Par Sékou A. Maiga
Niafunké, 18 mar (AMAP) Modibo Kane Togo, préfet de Niafunké depuis août 2024, s’attaque aux constructions anarchiques dans la ville et fait respecter la loi. Des déguerpissements sont prévus pour le bonheur des Niafunkois. Après une prise de contact avec les autorités locales, mairie, chefs coutumiers, notabilités et chefs religieux, M. le préfet s’est donné le temps de connaitre la ville et ses structures étatiques.
Les locaux de la préfecture de Niafunké sont, à la limite, un parc à animaux en divagation, puisque la grande cour du cercle est sans portes ni portail. Au bout d’un mois, elle a changé de visage, Le cercle est devenu vitrine et symbole de l’Etat à Niafunké. Tout a été réorganisé portes, fenêtres, portail, bureaux et même les horaires de travail.
Aujourd’hui, il est difficile d’avoir accès à la Préfecture sans se soumettre à un contrôle. Pourtant, hier seulement, c’était un passage pour les forains qui regagnaient le fleuve Niger en fin de journée et les vendeuses de poissons qui ravitaillent le marché.
Des arbres et des fleurs ont été plantés et l’enceinte du cercle n’est plus ouvert aux quatre vents. En clair, le Cercle de Niafunké a changé de visage et l’on comprend que la maison a un occupant et un chef qui la dirige.
Les heures de travail pour les agents de l’Etat sont respectées. Lors des réunions de prise de contact, le préfet a insisté sur la communication, la vraie, entre collaborateurs et, surtout, la transparence dans la gestion des affaires de l’Etat. Tous les services techniques déconcentrés de l’Etat sont visités, parfois par surprise.
A Niafunké depuis 2013 régnait comme une anarchie et un libre-service dans le foncier. Des contestations et conflits fonciers qui ont poussé plusieurs dizaines de personnes à se faire justice elles-mêmes et ou à occuper, sans titre ni aucun autre document, des terrains et des bâtiments qui, parfois, appartiennent à l’Etat.
Dans la ville, des bâtiments entiers appartenant à l’État sont vendus, d’autres occupés illégalement, pire mis en bail et les frais de location sont collectés par des personnes privées, au vu et au su de tout le monde, impunément. Ici, on peut aisément constater que des cimetières ne sont pas épargnées par la furie spéculative. Ils sont morcelés et vendus et des mosquées qui naissent comme des champignons hivernaux à chaque bout de rue.
Cette semaine, la construction d’une mosquée attenant à un cimetière, toujours en service, a été stoppée par le préfet, lors d’un enterrement puisque ses fondations sont dans le cimetière et les normes techniques ne sont pas respectées.
COMME DANS LA JUNGLE – Devant les écoles, tout autour de la mairie partout, ce sont des constructions et occupations illicites. On se croirait dans une jungle. Pourtant avant 2012, Niafunké respirait la propreté et la liberté, sur fond d’espoir de voir cette ville devenir un chef-lieu de région sur la base de ses nombreux atouts tels que son architecture.
Il n’est pas rare de constater qu’agent du domaine, propriétaire de terrain, vendeurs et acheteurs se liguent contre l’Etat. Des morcèlements sans aucune base juridique, ni aucun respect des normes menaçant parfois les habitations de la vieille ville de Niafunké car des digues de ceinture de la ville sont obstruées, surtout en période d’hivernage.
Des constructions anarchiques sur les voies principales de la ville, devant des bâtiments publics, parfois tout autour des bâtiments sensibles tels que le Centre de santé, la Poste, les écoles, la Place de l’indépendance, en face de la mairie…Des constructions anarchiques sur les voies principales de la ville, devant des bâtiments publics, parfois tout autour des bâtiments sensibles tels que le Centre de santé, la Poste, les écoles, la Place de l’indépendance, en face de la mairie…
Pourtant le schéma d’urbanisation de la ville existe depuis 2002 mais est piétiné et des terrains morcelés, vendus parfois avec la complicité de certains responsables.
Les cas les plus flagrants sont les constructions anarchiques tout autour du marché principal et, singulièrement, des boutiques en banco et en ciment derrière l’ancienne Société malienne d’importation et d’exportation (SOMIEX) et l’Eglise de Niafunké, obstruant plus de la moitié de cette rue, à l’ouest du marché.
COLERE DU PREFET – Après s’être informé sur qui détient et celui qui a livré l’autorisation d’occuper cette zone du marché, les enquêtes ont édifié le préfet sur l’ampleur de l’inextricable arnaque à ciel ouvert. Modibo Kane Togo s’est rendu, en personne, sur le site du marché et a commencé à sillonner toute la ville de Niafunké.
Constat ? La situation est chaotique, dramatique, que de désordre partout dans les rues de Niafunké ! Des boutiques, magasins, kiosques installés un peu partout et n’importe comment dans la ville, sans aucune autorisation ni normes, parfois devant des édifices de l’Etat comme le Centre de santé communautaire (CSCom), le groupe scolaire Hamadoun Sankaré, la mairie…en toute illégalité.
Tous doivent, dans les jours á venir, déguerpir. Le cas le plus consternant est celui des boutiques contiguës à l’ancienne SOMIEX, à l’ouest du marché ou, pour les anciens de Niafunké, l’ex-terrain de football du marché.
La seule et unique voix bitumée de la ville est aussi obstruée parfois par des kiosques et boutiques construits sur les canaux de drainage des eaux de pluies. Des personnes construisent des maisons dans les rues et d’autres, ferment les caniveaux avec des dalles et construisent dessus. Quand certains ont transformé les caniveaux en fosses septiques ou eaux usées et déchets sont directement déversés dégageant des odeurs nauséabondes dans beaucoup de quartiers. Pire, certaines personnes n’hésitent pas à déverser leurs ordures et déchets dans les caniveaux drainés directement au fleuve Niger.
Après un premier délai de deux mois décidés par les commerçants eux-mêmes pour quitter mais qu’ils n’ont pas respecté, le préfet a ordonné la démolition pure et simple de ces installations, souvent avec ses propres moyens permettant, ainsi, au marché de respirer.
Le préfet Togo, après avoir rencontré la mairie, les chefs coutumiers et traditionnels, sans pouvoir situer les responsabilités face au drame foncier, a décidé de prendre ses responsabilités en renvoyant les services techniques de l’urbanisme et de l’assainissement au travail.
Toutes les constructions qui empiètent sur les rues de Niafunké seront répertoriées, démolies et redressées « sans état d’âme. » Tous ceux qui ont bouché les fossés par des saletés, tous ceux qui utilisent les caniveaux comme déversoir de leurs déchets solides ou liquides ont reçu une convocation du service de l’assainissement et leur cas sera traité par la police, après une période de grâce d’un mois. Tous les fossés obstrués seront libérés et curés dans une semaine.
Laisser couler les eaux usées des toilettes qui déversent directement dans les rues parfois, serpentant devant les mosquées est formellement interdit et les auteurs répondront devant la loi.
Lundi 10 mars, dans la salle de réunion du cercle, tous les chefs coutumiers, les services techniques de l’Etat, la police, la mairie ont discuté de comment redonner à Niafunké sa propriété et éclat d’hier, en combattant tous ceux qui ont tout morcelé et vendu.
Certains ainés natifs diront que les dernières gestions de la ville sont une honte. A Niafunké tout a changé, y compris les quais, le bord du fleuve avec ses jolies plages et le colondel (nord de la ville) avec ses jardins potagers…
L’Imam de la grande mosquée de la ville a dit, lors de la rencontre d’information initiée par le préfet, le lundi 10 mars 2025 : « Nous félicitons, soutenons et encourageons le préfet car tout ce qu’il est en train de faire profite à Niafunké. »
Un autre chef coutumier d’affirmer qu’il faut avoir l’honnêteté de dire la vérité face á l’histoire car tout le monde est complice de cette situation. « De toutes les façons, il y aura des mécontents (ceux en faute), et aussi des heureux, ceux lésés, sans aucune défense », a-t-il dit.
Déjà, des populations frustrées, depuis plus d’une décennie, manifestent leur soutien au préfet à chacun de son passage, dans le cadre du suivi des travaux d’élargissement et de nettoyage des caniveaux. Des femmes, des vieux, des jeunes rythment ces passages du préfet par «Anga Ta », « Ambi Ko », « Tignè debi laban », « Préfet libère nous Niafunké » En ce moment, les chefs de secteurs et le chef de village ont repris du service afin de sensibiliser les populations pour que, plus jamais, des eaux usées ne se déversent dans la ville, toutes les canalisations des toilettes directement branchées dans les caniveaux soient supprimées, les fosses ouvertes fermées puisque constituant un danger pour les enfants.
Tous ceux qui ont vendu ou acheté des terrains sans une base juridique fondée doivent revenir sur des voies plus orthodoxes car la terre appartient à la puissance publique.
« La situation est grave, puisqu’á la date d’aujourd’hui, Niafunké ville ne dispose plus de terre non vendue. Cela est inadmissible. Les générations futures n’ont rien fait pour mériter ce sort », a dit le préfet Modibo Kane Togo.
Áprès la rencontre de redressement du schéma d’urbanisation de la ville, piétiné, au vu et au su de tous, les habitants de Niafunké ont exprimé leur espoir dans les actions du préfet Togo. nourrissant l’espoir qu’il soit l’homme de la situation là où des années de gestion de la ville ont échoué.
SAM/MD (AMAP)