
Les militaires du Groupement tactique inter-armé (GTIA 2) de l’opération Kélétigui mènent, depuis deux mois, des opérations offensives contre les refuges de l’ennemi dans les collines de Karangana, Tandio et Ourikila, dans la Région de Koutiala (Sud).
Envoyés spéciaux
Mohamed TOURE
Habib KOUYATE
Koutiala, 21 fév (AMAP) La veille d’un assaut important sur les positions terroristes signalées par les renseignements, le staff de commandement du GTIA 2 trace le plan ce 12 février 2022. Autour d’une table métallique, les responsables militaires donnent les consignes aux chefs d’équipes. Sur des cartes, les coordonnées et les positions ennemies sont déterminées et l’opération peaufinée.
Les bases terroristes sont localisées dans les collines et les zones boisées du triangle Karangana, Tandio et Ourikila, dans le Cercle de Yorosso, à plus de 70 km de Koutiala. Les militaires espèrent mettre le grappin sur les groupes terroristes qui, désormais en difficulté, n’affrontent plus directement l’armée mais jouent à l’évitement.
JOUR J. – Les étoiles scintillent encore dans le ciel quand les hommes se mettent en ordre. Dans la fraîcheur des alentours buissonneux, les moteurs des engins, blindés Puma, BRDM 21 et BTR tournent. Le convoi s’ébranle et traverse le village de Karangana pendant que les habitants dorment encore. Les ruelles sont vides et silencieuses.
«Pour ce type d’opération, il est important de sortir avant le lever du jour pour la discrétion. C’est important aussi pour éviter les indicateurs qui informent les terroristes des mouvements de nos troupes mais surtout pour surprendre l’ennemi», souffle un militaire.
Les pick-up et les blindés poursuivent leur chemin et glissent lentement entre les pistes poussiéreuses et caillouteuses. Pas grand-chose n’est visible aux alentours. Sauf les grands baobabs. Le périmètre est touffu. D’où l’importance des engins blindés dans ce type de convoi. Les herbes peuvent atteindre plusieurs mètres de hauteur. Les véhicules touchent aux branchages.
Ces forêts sont infestées de terroristes souvent prêts à jaillir et à attaquer par surprise. Mais également minées d’Engins explosifs improvisés (EEI) très meurtriers. Quelques minutes après, nous arrivons à destination.
L’équipe d’artillerie est rapidement déployée. Le terrain est dégagé à coup de machette. Un long tuyau muni d’un trépied est installé. «C’est le Grade 2 M, une nouvelle arme à destruction massive de l’artillerie sol-sol. Elle tire des roquettes à 20 km de distance pour abattre les ennemis dans leur zone de concentration et détruit ses moyens de feu», explique l’adjudant-chef Drissa Koné, chef de section artillerie du GTIA 2 de Kélétigui. Les herbes alentours sont défrichées parce que après un tir du Grade 2 M, les flammes sont projetées au-delà de trois à quatre mètres au moment des départs des obus.
NOUVELLES ARMES – «Cette manœuvre est une occupation de la position de tirs et la mise en batterie des pièces d’artillerie. Nous allons tirer à 13 km sur les collines situées dans le triangle Karangana, Tandio et Ourikila où la présence de groupe terroristes est signalée ainsi que leurs sanctuaires», explique le commandant Kokè Diarra, officier chargé de la conduite des opérations. Les têtes d’obus, portées par trois hommes, sont montées prêtes à être tirées.
Les coordonnées sont calculées et marquées dans le dispositif. Le feu vert est donné par l’adjudant-chef Drissa Koné. Une salve d’obus est lancée sur les positions des terroristes. Les détonations assourdissantes des tirs sont suivies par le bruit des impacts à quelques minutes d’intervalle. Les artilleurs se félicitent et se congratulent.
«Les tirs ont touché les cibles», assurent-ils. La première partie de la mission est donc accomplie. «Il faut des opérations du genre pour désorganiser le système de défense ennemi et le prendre à revers. L’ennemi sera pris dans l’étau et n’aura pas d’échappatoire», poursuit le commandant Kokè Diarra.
Le matériel est rapidement plié car les opérations doivent durer toute la journée. Sur le chemin du retour, l’un des blindés de reconnaissance a une crevaison. Une souche d’arbre a perforé l’énorme pneu de l’engin . Plusieurs hommes entament rapidement les manœuvres pour changer la roue du mastodonte d’au moins 12 tonnes.
Bloquant le passage, les militaires décident de se frayer un nouveau chemin. Armés de haches et de coupe-coupe, ils commencent à couper les arbustes pour créer une piste. Une partie de l’équipe va rentrer à la base pendant que d’autres resteront pour sécuriser le véhicule avant le dépannage.
Aussitôt revenues au quartier général, d’autres troupes du GTIA 2 sont positionnées pour l’assaut sur les hauteurs de la colline de Tandio. Prêts à dénicher les terroristes désormais désarçonnés par les bombardements dans les collines.
Nous embarquons dans un des blindés qui participent à cette opération. Dans les pick-up, des militaires sont assis, armes au poing et casques vissés sur la tête. Un silence de cathédrale règne dans cette cabine où les secousses sont interminables. Le chef d’unité dans une autre voiture donne, à travers la radio, des consignes à ses hommes.
Il les appelle à la vigilance et à appliquer le plan. Sur les hauteurs de la colline de Tandio, les engins sont positionnés stratégiquement. Le dispositif est impressionnant car la grosse artillerie est sortie.
Les soldats quadrillent le terrain et effectuent des fouilles dans les buissons. L’avancée des troupes se fait avec une extrême prudence. La colline de Tandio est connue pour être infestée de terroristes que les militaires de Kélétigui ont déjà affrontés.
TIREURS EMBUSQUÉS – Leur stratégie, c’est de se terrer sur les hauteurs et tirer au loin sur les militaires en approche. La fouille du périmètre sera menée en étroite coordination entre les sous unités GTIA, positionnées. Les dernières consignes sont données par le capitaine Amadou Diallo, commandant du sous GTIA 1 à ses hommes.
Ce chef de compagnie est une véritable force de la nature. Le colosse à la taille de gladiateur porte un pistolet fixé à la taille, en plus de son fusil d’assaut. Il est basé avec ses hommes à Tandio, en contrôle de zone et effectue des missions offensives journalières contre les positions des terroristes. Sur un schéma sommairement tracé à même le sol, il rappelle les grandes lignes du plan.
Les armes et équipements sont encore vérifiés. L’offensive est ordonnée. Les militaires avancent sur le terrain méticuleusement. Sur ce terrain rocheux et escarpé nous continuons le ratissage au côté de l’unité du lieutenant Moulaye, commandant du sous GTIA 2, venu par un autre chemin avec ses hommes.
Nous avançons doucement entre arbustes et fragments de rocheux escarpés. La chaleur est pesante, les casques, les gilets pare-balles commencent à chauffer. Ces terrains peuvent présenter d’autres dangers, comme les serpents. Les équipes de médecins présentes sont parées en cas d’urgence. Nous arrivons à un premier refuge des terroristes, déserté par ses occupants.
C’est au bord d’une crevasse à côté d’une mare. Dans l’eau stagnante gisent encore des vêtements abandonnés par les occupants du camp. On peut apercevoir des abris de fortune brûlés, un couteau tranchant abandonné, des restants de nourriture, un four aménagé pour griller de la viande. Toute la panoplie d’un sanctuaire terroriste.
Un peu plus loin, de gros fragments de roche ont été adaptés en position de guetteurs. De cette position en hauteur, on a une vue dégagée sur plusieurs kilomètres.
Les soldats dans leur fouille, découvrent sur les flancs de la colline, des refuges naturels. Creux comme des chambres. «Ils se terrent dans les lieux pareils quand ils entendent les bruits des avions ou en voyant les drones de reconnaissance», s’écrit un fantassin qui estime que ces positions sont idéales pour des tirs embusqués sur les hommes en mouvement.
Sous la pression des multiples opérations des hommes du GTIA 2 de Kélétigui, les terroristes se sont retirés sur les collines voisines de l’autre côté de la frontière du Burkina Faso. De notre position, le territoire burkinabé est à un jet de pierre. Après la fouille sur un rayon de plus de 5 km, pas de trace de terroristes qui ont fui leurs refuges.
Le capitaine Diallo fait alors le bilan de la mission avec son unité. D’une voix calme et lente, il se rassure qu’il n’y a pas eu de blessés. «C’est notre mission d’éradiquer le terrorisme sous toutes ses formes. Et nous arrivons à concrétiser cela sur le terrain. Nous œuvrons pour ramener la paix, rassurer les populations, permettre la réouverture des écoles et des administrations par endroits», explique l’officier.
Le peloton peut se remettre en position et amorcer le retour à la base, en attendant l’opération du lendemain.
MT/HK (AMAP)


