Prise en charge des soins médicaux : Le cas pathétique des malades indigents

Au Centre hospitalo-universitaire (CHU) Gabriel Touré, des indigents bénéficient d’une prise en charge alimentaire et médicale gratuite dans le cadre du Régime d’assistance médicale. D’autres appellent à l’aide pour faire face au coût des soins

Bamako, 20 juil (AMAP) Dado Diarra, une mère qui passe ses nuits dans les couloirs de l’hôpital Gabriel Touré au chevet de son enfant, est l’illustration parfaite de l’adage qui dit que «même lorsqu’elle accouche d’un serpent, une mère est capable de le porter au dos». Pour dire que par amour filiale, une mère ne peut renier son enfant.

La pauvre femme s’est installée, par la force des choses, dans cet établissement hospitalier depuis une année et cinq mois avec son enfant atteint de troubles de la marche.

C’est après avoir fait un tour chez les traditheurapes que cette mère s’est décidée à faire consulter son enfant par des médecins spécialistes au Centre hospitalo-universitaire (CHU) Gabriel Touré où elle semble avoir trouvé gîte et couvert. «Nous n’avons plus rien. Nous avons été dépouillés par les tradipraticiens qui nous répondaient invariablement que les djinns avaient pris possession de l’enfant», explique la mère de famille, une pointe d’amertume dans la voix. Mais surtout le regret d’avoir perdu du temps, de l’argent et de l’énergie pour rien.

Elle vit aujourd’hui avec son enfant dans un petit jardin de Gabriel Touré, et est contrainte de squatter les salles d’hospitalisation ou les couloirs de l’établissement de 3è référence en cas de pluie. C’est une gymnastique à laquelle elle continue de se livrer en cette période d’hivernage. Elle bénéficie du repas servi par l’hôpital aux équipes de garde et aux indigents.

Dans sa situation qu’il ne faut souhaiter à personne de vivre, elle se rend utile à l’établissement en balayant bénévolement une partie de la cour. Ce qui lui a valu une certaine compassion d’autres accompagnants de malades et du personnel soignant.

Les cœurs généreux lui donnent quelques pièces de monnaie voire de petites coupures de billets de banque. Elle explique que c’est grâce à cette solidarité qu’elle essaie de faire face à certaines dépenses.

TROUBLES DE LA MARCHE – Le chef du service de neurochirurgie de l’hôpital Gabriel Touré, Pr Drissa Kanikomo, pose un diagnostic clair de la pathologie de l’enfant de Dado. Pour lui, le garçon souffre de troubles de la marche, en rapport avec une atteinte cérébrale. «C’est une artère du cerveau qui est bouchée. Ce qui fait qu’il n’a pas la motricité des membres inférieurs. On a fait le scanner de confirmation», explique le praticien hospitalier.

Sans être catégorique, il espère qu’après des séances de kinésithérapie sur la durée, il est possible que l’enfant remarche. Le neurochirurgien rappelle que, pour l’instant, la recherche d’une certaine autonomie pour que le malade marche (même si c’est avec des difficultés) est la priorité.

Le toubib reconnaît que la prise en charge de ce type de maladie est assez coûteuse. Selon lui, l’enfant a été immatriculé à l’Agence nationale d’assistance médicale (ANAM) pour bénéficier des soins pris en charge par le Régime d’assistance médicale (RAMED).

Ce régime de protection sociale est destiné à la prise en charge des indigents reconnus comme tels. L’enfant malade dispose d’un certificat d’indigence qui lui donne droit à des soins, gratuitement. Ce qui représente un vrai bol d’air pour sa pauvre mère dans son traitement. Mais Dado est contrainte d’acheter « les produits pharmaceutiques qui ne sont pas disponibles à l’hôpital, assure le neurochirurgien. »

Comme Dado, la vieille Koumourou Diarra, aussi, est au chevet de son fils, hospitalisé à l’hôpital Gabriel Touré depuis quatre mois. Son fils (lui aussi père de trois enfants) a été admis en hospitalisation dans la salle C du bloc de neurochirurgie sur un tableau clinique de tremblement au niveau de la tête et du bras droit.

La vieille femme explique que son fils a subi quatre interventions chirurgicales. La sexagénaire explique avoir battu le rappel des parents pour faire face aux ordonnances et autres analyses médicales et estime ne plus être en capacité de d’assurer le coût de la prise en charge de cette pathologie de son fils. Elle s’en remet à Allah.

Maïmouna Coulibaly accompagne son mari, admis en hospitalisation. Le peintre-maçon a été victime d’une décharge électrique avec comme conséquence la perte de la vue. Elle et son mari sont venus de la Région de Kayes (Ouest).

«Nous sommes ici depuis huit mois. Nous payons chaque jour 1 500 Fcfa comme frais d’hospitalisation», confie Maïmouna l’air désemparée. Elle ne sait plus à quel saint se vouer et en appelle à l’aide d’âmes généreuses pour continuer les soins à son époux malade.

 COUPE BUDGÉTAIRE – Sur la question, la cheffe du Service social de l’hôpital Gabriel Touré, Mme Sagara Adam Telly, indique que pour la gestion des malades indigents, l’établissement accompagne pour leur immatriculation à l’ANAM, afin qu’ils soient reconnus comme indigents. Ainsi, ils peuvent bénéficier gratuitement des soins avec leur certificat d’indigence.

«Pour la prise en charge des urgences, le directeur de l’hôpital accepte très souvent de leur accorder la gratuité des analyses», déclare Mme Sagara. Mais elle s’empresse de préciser que le Service social ne dispose pas de fonds pour la prise en charge des malades indigents.

Elle explique qu’auparavant, son service était doté d’une subvention de trois millions de Fcfa par l’État à travers le ministère en charge de la Santé. «Cette subvention a été coupée depuis trois ou quatre ans maintenant.

Actuellement, il n’y a pas beaucoup de choses à notre niveau pour les malades», précise Mme Sagara. Elle confirme que les indigents sont alimentés par l’hôpital. « On leur délivre des tickets pour les trois repas journaliers afin qu’ils soient servis à la cuisine de l’hôpital », explique la responsable du Service social de l’hôpital Gabriel Touré.

Des bonnes volontés apportent, souvent, à manger aux malades et accompagnants. Adam Telly indique, aussi, qu’un hangar est prévu pour accueillir les accompagnants des patients. Elle a, aussi, lever toute équivoque sur d’éventuelles accusations de discrimination.

«Il n’y a pas de différenciation entre les malades qu’ils soient indigents ou pas», clarifie-t-elle. Mais, selon elle, il est clair que les indigents restent à l’hôpital parce que dans la plupart des cas, ils ne savent pas où aller. Elle ajoute que l’administration hospitalière a promis de se pencher sur la question parce qu’un hôpital ne peut pas servir de logement.

«On a parfois du mal à distinguer les malades du flux de visiteurs et d’accompagnants. Tout ça va être tiré au clair bientôt», explique Adam Telly.

Les indigents reconnus comme tels bénéficient gratuitement des prestations médicales. D’autres, qui ne se trouvent pas dans le cas, en appellent à l’aide pour supporter le coût des soins. Mais tous ont en commun de passer de longs séjours d’hospitalisation.

BD/MD (AMAP)

Encadré ANAM : Au chevet des démunis

Créée en 2009, l’Agence nationale d’assistance médicale (ANAM) est un établissement public à caractère administratif doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Elle a en charge la gestion du Régime d’assistance médicale (RAMED) qui permet de prendre en charge les indigents reconnus comme tels et des admis de droit, c’est-à-dire des personnes qui peuvent, dans des circonstances exceptionnelles, bénéficier de ce régime de protection sociale.

Pour bénéficier du régime, la personne doit être immatriculée à l’ANAM et détenir un certificat d’indigence, délivré par la mairie de sa résidence, après une enquête sociale menée par les services techniques compétents.

Toute personne élue au régime bénéficie gratuitement des prestations sur une période de trois ans non renouvelables.

Toutefois, pour les personnes admises de droit, la reconnaissance de l’éligibilité est maintenue le temps que dure le motif de l’éligibilité, précise les responsables de l’Agence.

À la date d’aujourd’hui, plus 3,3 millions de personnes sont immatriculées à l’Agence. 410 567 d’entre elles, y compris 18 722 cette année, ont bénéficié des prestations médicales.

BD/MD (AMAP)