Sécurité à Bamako : La garde plus que jamais haute

Reportage de Mohamed TOURE

Bamako, 25 août (AMAP) Une attaque au poste de contrôle de Zantiguila, le 16 juillet 2022, puis une tentative d’incursion au camp militaire de Kati, le 22 juillet 2022. La menace terroriste s’était dangereusement rapprochée de la capitale du Mali et de certaines agglomérations.

Depuis ces récentes attaques terroristes qui ont visé la garnison de Kati et certaines localités proches de Bamako, la capitale  malienne, les autorités ont pris des mesures fortes pour renforcer la sécurité.

L’état-major général des Armées estimait, en juin dernier, que les groupes radicaux « essoufflés, sont soumis, depuis plusieurs mois, à une forte pression des Forces armées maliennes (FAMa) jusque dans leurs zones sanctuaires où ils disposaient d’un certain confort et d’une grande influence par le passé»,

Selon l’Armée malienne, les Groupes armées terroristes (GAT) ont «adapté leur mode d’actions et orienté désormais leur attaques lâches contre des cibles molles et des civils désarmés».

Un changement de stratégie que confirme également le chercheur Ibrahim Maïga, conseiller spécial pour le Sahel à l’International Crisis Group (ONG spécialisée dans la prévention et l’aide à la résolution des conflits meurtriers). Cet expert souligne que les groupes terroristes ont adopté la stratégie de «ne plus affronter l’adversaire de façon frontale et de ne plus faire de l’occupation territoriale un objectif en soi». Et de rappeler que les GAT tentent, depuis quelques années, de tisser leur toile à travers le pays. Désormais, l’option privilégiée par les terroristes serait de «mener des attaques sporadiques, parfois ponctuelles sur des positions de l’armée, des camps ou des convois», estime-t-il. Les dernières incursions près de Bamako et à Kati seraient dans cette logique. « Des coups d’éclat voire médiatiques plus que de réelles actions militaires », ajoute le chercheur.

DES TERRORISTES NEUTRALISÉS – Quand l’ennemi change de stratégie, il faut en faire de même. Les services maliens de sécurité ont adopté cette nouvelle posture. En riposte aux tentatives d’incursion et aux attentats kamikazes, les responsables sécuritaires ont instauré un dispositif considérable sur l’ensemble du territoire. Des mesures incluant des contrôles accrus sur les principaux axes, aux abords des bâtiments et lieux stratégiques sont perceptibles. Dans la capitale, des véhicules de police ont notamment renforcé les dispositifs existants au niveau de plusieurs édifices. Les forces de l’ordre mènent également des patrouilles, tout en faisant des descentes en certains endroits ciblés. « Des opérations spéciales qui ont permis l’interpellation de plusieurs suspects », selon des sources sécuritaires.

Sur le front militaire, plus d’une centaine de terroristes ont été «neutralisés» entre le 19 juillet et 20 août dernier, selon l’état-major général des armées. «Ces derniers mois, l’Armée a mené un certain nombre d’offensives dont certaines ont abouti à la neutralisation de nombre de combattants des groupes terroristes, à la découverte de caches d’armes, de minutions et de provisions alimentaires. C’est aussi en représailles à la multiplication des attaques de l’Armée que ces groupes ont décidé de mener ses incursions», analyse Ibrahim Maïga.

Selon lui, les groupes essayeraient aussi de «desserrer l’étau qui semble se resserrer sur eux dans une partie du territoire, en particulier dans le centre».

Dans cette forme de lutte que les groupes terroristes ont adoptée, il arrive qu’ils emploient des techniques effroyables comme celles des cadavres piégés, récemment apparues au Mali. À ce sujet, Ibrahim Maïga déplore l’arrivée de ce mode opératoire au Sahel. «Au Sahel, on a un rapport particulier aux morts. Les proches ont besoin d’enterrer leurs morts. Le fait qu’un cadavre puisse servir de chair à canon ou de bombe est très inquiétant», relève-t-il.

LOURD TRIBUT – Cependant, le chercheur estime que la réponse à la crise multidimensionnelle que traverse le Mali et d’autres pays du Sahel devra tenir compte de toutes les dimensions, en plus de la réponse militaire.  «On voit une montée en compétence de l’armée avec un renforcement en termes d’équipements militaires, un engagement beaucoup plus fort d’aller à l’offensive, de sortir de la position statique. Mais il est tout aussi important de s’intéresser aux autres dimensions», propose-t-il. Parmi ces réponses, la priorité, de son point de vue, serait d’améliorer la gouvernance dans les localités les plus touchées. «Il est important de rétablir la confiance entre les gouvernants et les citoyens. Une dimension qui a été négligée est la prévention. Les États ne doivent pas s’enfermer dans une seule dimension notamment celle militaire», suggère-t-il.

L’expert rappelle que ce sont les civils qui payent le plus lourd tribut aux attaques et violences des groupes armés terroristes. «Ce qu’on peut craindre, les autorités en sont conscientes, ce sont des attaques plus ciblées notamment à Bamako qui auraient des résonnances médiatiques et politiques beaucoup grandes que dans l’arrière-pays», explique-t-il. Ainsi, Ibrahim Maïga juge que les populations ne doivent pas oublier le contexte et adopter des mesures de vigilance indispensables.

Pour lui, cela passe par la sensibilisation et des mesures visibles. «Les populations doivent obéir aux consignes de sécurité, accepter de se faire checker (fouiller) à l’entrée d’un stade ou d’une salle de spectacle», conclut-il.

La plupart des Bamakois que nous avons interrogés se disent rassurés par le renforcement du dispositif sécuritaire en certains lieux et services publics. «C’est bien de renforcer les contrôles devant le palais présidentiel, la Cité administrative et d’autres services publics, il faut, aussi, penser à faire de même au niveau des marchés, des écoles, des stades qui sont censés accueillir des milliers de personnes», préconise Moussa Dembélé, chauffeur de taxi.

MT/MD (AMAP)