
Beaucoup de jeunes femmes maliennes s’illustrent par leurs talents dans la robotique. Elles gagnent des concours internationaux.
Par Amsatou Oumou TRAORÉ
Bamako, 9 juin (AMAP) Nous sommes à Yirimadio, en Commune VI du district de Bamako, la capitale malieme. Il est 10 heures au Centre de formation «Ankatronics». Nous nous entretenons avec Aoua Sow dans un atelier de montage de robots et de circuits électriques.
Notre interlocutrice est diplômée de la Faculté des sciences et techniques de Bamako (FST). Très concentrée, la technicienne en blouse blanche est au montage d’un Mbot ranger. Ce robot est utilisé dans l’apprentissage de la robotique. Nous sommes impressionnées et séduites par ce spectacle technologique.
Aoua nous a expliqué comment elle procède pour arriver à ce résultat impressionnant. Cette passionnée de robotique s’exerce à rassembler les pièces pour le montage d’un robot. Elle nous dit qu’elle doit se concentrer et, surtout, s’appliquer pour avoir un bon résultat. Elle se réfère à un catalogue posé auprès d’elle.
« Après cette première étape, dit-elle, suivra la programmation qui consiste à donner des instructions au robot. » «J’écris des tâches que j’injecte à travers une carte dans le robot. Ce sont ces instructions que cette machine exécute», explique la jeune scientifique.
Comme Aoua, les femmes optent, de plus en plus, pour les spécialités scientifiques dont la robotique. Par machisme, beaucoup croyaient que ce domaine était réservé uniquement aux hommes. Cette science s’intéresse à la conception et à la fabrication des machines automatiques, autrement dit les robots.
Depuis l’enfance, Aoua Sow est fascinée par la mécanique, l’électronique et la programmation informatique. Détentrice d’une licence en électronique et systèmes électriques depuis 2021, Aoua affirme que les femmes sont nombreuses aujourd’hui dans le domaine de la robotique. Grâce à leur courage, elles commencent à se faire remarquer. «Nous avons de plus en plus confiance en nous», dit-elle.
Aoua a participé à la première édition du Camp de codage africain, Girls can code initiative (AGCCI) financé par l’ONU-Femmes et ses partenaires. Ce projet comble l’écart numérique entre les sexes. La jeune femme de 24 ans indique que les connaissances acquises lui permettront de faire des réalisations bénéfiques pour elle et pour son pays.
La robotique a permis Aoua Sow de se démarquer des autres et de se défaire du statut d’infériorité collé aux femmes dans certains domaines prétendument réservés aux hommes. Selon elle, le Mali offre plusieurs opportunités d’études aux femmes, à travers la création de la filière robotique à la FST et la présence de centres de formations comme RobotsMali et Ankatronics.
Aïssata Bocoum, cette autre jeune fille évoluent, aussi, dans le domaine de la robotique. Elle révèle l’utilité des robots. «Le robot peut faire plusieurs activités comme les hommes, s’il est programmé pour ces tâches», déclare cette étudiante en licence 3 à la FST. Comme exemple, elle cite l’intervention des robots dans une opération chirurgicale et dans la cuisine.
Notre interlocutrice, parallèlement à ses études à la FST, a suivi une série de formations dans la robotique pour apporter sa contribution au développement du secteur et briser les stéréotypes sur les capacités de la femme.
Cette étudiante de 21 ans est persuadée que la robotique sera incontournable dans les années à venir. «Donc, mieux vaut s’y mettre tout de suite», dit-t-elle.
L’étudiante n’a pas encore créé son premier robot. Pour le moment, elle s’est familiarisée avec la technique de programmation de la machine qui consiste à donner des instructions à celle-ci. Elle assure qu’elle va confectionner des robots qui vont s’occuper des travaux ménagers pour soulager la femme.
Aïssata Bocoum soutient que les femmes se taillent une place importante dans le secteur. Elle a cité, la participation, du 25 avril au 4 mai 2023, de Nana Kadidia Diarra âgée de 14 ans, à la «Vex robotique», un concours de robotique au Texas (États-unis).
Auparavant, l’équipe de l’adolescente avait été championne de la Compétition panafricaine de robotique (PARC) tenue à Dakar, en juillet dernier.

Pour récompenser les femmes qui s’illustrent par leurs talents dans la robotique, plusieurs structures leur offrent des opportunités de formation
BRISER LES STÉRÉOTYPES – La coordinatrice du PARC que nous avons jointe par téléphone, est une malienne de 26 ans. Ada Tapily dirige l’organisation du concours de robotique organisé par Senecole. Ce concours met en compétition les jeunes au sein des équipes de robotique des universités et lycées à travers l’Afrique et sa diaspora.
La jeune dame a rejoint RobotsMali, le Centre national de formation en robotique en 2017. «J’étais la seule fille sur 24 personnes sélectionnées parmi des centaines de candidats», se souvient celle qui donne des cours de robotique aux enfants.
Lors de son passage dans ce centre, Ada Tapily a travaillé sur un système qui aide les déficients visuels à se déplacer et à identifier les obstacles. En 2018, son équipe remporte, au nom du Mali, le concours panafricain de robotique. Selon elle, les équipes maliennes sont souvent dirigées par des filles et sont considérées comme des équipes redoutables lors des compétitions.
« Cependant, regrette la coordinatrice du Parc, le Mali fait face à une baisse significative de la participation des filles au niveau universitaire. » « Ce qui affecte, soutient-elle, notre représentation en nombre sur la scène internationale. »
Cette diminution peut s’expliquer, en partie, par le manque d’opportunités d’emplois et de formation continue dans les domaines de la robotique et de l’intelligence artificielle. Ada Tapily cite, également, les obstacles socio-culturels et historiques qui limitent la participation des femmes dans le domaine de la robotique.
Pour relever les défis et contraintes, elle propose la promotion de modèles féminins dans la robotique, l’élimination des stéréotypes de genre et la création d’environnements inclusifs et équitables qui favorisent la participation des femmes.
La coordinatrice de la PARC se réjouit des opportunités que RobotsMali offre aux jeunes passionnés à travers les formations. Elle indique que le Mali compte aussi quelques laboratoires de fabrication (FABLAB) et entreprises qui renforcent les efforts de RobotsMali. Ada Tapily espère que la décision des autorités visant à créer un Centre d’intelligence artificielle et de robotique permettra d’offrir des chances en matière d’emploi.
«La création de ce centre est un avantage quant à la promotion de la participation des femmes dans les domaines des sciences, techniques, ingénierie et Maths (STEM) et la mise en avant de modèles féminins», soutient-t-elle.
Le Centre Ankatronics évolue dans la formation des jeunes en robotique, l’électronique et l’intelligence artificielle. Son directeur Lassine Traoré explique qu’en plus de l’accompagnement du ministère en charge de l’Économie numérique, l’ONU-femmes est un de ses partenaires qui font la promotion de l’entrée des jeunes filles dans la robotique au Mali à travers son initiative AGCCI.
Le formateur en robotique indique que cette mission de l’organisation onusienne s’inscrit en droite ligne dans l’objectif de son centre qui est d’augmenter la présence féminine dans le monde de la technologie.
Il a remarqué que beaucoup de jeunes filles déterminées s’intéressent à la robotique dans les différents programmes de formation. Le directeur du centre Ankatronics invite les femmes à s’intéresser à la science dès le primaire. Il estime que l’avenir appartient à la science. Il assure qu’elles pourront relever le défi au même titre que les hommes.
L’État, à travers la Direction nationale de l’économie numérique (DNEN), accompagne les femmes pour accéder aux métiers et aux formations liées au numérique. Son directeur, Abdoul Kader Ky explique que l’une des attributions de la DNEN est la promotion de l’innovation, la recherche et le développement du numérique. Il précise que la promotion de l’innovation est une attribution qui a trait spécifiquement à l’intelligence artificielle et la robotique.
Abdoul Kader Ky rappelle que depuis 2016-2017, un guide d’élaboration de documents de politique et programme public demande de prendre en compte des critiques liées au genre. « La promotion duquel, affirme-t-il, donne toutes les chances aux femmes, car c’est la tranche qui est la plus défavorisé ».
Il s’agit de créer un équilibre en donnant la même chance à tout le monde pour avoir accès aux postes de responsabilités et à la formation. Le premier responsable de la DNEN reconnait que des efforts restent à faire. « Lors d’une étude réalisée en 2022, indique-t-il, sa structure a remarqué qu’au niveau de la Fonction publique d’État, sur un effectif de 798 agents de TIC, 214 sont des femmes soit environ 26,8%. »
« Pour améliorer cet effectif faible, dit Abdoul Kader Ky, il faut encourager les femmes à embrasser les carrières et les filières techniques pour déboucher sur la TIC.
AOT/MD (AMAP)