko, cette écriture créée en 1949 par Solomana Kanté, un chercheur guinéen, est aujourd’hui enseigné dans nos universités et dans plusieurs centres d’enseignement dans le monde, y compris à Harvard et Indiana (Etats-Unis) et en Egypte.

L’hiéroglyphe a acquis droit de Cité au Mali, depuis sa création, en 1949, par Solomana Kanté. Le n’ko, dans l’imaginaire populaire, renvoie à une introspection, à la connaissance du passé et de notre culture, mais c’est une écriture qui a connu beaucoup d’évolutions. Le créateur de cette écriture a ouvert la voie, en écrivant des documents dans différents domaines, notamment la géographie, l’histoire, les mathématiques et autres. Depuis, le n’ko a fait du chemin car des documents sur les nouvelles technologies de la communication et la santé sont transcrits dans ce système d’écriture.

La promotion du n’ko continue, à travers la multiplication de formations informelles, la publication de livres et l’apprentissage en ligne, notamment sur les réseaux sociaux. Sur la base d’un constat empirique, on peut confirmer un regain d’intérêt pour le n’ko et, même, sans donner de statistiques précises, les maîtres de cette écriture attestent avoir, maintenant, un grand nombre d’adhérents.

CHEMIN PARCOURU – L’écriture n’ko a été introduite dans l’enseignement supérieur, notamment au niveau des universités. Solomana Kanté serait fier de voir le chemin parcouru, notamment en termes d’acceptation du n’ko. Si le n’ko n’utilisait, au départ, que les dialectes madenkan, dioula, bamanankan, mandengo ou khassonké, cette écriture peut se faire, maintenant, dans toutes les langues nationales. C’est dans cette logique que le Forum pour la généralisation internationale du système d’écriture n’ko a vu le jour en 2018.

Yaya Konaté, membre de ce forum, explique, tout d’abord, que « l’objectif de cette association est de persuader les adeptes du n’ko que toutes les langues africaines doivent être écrites pour réaliser le rêve de son initiateur, c’est-à-dire trouver une écriture propre à l’Afrique ». C’est pourquoi, le Forum pour la généralisation internationale du système d’écriture n’ko est en train de conquérir le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Mali, la Guinée, la Gambie et le Sénégal pour que les locuteurs des langues nationales de ces pays adoptent le système d’écriture n’ko.

M. Konaté a, déjà, à son actif, six livres rédigés en n’ko. Ces ouvrages abordent des thématiques liées à l’islam et la vie associative. D’autres écrivains se sont intéressés à l’électricité, l’informatique, aux vertus des plantes et la mécanique. « La médecine traditionnelle n’est pas un secret pour moi. Il y a beaucoup de livres de « Karamako » Solomana Kanté qui expliquent les vertus des arbres et parlent des maladies », se réjouit le tradi-thérapeute Konaté. Il rend hommage à ce savant.

Solomane Traoré, lui aussi, est membre de l’association « Lawada » qui signifie en français la connaissance et le développement du n’ko. Le sexagénaire explique que le n’ko a des avantages. En ce moment précis de notre entretien, il exhibe son téléphone muni d’un système d’exploitation mobile android. Tous les contacts de son répertoire sont écrits en n’ko. « Tout cela est faisable grâce à une application conçue à cet effet », explique-t-il, avec une pointe d’enthousiasme mêlé de fierté. Dans le domaine de l’informatique, le système d’écriture n’ko est représenté dans l’Unicode, un standard informatique qui permet des échanges de textes dans différentes langues, à un niveau mondial.

Boubacar Diakité, docteur en linguistique, fait partie de ces hommes qui mènent des recherches dans le sens de la généralisation du système d’écriture n’ko. Lors d’une de ses conférences, tenue en août dernier, le linguiste avait présenté à l’assistance quelques-unes de nos langues nationales qui peuvent, désormais, être écrites en n’ko.

«Nous avons pu créer les sons qui n’existaient pas dans le système mais qui sont dans les dialectes comme le bamanakan, le khassonkan, le dafinkan et d’autres», avait expliqué l’universitaire qui a ajouté que leurs recherches ont permis d’ajouter de nouveaux sons au système n’ko et de simplifier son système tonal. Précisons qu’auparavant, l’alphabet du n’ko comptait 27 lettres. On y a rajouté des lettres pour le ramener à 34 actuellement.

AVANCÉE IMPORTANTE – Pour Dr. Diakité, l’objectif de ces recherches est de contribuer à développer l’alphabet du n’ko au profit de toutes les langues africaines. Il a assuréque ses recherches ne s’écartent pas de la trajectoire tracée par le créateur du système n’ko qui, selon lui, consiste à toujours faire des recherches et adapter cette écriture aux nouvelles découvertes.« Une autre avancée importante a été enregistrée par le n’ko. Il est devenu un système d’écriture international car l’alphabet phonétique international est totalement traduit en n’ko », a encore expliqué le chercheur.

Adama Coulibaly, président du Forum pour la généralisation du système d’écriture n’ko au Mali, enseigne le n’ko à la Faculté des sciences administratives et politiques (FSAP). Nous l’avons rencontré dans une petite librairie à Banconi. Dans ses rayons, on trouve plusieurs ouvrages écrits en n’ko, notamment des livres d’initiation à l’écriture n’ko, des dictionnaires, des documents sur les termes administratifs et juridiques et des livres de grammaire.

Il révèle qu’en plus de quelques institutions supérieures au Mali, le n’ko est enseigné dans plusieurs universités dans le monde, y compris Harvard et Indiana (Etats-Unis) et une autre en Egypte.

Le Forum souhaite sortir des formations informelles et mettre en œuvre un curriculum. « Nous avons entamé les travaux pour l’élaboration de ce curriculum qui nous permettra d’offrir des formations mettant l’accent sur la spécialisation », a annoncé le président du Forum. Il a indiqué, également, que le n’ko est une discipline enseignée à la FSAP, depuis deux ans. Selon lui, certains étudiants ont été ajournés à leur examen pour des insuffisances en n’ko.

Lassana Camara attend la reprise des cours pour débuter la deuxième année à la FSAP. L’étudiant de 23 ans est motivé à apprendre cette écriture car il est certain qu’elle sera indispensable dans les années à venir. « J’ai opté pour le n’ko afin de mieux comprendre ma langue maternelle et son importance », justifie-t-il, avant de préciser que grâce à cette écriture, il est possible de parler sa langue sans recourir à une langue étrangère.

Lassana et ses camarades, qui ont choisi les signes du n’ko, apprennent, notamment, à lire et à écrire d’abord. Ils tenteront, ensuite, de maitriser les termes de l’Administration et des sciences politiques en n’ko.

Yaya Konaté pense que les partisans du n’ko doivent rester mobilisés et soudés pour la promotion de cette écriture. « C’est à ce prix, soutient-il, qu’ils parviendront à atteindre leur objectif commun : la valorisation du n’ko par le gouvernement ».

MDD/MD (AMAP)