Ramadan : Le « Salalawalé » ou la ronde nocturne des enfants a commencé

Par Ouka BA

Diéma 13 mai (AMAP) Le « Salalawalé », pratique traditionnelle qui existe depuis des temps immémoriaux, consiste, à partir du 10e jour du mois de ramadan, pour les enfants de 8 à 15 ans, à se réunir toutes les nuits, en petits groupes séparés.

Ces bandes de garçons ou de filles, se rendent dans les maisons pour demander de l’aumône à celles qu’ils appellent les ‘’déba gnoumou’’, c’est-à-dire les bonnes mères. Celles-ci, reconnues pour leur bonté et leurs largesses envers les enfants d’autrui, ont leur place réservée au paradis.

Cette coutume ancestrale, qui permet de renforcer la cohésion sociale et la solidarité au sein des communautés, garde toujours ses valeurs intrinsèques dans les campagnes même si elle a moins de considération dans les grandes villes.

Les filles entonnent des chansons, évoquant plusieurs fois le nom du prophète Mohamed (PSL), et sa fille Fatoumata. L’une d’entre elles,  chargée du ‘’Ji doundoun’’,  tapote sans cesse, à l’aide de deux bâtonnets, longs et solides, une petite calebasse renversée dans un récipient, généralement une grande calebasse, ou une bassine en plastique, remplie d’eau.

De leur côté, les garçons, se comportent en véritables bouffons. Habillés avec des sacs de jute confectionnés, chapeaux de paille sur la tête,  ils se livrent à une danse propre à eux, claudiquant et tournoyant.

Si ce spectacle grotesque, fait tordre de rire Sané, une autre femme, de tempérament un peu nerveuse, renvoie les enfants qui viennent souvent perturber son sommeil, avec leur litanie, ‘’Aw ma yogoro yé wa Yogoro sè kotiobé, Yogoro bolo kotiobé…’’.

Ils n’en finissent pas, ces gamins, de dandiner, ‘’jigui dianga solo’’famaden pogotigui’’. Tout à-coup, un enfant se vautre dans la poussière, immobile comme un mort. Alors ses compagnons se mettent à implorer en ces termes : ‘’mousso ni ma bo dondonli sara’’,  (femme, si tu ne sors pas, la guêpe maçonne  vient de  rendre l’âme… faisant allusion à l’enfant resté sans signe de vie.  Ce dernier demeure dans cette posture jusqu’à ce que le cadeau arrive : mil, riz, arachide, pièces de monnaie, etc. Rarement, ils acceptent  les restes d’aliment.

Une fois le cadeau reçu, l’enfant étalé  bondit sur ses deux jambes. Dans le cas contraire, si les enfants ne gagnent rien dans une maison, certains, les plus impolis, maudissent, invectivent même les occupants. Certains vont jusqu’à lancer : « Nous ne sommes pas des affamés. C’est par respect de la coutume ».

Koria donne sans arrière-pensée, chaque fois que des enfants pénètrent dans sa maison. Cette femme pieuse soutient que tout ce qu’on donne pendant ce mois béni de ramadan est doublement récompensé par Dieu. C’est pourquoi, Koria est allée faire de la petite monnaie afin d’avoir des jetons à distribuer aux enfants.

Les prestations des enfants ne se passent pas, toujours, sans histoires. Il arrive, parfois, que des garçons pourchassent des filles et les dépouillent de leurs gains. Ce genre de situation peut dégénérer sur des conflits entre parents, voire même entre familles. Chacun voulant défendre la cause de sa progéniture. Ce n’est pas pour rien qu’Aïchata a interdit à sa benjamine, l’homonyme de sa maman, de franchir le portail de la maison. « Chaque fois que « M’batogoman » sortait,  dit-elle, en surveillant le « kinkéliba » sur le feu, elle rentrait en pleurs ».

Bandiougou, ce conservateur, est intarissable sur le « Salalawalé ». Le visage tiré par la fatigue, l’homme énumère les multiples avantages du « Salalawalé ». Selon lui, ce brassage permet aux enfants de se connaître, d’échanger des nouvelles, de se récréer, de partager des moments de joie et de renforcer la solidarité au sein de la société. « Rares sont ceux de notre âge qui ne se sont pas pliés à cet exercice durant leur enfance », ajoute-t-il.

Il plaide pour que le « Salalawalé » soit à tout prix maintenu et perpétué, comme tant d’autres de nos pratiques. « Nous devons mieux sauvegarder nos coutumes et nos mœurs menacées de disparition », insiste-t-il. Comme l’illustre, clairement, la sagesse : « Connais-toi, toi-même ». « C’est en cela que réside justement  notre identité réelle », estime-t-il.

OB/MD (AMAP)