
La cherté de la bête à immoler est un serpent de mer qui a toujours hanté les esprits à l’approche de la fête.
Par Fadi CISSÉ
Bamako, 27 juin (AMAP) Sous un ciel couvert, les jeunes Aliou et Amadou Dicko transpirent à force de marcher. Coiffés de turbans et munis d’un petit bidon d’eau en bandoulière, les deux frères ressortissants de la Région de Tombouctou, dans le Nord du Mali, sillonnent les rues de la ville aux trois caïmans, la capitale malienne, Bamako, avec leurs moutons qu’ils souhaitent vendre en cette veille de Tabaski.
Comme eux, ils sont nombreux les vendeurs qui parcourent les quartiers avec les moutons ou qui s’installent aux abords des voies pour attirer l’attention des chefs de famille n’ayant pas encore acheté de moutons pour la Tabaski. Les prix vont de 90 000 Fcfa à 250 000 Fcfa.
De nos jours, le mouton n’est pas donné à cause d’une conjoncture marquée principalement par l’insécurité et la hausse des prix du transport et de l’aliment bétail.
À quelques heures de la fête, des chefs de familles sont dans le désarroi à cause de la cherté des prix des moutons. Les enfants en rajoutent au stress à chaque fois qu’ils interpellent leur père en ces termes : « Papa, quand est-ce que tu vas nous apporter le mouton pour la fête ? »
Des vendeurs, qui exercent ce métier depuis plus de 10 ans, confirment la cherté et en donnent des explications. «Les gens trouvent que les prix ont grimpé contrairement aux années précédentes. Mais, on n’y peut rien car à notre niveau également, tout est devenu cher : la nourriture et les frais de transport des moutons. L’acheminement d’un mouton sur Bamako coûte en moyenne 5 000 Fcfa. Sans compter les frais de transport des bêtes de la gare vers les sites de vente», se défendent-ils. « Il faut, également, noter que les éleveurs exportent une bonne partie des moutons vers les pays de la sous-région », ajoute un vendeur.
A notre passage, nos deux vendeurs ambulants proposaient onze béliers. Certaines de ces bêtes sont venues des villages et d’autres, des garbal (parc à bétail) de la ville de la Bamako. « C’est pourquoi, nous ne pouvons pas vendre nos animaux au même prix», se défendent-ils, précisant que ceux des garbals sont les plus chers.
Aux dires d’Amadou, le plus âgé, ils préfèrent vendre dans les rues plutôt que d’être dans un garbal, car « c’est la mafia là-bas ». «Si tu ne fais pas partie de leur réseau de vente, il sera difficile pour toi de vendre même un seul mouton. Par contre, dans la rue, tu peux vendre jusqu’à trois moutons par jour», affirme-t-il.
Alors qu’on échangeait avec les vendeurs, un client se présente et s’intéresse au plus gros mouton. Sans une longue discussion, il propose de l’acheter si les vendeurs acceptent de lui faire une réduction de 20 000 Fcfa. Proposition acceptée et le mouton est vendu à 200 000 Fcfa, donnant tout de suite le sourire aux vendeurs. Ali (nom d’emprunt du client) a sillonné plusieurs garbal avant de « tomber, par coup de chance, sur ce mouton».
Boureima Tolo, un autre client qui a assisté à la scène, semble impressionné par le pouvoir d’achat d’Ali. Il trouve que les prix ne sont pas abordables cette année. Cependant, il affirme que les vendeurs ambulants sont « moins chers que ceux des garbal». En plus, dit-il, «j’adore les moutons proposés par les vendeurs ambulants car la majeure partie vient du Nord. Leur viande est très tendre. »
Oumar Ongoïba est vétérinaire de formation. A l’approche de chaque fête de Tabaski, ce ressortissant de Mopti vient à Bamako pour vendre les moutons qu’il a élevés lui-même. « Mais après cette année, je ne viendrai plus vendre de moutons car on perd plus qu’on ne gagne », se plaint le trentenaire.
Le jeune vendeur, que nous avons rencontré à Sébénicoro, entonne la même trompette que nos deux précédents interlocuteurs. Il soutient l’idée de ne pas aller au garbal. « Ici, je vends librement, comme je veux et au prix que je veux, sans intermédiaire ni coxeur à qui que je paie une commission », dit-il. Ses bêtes sont vendues entre 75 000Fcfa et 200 000Fcfa.
Oumar a amené 40 moutons de la Région de Mopti (Centre). Mais il n’a en encore écouler que cinq. «Les gens n’ont pas d’argent en ce moment. Ils veulent que nous rendions abordables les prix, or nous nous avons beaucoup investi dans ces béliers », confie notre interlocuteur qui se dit prêt à ramener ses moutons au village plutôt que de les vendre à perte.
FC/MD (AMAP)