Validation des données biométriques : Il faut se réveiller tôt

Par Aboubacar TRAORE

Bamako, 16 fév (AMAP) Certains usagers arrivent sur les lieux entre 3 et 4 heures du matin pour s’assurer qu’ils seront enregistrés. Une affluence qui pourrait être encore plus grande dans les jours à venir avec l’appel à la mobilisation lancée par les autorités compétentes.

En effet, dans la perspective de la production de la Carte nationale d’identité biométrique sécurisée, le gouvernement a lancé du 9 janvier au 31 mars prochain une large campagne d’authentification et de mise à jour des données biométriques. Dans cette dynamique, le site internet sécurisé www.jevalidemonnina.ml est mis à la disposition des usagers. En outre, des points spécifiques sont installés dans les commissariats de police, les brigades de gendarmerie, les centres principaux d’état civil, les préfectures pour l’intérieur du pays, et dans les missions diplomatiques et consulaires, pour l’extérieur.

Pour s’imprégner du bon déroulement de l’opération, notre équipe de reportage a sillonné certains centres de Bamako, la capitale malienne. En début de matinée de ce lundi, le centre de validation de la mairie de Sogoniko, en Commune VI du district de Bamako est déjà noir de monde. Dehors, les parkings débordent de motos des deux côtés de la voie. Installé dans l’arrière-cour de la municipalité, le bureau minuscule abritant les activités est pris d’assaut. La trentaine révolue, Abdoulaye Kodio est 26è sur la liste des 100 premières personnes. «Il y a trop de monde. Pour avoir une bonne place dans le rang, il faut venir très tôt se faire enregistrer sur une liste. Souvent, les gens viennent entre 3 heures et 4 heures du matin pour être sûr de passer. »

Maïmouna Sylla est venue depuis 6 heures, ce lundi, accompagnée de ses deux sœurs. «Nous sommes de Magnambougou, c’est assez proche de la mairie. C’est pourquoi nous sommes venues à 6 heures, sinon ceux qui viennent de loin arrivent généralement vers 4 heures pour pouvoir passer le même jour», explique notre interlocutrice.

Salia Sangaré est le chef d’équipe de la commission de validation au niveau de ce bureau. Il est aussi chargé des élections et du recensement de la mairie de la Commune VI. Il confirme que les gens arrivent souvent à 3 heures du matin pour s’inscrire sur la liste du jour. Il explique que les 100 premières personnes sur la liste sont prioritaires. Cette liste peut être complétée par ceux qui viennent former le rang après le début du travail à 7 heures.

M. Sangaré assure que son équipe peut prendre jusqu’à 200 personnes par jour. Il regrette que beaucoup d’usagers viennent pour tenter de changer leur date de naissance à travers le volet correction des données. Alors que cette opération a été exceptionnellement autorisée par les autorités au profit de nos compatriotes établis à l’extérieur. «Nous travaillons tous les jours ouvrables de 7 heures à 16 heures sauf les jeudis où nous envoyons les machines pour l’exportation des données validées au niveau du Centre de traitement des données d’état-civil (CTDEC), conformément aux instructions», souligne le chef d’équipe.

AFFLUENCE CONTRASTÉE – Au niveau de l’équipe d’enrôlement, un premier groupe d’agents s’occupe de faire les photos et procéder au renseignement des fiches. Le second groupe reçoit les réclamations pour les corriger. Il s’agit notamment des changements d’adresse, de profession. Pour changer d’adresse, l’intéressé doit joindre la copie du certificat de résidence au formulaire de réclamation qu’il remplit. Pour le changement de profession, il faut apporter la copie de la carte professionnelle. Du début des opérations à la date du mercredi 15 février, l’équipe du centre principal d’état-civil de la Commune VI dirigée par Salia Sangaré, a enregistré au total 3 147 renouvellements biométriques.

À l’opposé de la grande affluence au centre principal d’état-civil de la Commune VI, il y avait peu de demandeurs au niveau du commissariat de police du 7è arrondissement de Sogoniko pourtant situé juste à un jet de pierre. Au moment où notre équipe de reportage est passée, il n’y avait que quelques personnes qui patientaient en rang. L’unité de mise à jour composée de trois policiers nous a confié avoir déjà traité les opérations pour une trentaine de personnes avant notre arrivée. Selon plusieurs informations que nous avons recueillies, les demandeurs préfèrent s’orienter vers les centres principaux d’état-civil plutôt que les commissariats et les brigades de gendarmerie.

DÉFICIT DE COMMUNICATION – Au niveau de la mairie de la Commune V, notre équipe de reportage a été surprise d’apprendre que les opérations n’avaient pas encore débuté à la date du mercredi 15 février. Selon le secrétaire général, la mairie de la Commune V n’a pas reçu d’information officielle portant sur le début des opérations de mise à jour des données biométriques. « Nous avons seulement reçu l’instruction par un message Rack qui s’adressait à la cellule technique d’orientation des usagers qui était logée ici, mais qui a été transférée au niveau du commissariat de police de Torokorobougou », explique Boubacar Berthé. Il a précisé qu’à ce jour, les deux postes qui travaillent sur la biométrie ne s’occupent que de la pérennisation des opérations du Recensement administratif à vocation d’état civil (RAVEC), notamment l’enrôlement et la correction.

Notre interlocuteur assure que chaque fois qu’il appelle la hiérarchie, on lui signifie qu’il n’y a toujours pas d’information officielle instruisant le démarrage des opérations de mise à jour des données biométriques.

Interrogé sur le communiqué du ministère de la Sécurité du mardi 14 février invitant la population à la mobilisation générale autour des opérations de mise à jour avant la date butoir fixée au 31 mars, Boubacar Berthé dit avoir lu l’information sur les réseaux sociaux à sa grande surprise. «Il va falloir qu’au niveau national, les départements en charge de la Sécurité et l’Administration territoriale communiquent pour que l’information puisse redescendre au niveau de la base afin que nos différentes structures chargées de cette activité, se mettent au travail», recommande-t-il.

Au moment de notre passage au commissariat de Torokorobougou, il y avait une grande affluence dans la cour autour de l’équipe de mise à jour. Certains agents se plaignaient de la qualité des appareils photos qui se planteraient très souvent lorsque le rythme des prises de photos s’accélère.

Du côté de la brigade fluviale de la gendarmerie de Bamako, les opérations se poursuivent normalement avec une moyenne de 60 à 70 validations par jour, nous confie le commandant adjoint de la bridage, Major Adama Haidara. «Nous avons souvent des soucis liés au manque de fiche d’enrôlement mais qui depuis un temps s’améliore», rassure notre interlocuteur, ajoutant que le travail se fait sans difficulté majeure avec les usagers qui dressent, eux-mêmes, la liste de passage selon l’ordre d’arrivée, avant de la soumettre à l’équipe RAVEC conduite par l’adjudant-chef Mamady Camara.

Sékou Dicko habite à Ouinzindougou mais travaille au Quartier du fleuve, en Commune III. Il a choisi la brigade fluviale pour faire sa mise à jour. « Je suis très content d’avoir pu effectuer mon opération en quelques minutes. Car cela m’éviterait d’aller passer la nuit ailleurs en faisant le rang et sacrifier, ainsi, toute une journée de travail», se réjouit-il.

Au niveau de la brigade fluviale, les opérations se déroulent du lundi au vendredi de 8 heures à 18 heures et de 8 heures à 12 heures le samedi. Conformément aux instructions données par le ministère de la Sécurité et de la Protection civile et celui de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, à travers un message Rack conjoint adressé aux brigades de gendarmerie et aux commissariats de police concernés, en date du 10 février dernier.

Selon la MDL-chef Maria Keita, membre de l’équipe d’enrôlement de la brigade fluviale, les vendredis sont les jours d’exportation des données au niveau du CTDEC.

Dans le souci de rapprocher davantage les équipes de mise à jour des populations, les autorités pourraient étendre les lieux de validation aux centres secondaires d’état-civil des communes et aux domiciles des chefs de village et de quartiers. Cela pourrait contribuer à faciliter l’accès aux opérations à un plus grand nombre.

AT/MD (AMAP)