
Le doyen Mad Diarra, témoin de cette époque du football malien
Par Mamadou DIARRA
Bamako, 06 sept (AMAP) Le souvenir de Salif Kéita «Domingo», jeune et virevoltant joueur-vedette des historiques matches inter-quartiers de Bamako des années 1960, reste gravé dans la mémoire de ses contemporains.
Depuis, le meilleur footballeur malien de tous les temps n’a pu fédérer sur son nom les suffrages des Maliens. Beaucoup lui préfèrent la constance d’Ousmane Traoré ou de Sadia Cissé. Soliste incomparable, Salif Kéita «Domingo» ne fut pas toujours un coéquipier à la même hauteur.
Joueur-charnière entre deux générations également douées, Salif Kéita est de toutes les belles épopées de notre football post indépendance. Il a aussi partagé ses plus cuisants échecs. Au départ, ce furent les anciens qui assument pour lui le poids moral de la défaite.
Plus jeune international de l’histoire du football malien, il joue en équipe nationale à l’âge de 15 ans et 11 mois (il est né le 12 décembre 1946) lors des Jeux des Forces montantes (GANEFO 1963) en Indonésie. La renommée internationale commence quand il renforce le Stade malien dans la première édition de la Coupe d’Afrique des clubs champions (actuelle Ligue des champions d’Afrique).
Cette première finale africaine est perdue par le jeune attaquant. Les Blancs cédèrent (1-2) contre l’Oryx de Douala en 1965 à Accra au Ghana. La seconde désillusion survient face au Congo Brazzaville (pays organisateur) au nombre de corners en prolongation en finale des premiers Jeux africains.
Le jeune joueur fut cependant exempt de reproche. Ce ne fut plus le cas l’année suivante, en finale de la Coupe d’Afrique des clubs champions, perdue par le Réal de Bamako face au Stade d’Abidjan. Vainqueurs à l’aller (3-1), les Noirs et blancs cédèrent au retour (2-4) sur les berges de la lagune Ebrié. Salif avait marqué lors de tous les sept matches joués (14 buts), avant ce match retour à Abidjan. La fureur du public malien se déchaîne contre le prodige.
Il fut accusé d’avoir été trop peu combatif et d’avoir raté un but facile. Cette rencontre fatidique fit oublier que Salif avait souvent sauvé la mise à son équipe et qu’il terminait meilleur buteur de la compétition avec 14 buts inscrits en 8 matches.
Objet du désamour quasi général des supporters, l’attaquant trouve son salut dans l’exil. Il atterrit dans un premier temps à Saint Étienne. Il y décroche un Soulier d’argent européen (40 buts derrière Josip Skoblar 44) et un Ballon d’or africain, le premier mis en jeu. Mais il ne peut pour autant se réconcilier avec le public malien. La faute à la Coupe d’Afrique des nations de 1972 à Yaoundé. Attendu comme le messie, il délivre une prestation en demi-teinte et, blessé, termine sur la touche. La malchance aidant, Salif a sans doute laissé passer l’ultime occasion de démontrer qu’il pouvait être le joueur providentiel attendu par le public, un joueur capable de ramener un trophée continental au pays.
Il quitte Saint Étienne en dénonçant le contrat qui faisait des joueurs de simples produits à la disposition des présidents de club. Arrivé à Marseille, il refuse de prendre la double nationalité qui aurait permis au club de l’aligner en même temps que le Yougoslave Josip Skoblar et le Suédois Magnusson mis sur la touche à son arrivée dans la cité phocéenne.
La polémique qu’il suscite n’empêche pas Alfredo Di Stefano d’aller le chercher pour le compte de Valence (1974). À l’arrivée de Kempès en 1977, il passe au Sporting de Lisbonne puis au Boston Teamen. Sa carrière prend fin au sein de ce club. Une carrière qui ne lui a pas fait atteindre les sommets que pouvait lui offrir son talent.
Reconverti dans l’hôtellerie, Salif Kéita va créer un centre sportif pour se relancer dans le football. Il met ensuite en place son club, le Centre Salif Kéita. Décoré par la CAF et la FIFA, le prodige du ballon devient ministre durant la Transition en 1991, et président de la Fédération malienne de football de 2005 à 2009.
Depuis le 27 septembre 2009, «Domingo» est le premier joueur africain à donner son nom à un stade de football en France. C’est cet immense joueur qui nous a quittés le samedi dernier. La Nation malienne lui rendra un hommage mérité aujourd’hui à la Place du Cinquantenaire.
Dors en paix, Salif.
PS (Spécial Cinquantenaire de L’Essor)
MD/MD (AMAP)