Par Lassana NASSOKO

Bamako, 15 mai (AMAP) Les prix de certains produits alimentaires ont grimpé en ce mois de ramadan. Cela, au grand dam des ménages les plus démunis dans ce contexte de marasme économique consécutif à la pandémie du coronavirus. C’est ce qui résulte du tour qu’on a effectué dans certains marchés de la capitale.

Le souk de Bagadadji a été la première étape de notre visite. En cette matinée, il est le théâtre d’une grande animation. Des vendeurs ont les yeux rivés sur leurs marchandises et sur la foule qui passe et repasse. Moussa Dicko, boucher, est l’un d’eux. Sous un hangar, il découpe avec une hache la viande de bœuf. Sa main s’abat de façon fracassante sur la table qui vibre. Un client ne le quitte pas des yeux au moment où il dépose des morceaux sur une balance qui bascule aussitôt. « Deux kilos », ordonne ce dernier en tendant un billet de 5.000 Fcfa au boucher.

Interrogé sur l’état du marché pendant le carême, le boucher Moussa reconnaît que les prix ont changé. « Avant le ramadan, on vendait le kilo de la viande à 2.100 Fcfa. Maintenant, nous le prenons à 2.150 à l’abattoir et le revendons à 2.200 Fcfa », se désole-t-il.

Non loin de là, une voix dissonante. Celle de Madou Berthé. Lui aussi est boucher. Pour cet homme, cette hausse est due au fait que le bœuf coûte cher maintenant au Mali. Son prix varie entre 300.000 et 400.000 Fcfa. C’est ce qui explique cette légère fluctuation, un nécessaire réajustement permettant de satisfaire tous ceux qui dépendent de cette activité. C’est-à-dire, ceux qui abattent les animaux, ceux qui le dépècent et ceux qui le transportent et les distribuent dans les différents marchés, précise-t-il.

MEVENTE – Kadi Diallo, tête voilée, marche en tenant un pan de son burnous. Dans nos échanges, la trentenaire, tout sourire, informe qu’elle est venue acheter un kilogramme de viande pour le dîner. Mais, après examen de son porte-monnaie, elle devra changer de stratégie. Faute de moyens, la voilà obligée de se limiter à un demi kilogramme. « Mon mari m’a dit que les temps sont durs. On ne peut plus se permettre certaines dépenses », explique-t-elle.

A quelques marches de là, une vendeuse d’huile de palme « N’tentulu ». Chez elle, les prix n’ont pas changé. Un litre de cette huile est toujours vendu à 1.150 Fcfa. Mais, elle affirme être confrontée à la mévente au quotidien. « Parfois, je me décide à rester à la maison. Mais ce n’est pas possible. Il faut que je vienne au marché. Même si maintenant il n’y a rien », fait-elle savoir.

Après nous avons visité le marché de Djélibougou, un quartier de la commune I. Là aussi, c’est le même décor. Une forte affluence. Les commerçants rivalisent d’ardeur pour attirer la clientèle. Seydou Dolo est un des négociants de ce marché. Dans sa boutique, des sacs de pomme de terre, des sacs de riz, des sacs de haricots, sont superposés les uns sur les autres. A côté des cartons de pâte alimentaire « macaroni ». Chez lui aussi, le même son de cloche persiste. Les prix ont pris l’ascenseur en cette période importante du calendrier musulman. Ainsi, le kilo de la pomme de terre, qui était vendu à 250 Fcfa, voire 300, est fixé maintenant à 350 Fcfa. Le kilo du gingembre, autrefois vendu à 500 Fcfa, est cédé actuellement à 650 Fcfa. L’oseille de Guinée (dableni) se vend aujourd’hui à 750 Fcfa et même 1.000 Fcfa dans certains endroits, ajoute-t-il. Résultats : faible clientèle, maigres activités journalières et bénéfices jugés insuffisants. Il est convaincu d’une chose : à part le riz, tous les produits alimentaires connaissent une augmentation au niveau des prix.

Quant à Mamadou Traoré, vendeur de pâtes alimentaires, il confirme aussi que le marché est devenu cher. Ainsi, le carton de certaines marques de macaroni spaghetti (Douba), qui coûtaient 5.000 Fcfa, se vend désormais à 5.100 Fcfa. Pour lui, la raison en est que les frontières avec certains pays sont fermées. Du coup, le marché est moins ravitaillé en ces produits comestibles. Les commerçants, qui en possèdent des stocks importants, se permettent de les vendre à des prix exorbitants.

Sac en bandoulière, seau d’eau vide en main, cette clientèle mécontente de la cherté des prix clame sa colère. Trop, c’est trop, déclare-t-elle. A ses yeux, au Mali, ramadan est synonyme de cherté. Cela est connu de tous. Il est temps qu’on arrête de torturer les Maliens. Surtout dans ce contexte de vaches maigres où les choses tournent au ralenti.

LN/MD (AMAP)