Mali : Le business lucratif des analyses et examens médicaux

© OUMAR DIOP, AMAP, SANTE, INAUGURATION DU CENTRE DE DIALYSE DU CHU DU POINT G , PAR LE PRESIDENT ATT, LE 16/03/2012.

Par Mohamed D. DIAWARA

Bamako, 03 oct (AMAP) Ils sont éminemment utiles à la communauté, notamment dans la prise en charge des maladies. Ils ont pris l’engagement (Serment d’Hippocrate) d’être fidèles à l’éthique et la déontologie dans l’exercice de leur profession qui, soit dit en passant, est un sacerdoce. Il s’agit des médecins, parmi lesquels certains qui envoient systématiquement les patients vers des structures privées même lorsque les analyses peuvent être effectuées dans les établissements publics. Esprit mercantile ou non-respect du serment d’Hippocrate ?

Malheureusement certains des praticiens ont des comportements a contre-courant de cet engagement. Ceux-ci, par amour du gain, semblent se faire une spécialité d’envoyer les malades et autres usagers des établissements publics de soins (hôpitaux et centres de santé de référence) vers les structures privées pour des analyses biomédicales ou de radiographie. La formule consacrée est : «Les résultats des analyses ou des radios de telle structure sont plus fiables que ceux des établissements publics». Qu’est-ce qui explique ce phénomène ? Pourquoi ces pratiques continuent-elles de perdurer ?

Abdoul Karim Sangaré, chauffeur de son état, a du mal à comprendre les raisons qui poussent des médecins à orienter systématiquement les patients vers les structures privées qui utilisent très souvent les mêmes compétences que les établissements publics. Il explique avoir vécu, au moins deux fois, cette situation au Centre de santé de référence (CSRéf) de Kalabancoro. Et de s’interroger sur la pertinence de cette pratique dans la prise en charge d’une pathologie. Elle impose des surcoûts aux malades et leurs familles. Or, il est généralement admis que pour faire face au coût du traitement de certaines maladies au Mali, le patient moyen est contraint, très souvent de battre, le rappel des parents.

PROPENSION – Comme Abdoul Karim Sangaré, d’autres aussi s’interrogent et veulent comprendre pourquoi pour même un simple examen d’échographie dans un CSRéf), certains praticiens ont la propension d’envoyer les patients dans les structures privées.

Un doctorant, sous le couvert de l’anonymat, explique que la pratique jure d’avec l’éthique et la déontologie de la médecine. Il condamne la pratique, mais tente d’en trouver une explication. Pour lui, « c’est généralement une pratique du personnel qui n’est pas recruté, autrement des bénévoles qui officient dans les structures de soins.

Beaucoup de malades et usagers des établissements publics ne sont pas d’accord avec ce point de vue et estiment c’est bien «une problématique réelle et généralisée». Pour eux, le médecin qui s’adonne à cette pratique le fait simplement par « appât du gain ».

Aujourd’hui, les malades se bousculent aux portillons de certaines structures privées sur recommandation des médecins. Ces médecins trompent les malades et autres usagers sur la qualité de l’arsenal de diagnostic des établissements publics. Malheureusement les pannes récurrentes de certains équipements de pointe dans les structures publiques comme le scanner ou l’Imagerie par résonance magnétique (IRM), y contribuent aussi.

Notre doctorant reconnaît que dans certains cas, le médecin requiert un examen comparatif entre les résultats de deux structures pour s’orienter dans son protocole thérapeutique. A l’en croire, certains examens médicaux ne sont pas faisables dans les services publics. Il parle aussi de l’insuffisance de compétences dans certains domaines.

RISTOURNES – Un spécialiste en cardiologie, qui consulte dans une clinique privée à Kalabancoro, explique clairement que son établissement accorde des ristournes aux médecins qui lui envoient des malades pour faire leurs examens. Ils qualifient ces médecins de collaborateurs. Et de dire que ceux-ci bénéficient parfois d’autres avantages en nature à l’occasion des fêtes, par exemple. Il soutient que les médecins des structures publiques méritent plus en matière de rémunération. Pour gagner plus, certains s’engagent dans la collaboration avec les établissements privés.

Vêtu de bleue, la barbe touffue, le médecin chef du district sanitaire de la Commune IV de Bamako, Dr Abdoul Razak Dicko, ne passe pas par quatre chemins pour dénoncer la pratique. Il reconnait que le secteur de la santé compte « des brebis galeuse ». Il fustige le phénomène qui nuit « gravement à notre système de santé ». Il rappelle que le système de santé a été conçu pour rendre plus accessibles les services de soins aux populations.

Ce spécialiste en santé publique estime que la pratique engendre une baisse de recettes au niveau des structures publiques et crée des difficultés de fonctionnement. Elle contribue, aussi, à la paupérisation des usagers.

Le chef du district sanitaire de la Commune IV est convaincu que les agents de santé, qui orientent les patients vers les établissements privés, reçoivent des ristournes au prorata des malades envoyés. Il explique avoir déjà sanctionné un agent qui s’était rendu coupable d’une telle pratique.

Notre interlocuteur explique que les médecins peuvent demander aux patients d’aller faire les analyses ou les examens dans le privé lorsqu’un appareil de l’établissement connaît une panne technique ou si la structure n’est pas en mesure de fournir  le service, faute d’équipements ou de compétences.

Dr Dicko invite le personnel de santé au respect du serment d’Hippocrate, en intégrant la notion de sacerdoce de la médecine. Il conseille aux malades et autres usagers de dénoncer ces actes.

Pour sa part, le médecin chef du district sanitaire du Cercle de Kati, Dr Issa Guindo, explique que ces pratiques peu orthodoxes se passent à l’insu des gestionnaires des établissements publics. Il assure que chaque fois qu’il a été informé d’une pareille situation, il a pris des sanctions disciplinaires. Ceux qui s’adonnent à cette pratique « ne pensent pas aux malades mais plutôt à l’argent », déplore le médecin.

Notre interlocuteur souligne que le 8 septembre dernier, les responsables des administrations hospitalières ont signé avec le ministère de la Santé et du Développement social des contrats de performance. Ces contrats ont été initiés pour améliorer le fonctionnement des hôpitaux publics de 2è et 3è références et renforcer la qualité des soins de santé au bénéfice des populations.

MDD/MD (AMAP)