Le Mali organise le retour de ses ressortissants de Tunisie 

Des centaines de manifestants à Tunis ont qualifié de «raciste» et «fasciste », le discours du chef de l’État tunisien

Par Dieudonné DIAMA

Bamako, 02 mar (AMAP) Les autorités maliennes, qui indiquent suivre de très près l’évolution de la situation, après les propos du président tunisien, Kaïs Saïed, suivis d’agressions et d’arrestations arbitraires de ressortissants d’Afrique subsaharienne, organisent le retour volontaire de des Maliens de Tunisie.

Bamako a, ensuite, invité les autorités tunisiennes à protéger ceux qui veulent rester en Tunisie où, lors d’une réunion du Conseil de sécurité nationale, le 21 février, le président Kaïs Saïed a tenu des propos haineux, racistes et xénophobes contre les migrants d’Afrique subsaharienne, qu’il a accusés de vouloir modifier la composition démographique de son pays.

Après les propos du président tunisien suivis de violences, l’ambassade du Mali à Tunis a assuré de la plus grande attention des autorités et a demandé aux Maliens de s’inscrire pour un retour volontaire. La représentation diplomatique malienne a, dans une lettre datant du 24 février, fait le point de la situation au ministre Abdoulaye Diop. Elle a fait savoir que dans la nuit de jeudi à vendredi, un groupe d’individus malveillants a mis le feu à l’entrée et encerclé la résidence du secrétaire général de l’Association des étudiants et stagiaires maliens en Tunisie. Il aura fallu l’intervention de la police pour éviter le pire.

Deux étudiants maliens ont été chassés de leurs logements et accueillis par les services de l’ambassade. Egalement, un étudiant a été arrêté par la police puis libéré grâce à l’intervention de l’ambassade. D’autres sources indiquent qu’une vingtaine d’étudiants maliens ont été chassés de leurs logements et un blessé au couteau au niveau du visage.

Face à la situation, le secrétaire général du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Seydou Coulibaly, a reçu, mardi 28 février, Mohamed Amine Ben Aoun, Chargé d’affaires de l’ambassade de Tunisie au Mali.

Lors de cette rencontre, à laquelle a pris part le chef de cabinet du ministre des Maliens établis à l’Extérieur et de l’Intégration africaine, Seydou Coulibaly a exprimé les vives préoccupations du gouvernement concernant la situation actuelle des migrants d’origine subsaharienne en Tunisie en général et des Maliens en particulier. Le secrétaire général du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale a qualifié « d’inacceptables » les scènes de violence physique, d’expulsion de leurs bâtiments ou d’expropriation de leurs biens dont sont victimes les migrants maliens, y compris les étudiants poursuivant leurs études en Tunisie.

Seydou Coulibaly a rappelé que la protection et la sécurité de nos compatriotes vivant en Tunisie sont de la responsabilité des autorités tunisiennes. Il a invité ces dernières à prendre les dispositions utiles pour assurer l’intégrité physique et la protection des biens de nos compatriotes, conformément aux instruments juridiques en vigueur en la matière.

Tout en reconnaissant la responsabilité première de son pays dans la protection de toutes les personnes vivant sur son territoire, le Chargé d’affaires Mohamed Amine Ben Aoun a fait part des efforts d’apaisement entrepris par les autorités tunisiennes dans ce sens. Avant d’insister sur la nécessité de travailler ensemble pour une migration régulière.

Sur le même sujet, le chef de la diplomatie malienne, Abdoulaye Diop, a eu un entretien téléphonique avec son homologue tunisien, qui l’a rassuré que les dispositions sont prises pour la protection et la sécurité des Maliens.

Les propos du chef de l’État tunisien ont eu pour conséquence immédiate des violences et des arrestations arbitraires aussi bien de négro-tunisiens que des migrants venus de différents pays africains. La Tunisie est pour nombre d’entre eux un passage pour entrer en Europe à partir de l’Italie ou l’Espagne.

CONDAMNATIONS EN CASCADE – L’Association des étudiants et stagiaires africains a, dans un communiqué, fait savoir que des étudiants sont interpellés et certains arrêtés alors qu’ils sont en règle. C’est pourquoi, elle a conseillé à ceux-ci de ne plus sortir même pour aller aux cours, sauf en cas de force majeure jusqu’à ce que les autorités les rassurent et assurent leur protection effective face à ces dérapages et agressions.

De même, l’Association malienne des étudiants et stagiaires en Tunisie, suite aux arrestations et agressions récurrentes que subissent les Subsahariens sans distinction aucune, a demandé à ses membres, qui sont dans les universités privées, de suspendre les cours jusqu’à nouvel ordre.

La semaine dernière, plus de 300 ressortissants d’Afrique subsaharienne ont été interpellés dans différentes villes du pays. Certaines sources évoquent des dizaines de milliers de personnes victimes de  contrôles arbitraires et d’interpellations en raison de la couleur de leur peau. Sur les réseaux sociaux, certains étrangers subsahariens ont fait part de leur détresse face aux agressions qu’ils subissent.

Les déclarations injustifiées du président Saïed ont suscité une vague condamnations en Afrique et au-delà du continent. À commencer par le président de la commission de l’Union africaine (UA), Moussa Faki Mahamat. Dans un communiqué, il a condamné « fermement les propos choquants du dirigeant tunisien contre des compatriotes africains qui vont à l’encontre de la lettre et de l’esprit de l’UA et de ses principes fondateurs. »

Plusieurs autres organisations internationales ont protesté vigoureusement contre les propos haineux et racistes du président Saïed. À l’intérieur de son pays, les réactions ont été tout aussi indignées.

Samedi dernier à Tunis, plusieurs centaines de manifestants ont qualifié de «raciste» et «fasciste », le discours du chef de l’État tunisien, en lui demandant de présenter ses excuses. «À bas le fascisme, la Tunisie est une terre africaine», «Président de la honte, présente tes excuses », scandaient les manifestants parmi lesquels des artistes, militants des droits humains et représentants de la société civile. « La Tunisie passe d’un processus démocratique à un processus fasciste » ou « non au racisme», pouvait-on lire sur les pancartes brandies par des manifestants.

DD/MD (AMAP)