
© OUMAR DIOP, AMAP, ALIMENTATION, POISSON DE MER ET POULETS, LE 18/09/2012.
Par Maimouna SOW
Bamako, 2 Oct (AMAP) Si l’hivernage nous livre les aliments frais de la nature, il nous prive de certains condiments essentiels pour une sauce délicieuse. Qui peut préparer sans viande, ni poisson, encore moins l’oignon et l’ail ? Les prix de ces produits, indispensables au panier de la ménagère, ont pris l’ascenseur.
Les vendeuses prétextent la crise politique et l’hivernage pour justifier l’augmentation, les ménagères dénoncent la hausse des prix et l’amour du gain ainsi qu’une pratique qui tue le marché.
Le poisson de mer voit son prix grimper en flèche, depuis le début de la saison pluvieuse. Importé de plusieurs pays voisins, il permet aux familles, plus ou moins aisées, de profiter, elles aussi, des bienfaits du vertébré aquatique (riche en protéine).
Le poisson de mer a comblé le fossé entre les couches de la société. Autrement dit, les riches ne sont pas les seuls à l’avoir dans l’assiette. Les moins nantis, eux aussi, grâce au prix abordable, peuvent se le procurer.
Du moins. C’est ce qu’a cru Mme Sylla, jusqu’à ce que la réalité la rattrape, ce matin du 15 septembre. Avec peu d’argent, elle repartait, habituellement, avec assez de poissons. Mais cette année, les prix sont vertigineux et l’étonnement est à son comble chez la ménagère. Le mets du jour de la dame risque de décevoir plus d’un. Au marché « Soukouni-Coura » qu’elle connait sur le bout des doigts, quel ne fut son étonnement ! La vendeuse de poissons lui annonce les nouveaux prix. Elle reste interloquée ! Momentanément incapable de placer un mot. Sa surprise était palpable.
Finalement, Mme Sylla marmonne, inconsciemment, les prix « 700, 750 Fcfa pour les petits poissons, 900 et 1.250 Fcfa pour les grands ». Ayant, pour ainsi dire, retrouvé la lucidité, elle rétorque, non sans énervement, à la vendeuse. « Mais c’est trop cher ! C’est loin du prix habituel, pourquoi cette augmentation ?», interroge-t-elle. La réponse de la mareyeuse ne se fait pas attendre. «Je ne suis qu’une revendeuse, vous savez, tous, ce qui se passe dans ce pays».
La discussion prend des allures de polémique. «C’est pas une raison ! Vous n’êtes que des sangsues (Ndlr, un ver à anneaux aquatique qui se nourrit de sang), vous sucez notre sang ! » réagit violemment la ménagère. Elle a saisi l’opportunité de déverser sa bile à propos de l’augmentation du prix du poisson. « C’est vrai que nos frontières sont fermées, mais les denrées de première nécessité sont exemptes des sanctions de la CEDEAO (Ndlr, Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest). Il ne doit donc pas y avoir une telle différence», ajoute-elle.
La différence constatée sur le kg du poisson varie entre 200 à 250 Fcfa. L’écart est assez grand, en tout cas suffisant pour mettre en colère les ménagères qui n’apprécient guère la situation.
Prise de court par la réaction de la clientèle, la mareyeuse reste sans réaction, jusqu’à ce que sa voisine, une autre commerçante, vole à son secours. « Vous savez Mesdames, en cette période d’hivernage tout devient cher, la mer prend du volume et les poissons sont difficiles à pêcher. Idem pour les poissons d’eau douce, plus le fleuve est rempli, plus les poissons vont au fond de l’eau et nos pêcheurs ne trouvent que des petites espèces », plaide-t-elle. « En outre, dans peu de temps, ces petits poissons vont inonder le marché. Mais une chose est sûre, le prix du poisson a toujours été instable », soutient la dame, avant de préciser que le prix peut varier, au moins, deux fois dans la journée.
Pour elle, certains cartons de 20 kg ont augmenté jusqu’à 5.000 Fcfa, ce qui influe forcément sur la vente.
Au marché « Soukouni Coura », appelé aussi marché du poisson, la machine commerciale est grippée en ce moment et le prix y est pour quelque chose. Selon les avis de diverses vendeuses, elles ne cherchent que 50 Fcfa de bénéfice sur le kg. Qui croire, entre vendeuses et clientes ?
Pour tirer son épingle du jeu, Mlle Haidara a fait le choix d’un marketing agressif pour écouler beaucoup de marchandises. Grâce à son sourire et sa bonne humeur, difficile pour la clientèle de s’échapper de ses griffes. « Venez voir, je vous offre le meilleur prix de la place. Je ne cherche pas à faire du surprofit. Tout le monde gagne avec. C’est du poisson sain».
Sans doute, accueillant toujours les clientes avec bonhomie, elle semble s’en sortir mieux que les autres. Dans ce marché idéal pour faire la provision du mois, on trouve à moindre coût, presque tous les aliments, surtout ceux qui sont importés. Poisson, « attiéké », « aloco (banane plantain », pomme de terre, avocat, oignon, ail etc.
Mme Sylla fait ses achats mensuels. C’est avantageux de procéder ainsi, car il y a toujours une différence entre le prix d’ici et ceux des autres marchés. « Le poisson que j’achète ici à 700 Fcfa le kg est cédé, dans mon quartier, à 1000 Fcfa et ceux d’eau douce que l’on a ici à 1.250 le kg sont vendus, chez nous, à 2000 Fcfa». Selon cette femme au foyer, il faut juste admettre que les gens n’ont pas d’argent. Elle qui fait sa provision mensuelle, habituellement, se contente, cette fois-ci, d’achats pour une semaine.
Pour Mme Diallo Balki Traoré, le prix de certains produits grimpe en flèche. L’ail, le persil, l’oignon, tout est hors de portée. En « plus du poisson, je viens d’acheter un kg d’oignon à 500 Fcfa, c’est trop cher pour le citoyen lambda. Pire, ça peut culminer jusqu’à 750 Fcfa», s’indigne-t-elle. A l’en croire, l’idée de faire le marché, en ce moment, effraie plus d’une ménagère, car on peut dépenser tout l’argent de la popote pour peu d’aliments.
Pendant la grande chaleur, le poisson importé est abondant et le prix est bas. Maqueron shasha, tilapia, milieu, tiopa zébré sont, entre autres, variétés qui inondent nos marchés. « Elles sont importées du Sénégal, du Maroc, de la Mauritanie, de la Chine, de la Côte d’Ivoire », nous confie Koura Traore, âgée d’une trentaine d’années. Cet après midi, sous un temps orageux, Coura, couchée sur un banc, couverte d’un pagne alors que les clientes cherchent à retourner à la maison pour se mettre à l’abri d’une éventuelle pluie. Elle soulève la tête et déclare : « Quand il pleut, il y a peu de poissons ».
Au moment de chaleur, les poissons importés, les fruits de mer inondent le marché. Elle souligne que les revendeurs viennent de partout s’approvisionner, comme en témoignent ces cartons de poissons vides qui trainent sur son lieu de travail.
Grande commerçante, elle distribue jusqu’à 100 cartons le matin et attend le soir pour récupérer la recette du jour auprès de ses débitrices. Elle se tourne le pouce avec comme seuls compagnons, les cartons vides et un essaim de mouches, mais confiante. Cela s’explique. Après tout, un carton enlevé par une revendeuse est, assurément, un souci de moins.
Des soucis ? En tout cas, ce n’est pas ce qui peut l’empêcher de dormir puisqu’elle était déjà dans les bras de Morphée, à notre second passage.
MS/MD (AMAP)