Entretien réalisé
Par Dieudonné DIAMA
Bamako, 18 novembre (AMAP) En cette après-midi du mercredi 14 novembre, le prêcheur Ousmane Cherif Madani Haidara nous reçoit dans sa ferme à Dondoumana, à une vingtaine de kilomètres de Bamako. Des milliers de personnes sont présentes, venues dans le cadre de la célébration de la fête du Maouloud. Dans un entretien à bâtons rompus, le président du Haut conseil islamique du Mali (HCIM) nous parle de la fête du Maouloud, du terrorisme, de l’insécurité, de la question des arabisants, du Dialogue national inclusif, etc.
Parlant, en premier lieu, de la fête du Maouloud (célébration de la naissance et du baptême du Prophète Mohamed, PSL), Cherif Ousmane Madani Haïdara dira qu’elle est célébrée, cette année, dans un contexte marqué par des difficultés au Mali. Pour lui, notre pays traverse une situation à laquelle, les populations ne sont pas habituées. Il s’agit de l’effusion de sang et de la division. C’est pourquoi, le thème de cette année a trait à la paix et la cohésion. Le leader d’Ançardine (différent du mouvement djihadiste dans le Nord du Mali) précise que son objectif est de mettre fin à l’effusion de sang et à la division, convaincu que tout bonheur passe par la paix. C’est pourquoi, tous les prêches se font, dans ce sens, sur l’ensemble du territoire national afin que les Maliens s’entendent et se donnent la main.
L’influent prêcheur a, aussi, touché du doigt l’insécurité grandissante qui sévit dans plusieurs parties de notre pays. Il déplore que, malgré la présence de la Force Barkhane, de la Mission intégrée multidimensionnelle des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) et d’autres forces étrangères sur le sol malien, la situation d’insécurité perdure et même empire. Selon lui, tant que les Maliens ne s’entendront pas, personne ne pourra les amener à avoir ce qu’ils veulent réellement. Il a invité nos compatriotes à aider le gouvernement à faire face aux besoins des militaires sur le terrain.
Endoctrinement – Le président du HCIM a abordé, aussi, la question du terrorisme. Pour lui, des individus se cachent derrière l’islam pour commettre des exactions. Et pour avoir l’adhésion des populations, ils se font appeler « djihadistes ». Le leader d’Ançardine estime que ceux qui se disent « islamistes » et qui font subir des exactions aux populations du Mali ne sont pas Maliens. “Ils sont là pour autre chose et non l’islam. Pour ce faire, ils profitent pour endoctriner certains de nos compatriotes. Mais, également, ils donnent de l’argent à certains Maliens qui les hébergent et les aident à se préparer pour commettre leurs forfaits”, explique-t-il.
Le leader religieux rappelle que le Mali est un pays où l’islam s’est implanté depuis que certains compagnons du prophète Mohamed (PSL) étaient encore en vie. Selon lui, cette religion n’a pas été introduite dans ce pays par les armes et les sabres. Mais, par des commerçants qui se rendaient au Maroc qui ont été séduits par le Mali et y ont importé l’islam. Ensuite, par des ressortissants de Médine (en Arabie) venus s’installer à Tombouctou.
Pourquoi fermer les écoles ?Concernant la fermeture des écoles, au nom de l’islam, par les terroristes, Cherif Ousmane Madani Haïdara a déclaré que la religion musulmane n’est nullement contre l’école et l’éducation parce que le prophète de l’islam, lui-même, a, une fois, envoyé un de ses compagnons étudier d’autres langues, chez des peuples qui adoraient le feu. Aussi, Mohamed (PSL) a envoyé un autre étudier la langue romaine. Pour le prêcheur Haïdara, la langue n’a rien à voir avec la religion, contrairement à ce que pensent certains.
D’après lui, beaucoup pensent que lorsqu’on ne parle pas arabe, on n’est pas musulman alors qu’il n’en est rien. Mieux, il dira qu’il n’y a pas de langue pour la religion musulmane, mais, il y a une langue à travers laquelle on comprend l’islam. A cet effet, il soutient que si la religion musulmane était une question de langue, elle allait se limiter aux Arabes.
Quelle perspective pour les arabisants ?Le président du HCIM a évoqué également la situation des arabisants et leur insertion professionnelle. Selon Ousmane Cherif Madani Haïdara, ceux qui ont fait des études en arabe, sans le français, le regrettent aujourd’hui. Car, au Mali, l’arabe seul permet, difficilement, à une personne de travailler parce que la langue officielle est le français. Mais qu’à cela ne tienne, des démarches sont entamées pour l’insertion professionnelle de ceux qui ont de bons diplômes en arabe même s’il leur faudra faire une formation en français. Déjà, un expert recruté a travaillé sur ce dossier et a fourni son rapport qui a été remis au gouvernement. Lequel promet de travailler à cela. « Dès maintenant, les personnes concernées vont bénéficier de soutiens financiers pour pouvoir mener des Activités génératrices de revenus (AGR) avant que ces actions ne commencent », annonce notre interlocuteur.
Le dernier point sur lequel s’est prononcé Ousmane Cherif Madani Haïdara est le Dialogue national inclusif en cours. Pour lui, tous les musulmans et l’ensemble des Maliens veulent aujourd’hui que le pays soit apaisé. » Si le dialogue peut contribuer à cela, c’est le souhait du Haut conseil islamique », a-t-il indiqué, soulignant que le gouvernement a commis des erreurs et la faîtière des organisations musulmanes n’a pas manqué de le lui faire savoir.
« Dans le cadre de ce dialogue, dit-il, les leaders religieux ont beaucoup aidé les organisateurs dans la discrétion. Ils sont allés voir, nuitamment, des personnes qui n’étaient pas partantes pour le dialogue pour les convaincre d’y participer afin que la paix s’installe au Mali. Malgré tout, il y a eu la mise à l’écart des leaders religieux, chrétiens comme musulmans, lors des phases aux niveaux des cercles et des régions.
En dépit de cette situation, Ousmane Cherif Madani Haïdara a exprimé le soutien du HCIM au Dialogue national inclusif. Son souhait est que le grand débat national se fasse dans la sincérité et que tout le monde ait, vraiment, son mot à dire, les pauvres, les personnes lésées de leurs droits, etc.
DD/MD (AMAP)