Par Maimouna SOW
Bamako, 13 sept (AMAP) Sept femmes maraîchères, sœurs, belles sœurs, filles, belles-filles. Elles sont d’une même famille. Elles n’ont pas que le sang et les liens du mariage en commun. Elles sont unies par un grand amour de la terre. Elles tirent leur subsistance, depuis plus de cinq ans, de la culture du gombo sur une parcelle de 2,5 hectares, à Sirakoro, dans la périphérie de Bamako, la capitale malienne. Ce quartier compte de nombreuses parcelles inoccupées. Le jardin des sept maraîchères est situé à 300m de la route bitumée.
En cette période d’hivernage, la culture du gombo constitue une source de revenus pour ces femmes et d’autres du Mali, dans le cadre de l’agriculture de proximité, une opportunité économique pour des millions de femmes en Afrique.
Cet après-midi de mardi, c’est l’heure de la récolte pour nos maraichères. Après de pénibles efforts pendant des semaines de travaux champêtres, le moment de réconfort. Trois grands paniers de gombo frais sont prêts. Ils seront acheminés sur le marché. Cet effort requiert une pause qu’elles observent en compagnie de leurs enfants, sous un grand arbre, au bord du champ. Les bambins jouent à la course poursuite. Les mères plaisantent entre elles. Une jeune maman est couchée à même le sol sur un bout de pagne et allaite son bébé. Tout le monde attend le repas.
« En temps normal, ces paniers nous apportent 35.000 Fcfa. Mais le prix a chuté cette année. L’offre dépasse la demande parce que les gombos de Sikasso et de Bougouni et ceux de Bamako sont récoltés en même temps », rapporte Mme Camara Fatoumata Traoré. Les années passées, les grossistes venaient jusqu’à elles pour s’approvisionner. Cette année, ce sont les détaillants qui sont au rendez-vous. Les femmes du quartier sont leurs premières clientes. Elles se procurent du gombo frais auprès d’elles, avant d’aller faire le marché.
Après la détente, le travail reprend jusqu’au coucher du soleil pour remplir d’autres paniers. Pour arriver à ce résultat, les productrices, dès la tombée des premières pluies, prennent d’assaut le champ. Elles partagent les 2,5 hectares en 7 parts égales. Les courageuses maraichères cultivent, en plus du gombo, le haricot, l’arachide et du maïs pour la consommation familiale.
Selon Mme Camara, elles ont choisi le gombo parce qu’il s’écoule vite et est rentable. Les tiges se reproduisent après chaque pluie. La récolte a lieu tous les trois jours. Compte tenu de sa courte taille, la culture du gombo ne permet pas de faire le nid des bandits. Les plants ne dépassent pas plus d’un mètre.
Au moment où beaucoup de citadines se détournent des travaux champêtres, les sept amies natives de Bamako, expriment leur vocation pour le maraichage. « Nous vivons de la culture de gombo frais», soutient Fatoumata, un large sourire sur les lèvres.
Leurs parents faisaient ce travail. Elles ont appris les ficelles du métier auprès d’eux. Aussi loin qu’elles remontent dans leur mémoire, les sept maraîchères ne se souviennent pas avoir acheté des céréales. Aujourd’hui, les terres des parents ont été vendues entraînant leur inactivité. « Notre groupe, ajoute Fatoumata, est reconnaissant envers le propriétaire de ce lot. Nous le connaissons bien. Il a eu confiance en nous. Il nous a confié sa terre sans rien nous demander en échange ».
« Depuis cinq ans, nous tirons de ces parcelles de quoi couvrir toutes nos dépenses. Nous avons même une caisse que nous alimentons avec les recettes, pour parer aux situations d’urgences », indique-t-elle
Il est fréquent, dans ce secteur, de voir des femmes cultiver le gombo dans une partie de la cour de leur maison. Aminata est l’une d’elles. Alors que les autres se dirigent vers le marché, pour vendre leur produit, elle fait le porte-à-porte pour liquider sa récolte.
Muni d’un grand seau de gombo et d’un couteau, elle vend le tas à 50 Fcfa. En réalité, la jeune dame n’a pas de mesure arrêtée, elle les distribue selon ses affinités. Une vieille achète pour 200 Fcfa et se sert elle-même, à volonté, sous le regard amical d’Aminata qui ne l’arrête pas. Amitié oblige.
C’est pourquoi, la vendeuse ne sait pas si elle fait des profits ou des pertes « moi, quand on achète, j’augmente selon le lien à la personne. Peu importe si je gagne, l’essentiel c’est de vendre ».
Bougounida est une partie du marché de Ouolofobougou où les sacs de gombo sont déchargés en nombre. Il est 8 heures, Awa Sacko, grossiste, est assise entre les paniers de citrons et discute avec ses voisines commerçantes. En fait, elle a déjà fini la principale tâche de la journée.
Elle quitte chaque jour sa maison, tôt le matin, pour venir distribuer le sac de gombo frais à ses clients. Elle affirme : « A mon arrivée, je trouve beaucoup de gens ici ». Tous les marchands de Bamako s’y retrouvent, même ceux de Kati. On décharge, les gombos, les goyaves, les citrons, tous les fruits et légumes selon les saisons».
Awa explique qu’elle et d’autres commerçants ont des partenariats avec les cultivateurs de la Région de Sikasso (Sud). Les cultivateurs leur envoient leurs récoltes pour être vendues en gros. Notre interlocutrice vend tous les jours des gombos à raison de 10.000 Fcfa, le sac. « Un prix qui varie selon le marché », dit-elle.
Elle fait un bénéfice de 500 Fcfa sur chaque sac. « A partir de 7 heures, tous les poids lourds quittent le marché et laissent la place aux détaillants de différents légumes », déclare-t-elle. La sauce au gombo est une sauce très appréciée des Maliens. C’est pourquoi il se trouve dans tous les paniers en ce moment.
Fifi vient de faire le marché avec dans son seau à condiment le fameux produit. Elle indique : « Je veux préparer la soupe «kandja» avec de l’huile de palme », avant d’ajouter qu’il y a deux jours, elle en ai fait avec la pâte d’arachide. « Cette sauce est très prisée par les membres de ma famille. La sauce au gombo coûte moins cher, nécessite peu condiment, et on la réussit facilement. ».
Au même moment, Oumou, la quarantaine, nous dépasse à pas rapides. Elle porte un grand récipient rempli de gombo frais sur la tête. Ce bagage semble lourd et du coup l’empêche de s’engager dans une discussion presque futile. « Je les ferai sécher pour vendre la poudre, en saison sèche », lâche-t-elle, en continuant son chemin.
Au Mali, le gombo a toujours été incontournable dans le panier de la ménagère, qu’il soit frais ou sec. De la sauce de riz, au couscous et même le riz au gras. Il a une importance dans la cuisine et est d’un apport très utile pour le corps. La nutritionniste Mariam Camara nous dit que « le gombo constitue un aliment sain de haute valeur nutritive. Il contient un taux élevé de fibres ».
Pour la spécialiste, un plat de gombo dépasse 30% de calories, il contient des protéines, de la vitamine C, B, B1, B2, B6 et du magnésium. « Cet aliment, note-t-elle, diminue le mauvais cholestérol et facilite le transit dans l’appareil digestif ». Elle explique qu’il est efficace contre les symptômes asthmatiques, en particulier chez les enfants, contrôle le diabète, renforce le système immunitaire dans la création de globules blancs.
Selon la nutritionniste, le gombo est efficace contre les rides. « Sa consommation combat les fibres responsables du vieillissement. Le gombo qu’il soit frais ou sec prévient les maladies rénales et contribue à une grossesse saine. Parce que les cellules se multiplient et se développent, très rapidement, pour le bon déroulement de l’état de l’enfant et de la maman », assure-t-elle. Un plat de gombo fait faire le plein d’énergie, il est conseillé pour les personnes âgées, remédie les courbatures et l’inflammation des genoux.
MS/MD (AMAP)