Par Baya TRAORE
Bamako, 5 Oct (AMAP) C’est quotidien. Un soir de septembre, sous l’échangeur de l’immeuble Babemba, une équipe de ramasseurs d’ordures de l’entreprise de nettoyage Ozone Mali s’attèle à débarrasser un tas d’immondices et de gravats. La position de leur camion de transport d’ordures provoque un petit embouteillage mais, surtout, la colère des usagers qui n’apprécient guère de perdre un temps fou sur quelques mètres de bitume. Pourtant, le travail de ces petites mains utiles sert la propreté et l’assainissement des grandes artères de la capitale malienne mais, aussi, des grands espaces publics et autres servitudes. En outre, elles exercent, généralement, ce métier par nécessité, mais n’en sont pas moins contentes de se rendre utiles.
Ces éboueurs qu’on aperçoit à longueur de journée sur les artères principales, aux carrefours et sur les ponts sont reconnaissables à leur tenue. Ils bravent le soleil aux rayons lumineux, qui brûle la peau après une longue exposition, les intempéries et, parfois, le sarcasme de certains, pour répondre à l’exigence de leur devoir, celui d’assainir Bamako, la coquette. Ils mettent tellement de fierté à balayer le bitume, sans tricherie, courant le risque de se faire renverser par des automobilistes et motocyclistes qui adorent les courses déjantées.
Pelle et balai à la main, vêtu d’une blouse de couleur verte et rouge de l’entreprise, Mariétou Konate, la quarantaine, fait partie de ces balayeuses utiles qui sautent de leur lit, au premier chant du coq, pour donner fière allure à notre environnement, à nos bitumes et autres espaces publics. Cette mère de famille, réglée comme une horloge suisse, exécute admirablement sa besogne quotidienne (le ramassage des ordures) au rond-point du boulevard de l’Indépendance. Elle se laisse entrainer petit à petit vers l’Institut français du Mali (ex-Centre culturel français) sous le regard inquisiteur de certains usagers et accepte de se confier à nous.
Elle explique n’avoir aucune honte à exercer ce métier parce qu’elle est bien convaincue qu’il n’y a pas de sot métier, comme le dit si bien l’adage. Mais, elle s’indigne du comportement de certains compatriotes qui ne semblent pas comprendre que le pays est un puzzle dans lequel, chaque pièce a sa place. Le cardiologue ne fera pas le boulanger parce que chacun a sa spécificité et chacun doit jouer sa partition dans le développement du pays.
« Mais hélas, beaucoup de nos compatriotes ne semblent pas intégrer cette réalité. Ils ne nous respectent même pas parce qu’il suffit de terminer le nettoyage d’un espace pour qu’ils le salissent. Ils le font, souvent, à notre présence sans aucun scrupule», explique la ramasseuse d’ordures. Elle ne réclame, ni plus ni moins, que de la considération pour son travail. Les ramasseurs d’ordures sont, aussi, confrontés à des difficultés existentielles avec des salaires modiques.
Modibo Coulibaly, ramasseur d’ordure à Ozone Mali, déplore le traitement, en termes de salaires, mais aussi de retard dans le paiement. Il pointe également du doigt l’insuffisance de matériel adéquat voire des équipements pour réaliser la noble ambition d’assainir le pays. De gros efforts ont été accomplis dans ce sens mais c’est un travail de Sisyphe dont-il est difficile d’apprécier la valeur. Comme lui, ses collègues ramasseurs réclament aussi de meilleures conditions de travail et de vie.
Abdramane Diarra, lui, officie depuis plus de 6 ans à Ozone comme ramasseur d’ordure. Il s’autorise une comparaison qui peut paraitre ubuesque surtout très osée. Ce ramasseur d’ordures explique n’avoir aucune honte à balayer. Il se dit aussi à l’aise dans son travail que pourrait l’être un ministre de la République dans ses fonctions. Lui s’accommode, pour l’instant, de son salaire même s’il ne cracherait pas sur une augmentation substantielle. Cet éboueur indique que lui et ses collègues sont, aussi domiciliés, dans des banques de la place où ils reçoivent, par virement, leurs salaires. Ils sont aussi inscrits à l’Institut national de prévoyance sociale (INPS) et enrôlés à l’Assurance maladie obligatoire (AMO).
Au-delà des travailleurs de Ozone, certains particuliers ont monté des groupements d’intérêt économique (GIE) pour ramasser des ordures ménagères. D’autres évoluent seuls. Ils disposent de charrettes, à traction humaine ou animale, pour débarrasser les familles de leurs déchets ménagers. C’est le cas de Alfousseni Traoré qui s’occupe de la collecte des ordures ménagères d’une trentaine de familles à Missira. Il confirme que ce travail lui permet de joindre les deux bouts avec les cotisations que les familles payent à la fin de chaque mois. Certaines n’honorent pas leur engagement, sous prétexte que les ramasseurs d’ordures ne passent tous les jours pour enlever les immondices. « Il est quasi impossible de pouvoir faire le porte-à-porte, quotidiennement », relève Alfousseni Traoré qui en appelle à la compréhension des clients face à la problématique des dépôts de transit d’ordures ménagères.
Mahamadou Diarra, responsable du GIE « Dieya Kankan » de Médina Coura, évolue dans ce secteur d’activités depuis plus de 15 ans. « J’ai commencé moi-même à ramasser les ordures ménagère depuis des lustres. Aujourd’hui, par la grâce du Tout-Puissant, j’ai mis en place un GIE. Mais, il y a une insuffisance criarde de dépôts d’ordures qui reste un vrai caillou dans notre chaussure », souligne-t-il. Pour lui, Il urge de moderniser le secteur, pour rendre la ville plus propre.
Les ramasseurs d’ordures ménagères courent naturellement des risques. Oumar Diallo, entrepreneur, affirme que le ramassage des ordures est un métier à risque de contamination par des maladies infectieuses. Chaka Traoré, médecin généraliste au Centre de santé communautaire (CSCOM) de Medina Coura partage ce point de vue mais relativise, en expliquant que tous les métiers en comportent. Il énumère quelques risques comme les infections des voies respiratoires et celles de la peau et la puanteur qui incommode. En outre, il y a le risque d’attraper le VIH et l’hépatite B, entre autres.
BT/MD (AMAP)
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