Mopti, 5 mars (AMAP) La poterie traditionnelle, pierre angulaire de la culture qui marque l’histoire des peuples fait son chemin au Mali depuis les temps immémoriaux, constate l’AMAP.

Partie intégrante de l’artisanat malien, elle est une forte expression culturelle qui magnifie la relation entre l’homme et son environnement. Etroitement associée à la vie quotidienne des populations avec ses formes et ses fonctions variées qui vont de la vaisselle courante aux jarres funéraires ou aux récipients destinés à conserver l’eau, l’huile ou les céréales, ce savoir est de nos jours en péril à cause de la pression de l’industrialisation céramique et le désintérêt de la jeune génération, entre autres.

Mme Nienta Kadidia Nienta fait partie de celles qui sont engagées pour la sauvegarde et la protection de ce savoir longtemps considéré comme une activité réservée aux femmes. Réputée pour son amour pour ce métier de modelage de l’argile, Mme Nienta Kadidia Nienta est l’une des rares potières du Mali en général et de la région de Mopti en particulier à se faire distinguer par son combat pour la promotion de la poterie traditionnelle.

Native de Mopti, descendante d’une famille potière de Komoguel II, communément appelé « Waïnkoré » âgée de 45 ans, mariée et mère de 4 enfants, Mme Nienta a très tôt maitrisé le modelage de l’argile dont la transmission se fait au sein des familles, de génération en génération, par la pratique. Elle tire bien son épingle du jeu dans cette activité héritée de ses ancêtres.

D’une ingéniosité hors pairs, elle a imprimé une touche particulière aux produits de la poterie à Mopti. Ainsi, au-delà des jarres et autres objets, elle a innové avec la création d’une gamme riche et variée dans le domaine de la décoration et de l’esthétique, entre autres, les pots de fleurs, les cendriers, les portes bics, de bougies, les lava beaux.

Dans le cadre de l’embellissement de la ville de Mopti, comme contribution personnelle, elle a réalisé environ une dizaine de monuments en terre installés aux différents points stratégiques de la ville. Elle dispose d’un atelier de production, d’un centre de formation et d’une boutique de vente qui emploient 6 salariés permanents et environ 20 employés temporaires.

Soucieuse de la préparation de la relève, Mme Nienta a, au-delà des activités de son centre basé à Mopti animé des sessions de formation à l’intérieur de la région notamment à l’intention d’une trentaine d’auditeurs et auditrices des cercles de Bankass et de Djenné. Ce haut lieu d’acquisition du savoir en modelage de l’argile a déjà formé plus de 100 jeunes dont 10 blancs et 20 autres y sont actuellement en cours de formation dans le centre.

La qualité de ses œuvres lui a ouverte la porte du marché sous régional et international. Elle a déjà participé à de nombreuses foires expositions au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, à Sikasso, Ségou, Bamako, aux Etas Unis et à toutes celles organisées dans la Venise malienne dont la dernière a été à la faveur de la foire artisanale « La beauté de Mopti ».

Au chapitre des distinctions, Mme Nienta a une bonne douzaine de diplômes de reconnaissance et de mérite au compteur acquit lors des foires et des grands évènements. Son courage et son engagement en faveur de la promotion du patrimoine culturel et du développement lui a valu la distinction de la médaille du mérite national et d’être la nominée l’Homme de l’année 2011 que la radio Jamana de Mopti organise chaque année.

Malheureusement, les effets de la crise sécuritaire sont là. Depuis l’éclatement de la crise et la coloration de Mopti en zone rouge, les activités de l’artisanat sont allées en lambeau avec le tourisme. Le secteur du tourisme et les activités connexes ne nourrissent plus leur homme.

« Nous sommes à l’arrêt total, nos produits ont de la peine à être écoulés » a expliqué la battante Kadidia Nienta. A cela s’ajoute une contrainte majeure, le problème d’espace qui l’a obligé à loger en location séparant ces trois structures (l’atelier de production, la boutique de vente et le centre de formation).

« Le modernisme ne doit pas nous faire abandonner notre tradition. Les grands parents nous ont enseigné qu’au-delà de la beauté, l’esthétique, que les jarres de Mopti ont un aspect mystique qui empêche à la nouvelle mariée qui en dispose dans son trousseau l’abandon du foyer conjugal » commente Mme Nienta pour justifier son combat pour perpétuer la poterie.

Son souhait le plus ardent est l’acquisition d’un espace digne de ce nom et la participation à des stages de perfectionnement dans le domaine des porcelaines soit au Maroc ou en Tunisie.

DC/KM (AMAP)