Pêche et aquaculture à Ségou : un fleuve d’opportunités à développer

La capture des produits halieutiques à Ségou ne permet pas encore d’assurer l’autosuffisance alimentaire de la population

Par Mamadou SY

Ségou, 17 déc (AMAP) Pratiquée presque un peu partout au Mali, notamment dans divers cours d’eau (fleuve Niger, lacs et mares), la pêche occupe une place importante dans le développement du Mali en termes de création d’emplois. Cependant, et malgré son potentiel indiscutable, il ne contribue encore que faiblement à l’économie nationale avec un Produit intérieur brut (PIB) de 2,4 %. S’agissant de la consommation annuelle de poisson par tête d’habitant, elle s’élèverait en moyenne à 10,5 kg.

La capture des produits halieutiques à Ségou (Centre) ne permet pas encore d’assurer l’autosuffisance alimentaire de la population. La raison ? Des défis liés, entre autres, à la raréfaction de certaines ressources halieutiques, au changement climatique dû à la pression des activités humaines, au manque de financement et au coût élevé des intrants compromettent l’essor du secteur.

Que ce soit sous un soleil de plomb ou dans le fraîcheur de la nuit, les pêcheurs embarquent chaque jour sur leurs pirogues et naviguent sur le fleuve Niger et son affluent, le Bani, à la recherche du poisson. En ce mercredi du mois de décembre, il est 8h du matin. Nous rencontrons Oumar Salamanta de retour la pêche avec quelques poissons frétillants dans son filet. Selon notre interlocuteur, il lui arrive souvent de sortir de l’eau avec 5 à 6 kilos de poissons, selon les jours.

Un peu plus loin, Boureïma Koné assis dans sa pirogue, s’activait à retirer des tilapias de son filet. Tirant la majeure partie de ses revenus de la pêche, M. Koné reste préoccupé, comme bon nombre de pêcheurs, par la l’ensablement progressif du fleuve Niger, la prolifération de plastique et les effets du changement climatique qui bouleversent l’écosystème et mettent en péril les populations de poissons. « Cette situation qui n’est pas porteur d’optimisme menace gravement nos moyens de subsistance », a-t-il déploré.

Les embarcations utilisées par les pêcheurs sont composées de pirogues de 4 à 10 mètres, voire plus, ainsi que des filets dormants et maillants, des sennes, éperviers et nasses. Lassine Sinayoko, un autre pêcheur note que la filière pêche à d’immenses potentialités. Cependant, elle demeure le parent pauvre des financements et manque cruellement d’attention de la part des pouvoirs publics pour améliorer les conditions de vie et de travail des pêcheurs.

D’après le président régional des producteurs de poissons et de l’Association des pêcheurs résidant au Mali, les carpes et les silures figurent parmi les poissons les plus pêchés. Mamady Dembélé dit avoir constaté ces dernières années, la disparition de certaines espèces comme le citharinus et l’heterobranchus communément appelées «Tala» et «Polio» en langue bamanankan. Il révèle qu’actuellement la demande en poisson est forte et les pêcheurs peinent à satisfaire la clientèle à cause de la faible quantité de poisson pêchée.

Contre la raréfaction des ressources halieutiques, Mamady Dembélé propose la promotion de l’aquaculture (l’élevage contrôlé des poissons dans des étangs, bassins ou des cages flottantes). « Cette pratique s’est généralisée dans la région à la demande des pêcheurs pour créer des emplois et améliorer leurs conditions vie », a-t-il fait savoir. Le président régional des producteurs de poissons a ajouté que les mares et étangs communautaires contribuent grandement au développement du secteur et à l’amélioration des revenus des pêcheurs. Comme exemple, il cite la Commune rurale de Dougoufè, dans cercle de Barouéli, où  plus de 5 tonnes de poissons ont été produites.

Mamady Dembélé estime que la gestion durable des ressources halieutiques passe par un renforcement des capacités des acteurs du secteur pêche et aquaculture. Pour réduire la surpêche, des mises en défens sont instaurées le plus souvent. Ce repos biologique favorise la reproduction des poissons, mais aussi le retour de certaines espèces qui avaient disparues, fait-t-il remarquer.

L’État et ses partenaires ont un rôle à jouer dans la levée des obstacles. Cet appui permettra au secteur d’être plus productif, tout en préservant l’écosystème, a ajouté le président régional des producteurs de poissons. La direction régionale de la pêche de Ségou a en charge la mise en œuvre des plans et programmes, l’aménagement des pêcheries, la promotion et la valorisation des filières et productions halieutiques, le développement de l’aquaculture ainsi que la création des mises en défens dans les milieux piscicoles de l’État.

D’après le chef du secteur pêche de Ségou, Baréma Koïta, la production halieutique est en constante progression dans le Cercle de Ségou. « On a pu enregistrer, cette année, 1 730 tonnes de poissons frais contre 1 694 tonnes en 2023. La crue de cette année a beaucoup favorisé la production de poissons, notamment les fretins. « La production dans le cercle dépend globalement de l’état de la crue et de la pluviométrie. Quand ces deux éléments sont réunis, on peut s’attendre à une bonne production », a expliqué M. Koïta.

S’exprimant sur les contraintes, il a indiqué que le secteur est confronté au manque d’infrastructures et d’accès au financement des pêcheurs. S’y ajoutent l’insuffisance d’aménagement des pêcheries et d’effectif au niveau de la direction régionale pour assurer l’encadrement des activités de la pêche dans l’ensemble de la région et le coût élevé des intrants de pêche et d’aquaculture. Baréma Koïta soutient qu’il faut davantage développer l’aquaculture à travers l’installation de cages flottantes, de bacs hors sols et d’étangs piscicoles le long du fleuve, aménager les mares et empoissonner les plans d’eau pour réduire notre dépendance extérieure en protéines halieutiques.

Le Cercle de Ségou compte plus d’une centaine d’aquaculteurs. L’un de leurs défis majeurs reste l’accès aux intrants (alevins et aliments) à moindre coût pour booster production. Le chef du secteur pêche de Ségou a, sur ce point, fait remarquer que l’État fait des efforts. Cependant, la quantité d’intrants subventionnés est insuffisante.

Il suggère également de vulgariser les textes qui régissent la pêche et l’aquaculture, afin que les pêcheurs sachent ce qui est autorisé ou non.

MS/MD (AMAP)