Mariam F. DIABATÉ
Sikasso, 20 oct (AMAP Chassés de leurs terroirs par les terroristes, de nombreux compatriotes ont trouvé refuge dans la Région de Sikasso (Sud). Des familles entières vivent aujourd’hui des moments difficiles. A l’image de Bintou Konaté, ressortissante de Wankoro, pres de Bandiagara, dans le Centre du Mali. « Les rebelles ont attaqué mon village. Ils ont kidnappé certains membres de ma famille. Ils ont emporté tous nos animaux, il y a de cela trois ans. Suite à ces désastres, ma famille a fui le village pour s’installer à Sikasso», dit-elle.
Comme elle, de nombreuses personnes ont été contraintes d’abandonner leurs résidences habituelles pour sauver leur vie. Beaucoup d’entre vivent à Sikasso. Ils ne savent plus à quel saint se vouer. Tant leurs conditions de vie sont difficiles. Ils occupent des bâtiments en chantier. Les déplacés sont installés aussi dans le marché à bétail de Médine et dans les quartiers de Sirakoro, Médine, Attbougou, Lamine bambala, Hamdalaye, Ziembougou et Babembabougou.
Certains se sont installés dans le Cercle de Kadiolo. Bintou Konaté, la ressortissante de Wankoro, fait partie des déplacés du quartier de Médine. La dame au teint noir révèle qu’elle vit ici avec ses 9 enfants. Elle ajoute qu’à cause de la cherté de vie, son mari « est retourné dans notre village pour faire de l’agriculture ». « Ici, je me débrouille pour subvenir aux besoins de mes enfants en vendant des galettes. Cela ne marche plus. Même aujourd’hui j’ai un plateau remplie de galettes non écoulées. Ce marché n’est plus rentable», ajoute-t-elle.
Le regard dans le vide, elle poursuit : « Depuis six mois, je n’ai pas payé mon loyer, faute de moyens ». A présent, elle craint que le propriétaire ne l’expulse avec sa famille. C’est le sort qui attend la plupart des familles déplacées. «Mon souhait le plus ardent est de trouver un métier pour mes enfants. Cela permettra de réduire mes charges. Nous vivons ici depuis deux ans. Nos conditions de vie sont vraiment déplorables», témoigne-t-elle.
Son père travaillait comme ouvrier sur le chantier deconstruction de la route 2X2 voies de Sikasso. « C’est suite à cela qu’il est tombé gravement malade. Après sa guérison, mon père a décidé de rentrer et, depuis son départ, il a disparu. Je crois qu’il a été soit kidnappé ou bien tué par les rebelles», pense-t-elle.
Alidjouma Karambé vient de Bandiagara. Il habite à Sirakoro dans un bâtiment en chantier avec ses deux frères. L’homme au teint noir, la taille moyenne, a une famille de trente personnes. «La situation n’est pas facile. Nos enfants ne sont pas habitués au climat de Sikasso. Ce qui fait qu’ils sont toujours malades. Mes revenus sont tellement maigres qu’ils me procurent à peine mon pain quotidien», révèle qui travaille comme bûcheron. Karambé demande à l’Etat de mettre en place un régime d’assurance maladie pour les déplacés et leurs enfants.
BONNES VOLONTÉS – La veuve Mme Konaté Mala Korobara est la présidente de la Coordination des associations des victimes de Sikasso, Loloni, Kadiolo et Zégoua. C’est également elle qui s’occupe de l’accueil de la plupart des déplacés de la région. Depuis près de quatre ans, elle reçoit et accompagne ces déplacés avec la collaboration des autorités régionales. Elle se rappelle qu’en 2019, elle a reçu 85 déplacés de Bankass et de Wankoro (Bandiagara). «Beaucoup d’entre eux ne possédaient que les habits qu’ils portaient. Des enfants à moitié nus. C’était vraiment difficile», témoigne-t-elle.
Lorsqu’elle a informé les autorités régionales, une grande délégation composée du gouverneur, du directeur régional du développement social, du maire de la Commune urbaine, du préfet du Cercle de Sikasso et des ONG sont venus leurs apporter des dons. De nos jours, la présidente de la coordination des associations des victimes de Sikasso, Loloni, Kadiolo et Zégoua s’occupe de plus de 200 déplacés à Sikasso. « Chaque fois que les autorités ou encore les bonnes volontés veulent leur offrir des dons, je les rassemble chez moi et on leur partage les dons. Je fais de mon mieux pour eux. A présent, ils sont comme ma famille », souligne Mme Konaté.
S’exprimant sur les difficultés des déplacés, Mala Korobara a mis l’accent sur l’accès au logement, à la nourriture, à l’habillement, à la santé et, surtout, à l’éducation pour les enfants. « Même ce matin, j’ai conduit 12 enfants déplacés à l’école de Médine pour les y inscrire », indique-t-elle. Par ailleurs, la veuve a évoqué le cas du vieux Djombo Traoré qui habitait à Sirakoro. Ce dernier a décédé de maladie. «Malgré mes démarches pour qu’il recouvre sa santé, on n’a pas trouvé de soutien. Finalement, il est décédé », explique notre interlocutrice qui ajoute que certains déplacés deviennent fous et disparaissent.
Mme Konaté Mala Korobara demande que chacun considère les déplacés « comme ses propres frères et sœurs, d’autant plus qu’ils ont été obligés de quitter leurs localités à cause de l’insécurité ». « Chacun peut se trouver dans cette situation», dit Mala Korobara qui invite les autorités régionales à accélérer le processus d’acquisition du récépissé de sa coordination. Elle appelle les autorités à offrir de l’emploi aux chefs de familles des déplacés afin qu’ils puissent subvenir à leurs besoins.
Le directeur régional du développement social de Sikasso, Mamoudou dit Mama Dioni, affirme que l’Etat et les ONG font de leur mieux pour ces déplacés. En ce qui concerne la mise en place du régime d’assurance maladie pour les déplacés et leurs enfants, Mama Dioni a révélé que les déplacés internes sont affiliés au Régime d’assistance médicale (RAMED). Ce régime constitue un dispositif public de protection social non contributif qui assure la prise en charge médicale des indigents, des personnes sans domicile, des prisonniers, des militaires et civils blessés au cours ou à l’occasion de conflits armés et de catastrophes.
Par ailleurs, le directeur régional du développement social de Sikasso a dit que très bientôt un nouveau projet sera mis en place à Sikasso. Ce dispositif prendra en charge, en grande partie, les difficultés des déplacés internes de la région.
MFD/MD (AMAP)