Le boom de la livraison de colis à Bamako

Par Kadiatou OUATTARA

Bamako, 17 aout (AMAP La livraison connait un boom grâce au développement des ventes et des commandes en ligne. Jeunes hommes et femmes livrent nourritures, habits, chaussures, accessoires… Sogona Nanakassé est de ceux-ci. Âgée de 38 ans, elle est divorcée et mère d’un enfant. Dotée d’un physique imposant, débordante d’énergie, elle a opté pour ce métier. Officiellement conductrice de taxi-moto «Telimani», elle est également dans la livraison de colis depuis novembre 2020. Résidente de Moribabougou, Sogona Nanakassé fait la navette entre différents quartiers de Bamako, la capitale du Mali. Elle s’est achetée une moto de seconde main pour mener à bien son activité.

La brave dame livre très souvent les colis des vendeuses «d’Abaya» et les commandes de «Mali Buru», de la pâtisserie «Artisan boulanger». « Les débuts n’étaient pas faciles, car j’ai  commencé avec une moto de plus petite cylindrée pas très adaptée à ces activités », confie-t-elle en souriant. Son statut de femme posait aussi problème à certains tandis que d’autres en ont font une grande source de crédibilité.

« C’est un travail qui ne me permet pas de subvenir à tous mes besoins, mais ça me permet de me nourrir, de payer la scolarité et les cours privées de mon enfant », se réjouit notre interlocutrice. Atteinte de sinusite, ce qui l’empêche, souvent, de travailler et de faire certains activités, Nanakassé s’accroche malgré sa santé fragile.

Si Nanakassé évolue en solo, il existe aujourd’hui des sociétés spécialisées dans la livraison de colis. Kadialy Deka Diabaté est l’un des promoteurs de «I ka Tchiden, ton coursier». Créée en octobre 2020, cette société basée à Hamdallaye ACI 2000, emploie une dizaine de personnes, toutes des salariées. «On fait plusieurs types de livraisons», explique Diabaté. Il s’agit de livraisons de colis, de dépôts de courriers pour les structures, etc. « Nous faisons également les courses domestiques et les paiements de factures pour les clients », indique-t-il. À ces prestations, s’ajoutent les services de recouvrement et la livraison de colis pour les sites de vente en ligne. Le service « I ka Tchiden» est accessible grâce à des numéros de téléphone. « La coordination avec le livreur est faite à la demande du client. Les tarifs varient entre 1 000 et 3 000 Fcfa, selon la distance à parcourir », explique le patron.

Cependant, ce métier n’est pas sans difficultés. La hausse du prix du carburant due au contexte économique international difficile impacte énormément les affaires des entreprises de livraison. Une autre difficulté est liée à la nature des produits livrés. « Des cas d’interpellations sont souvent enregistrés à cause du fait de la simple livraison de certains colis », confie un livreur qui souhaite garder l’anonymat. Il raconte avoir passé une nuit dans une cellule de prison à Kati. «Souvent, on nous fait livrer des colis sans qu’on sache ce qu’il contient», explique ce dernier.

CONNEXION IMMÉDIATE – Pour s’en rendre compte, nous avons accompagné un livreur durant une journée, au cours de laquelle il a effectué une série de livraisons. Cheickna Samaké, c’est son nom. Diplômé en électricité, niveau Certificat d’aptitude professionnel (CAP), il est livreur pour la société « I ka Tchiden », depuis à sa création. Il se dit passionné par ce métier.

Nous sommes vendredi. Il est 13 heures. Par un temps nuageux suivi d’une forte pluie, j’enfourche la moto de livraison du jeune homme, pour une immersion d’une journée. Il roule à grande vitesse pour arriver vite à destination. Du Quartier du fleuve à Djélibougou, en passant par Bozola, Niarela, Hippodrome, Korofina, il se faufile entre les véhicules pour éviter les bouchons. Une quinzaine de minutes plus tard, nous voici devant «La Croix Rouge malienne» à Djelibougou. Cheickna appelle le client au téléphone et lui livre son colis : un appareil «power bank» pour recharger les téléphones qui avait été commandé dans une boutique de vente en ligne. Après vérification, le client paye la commission du livreur. Direction Moribabougou, pour la seconde livraison. Arrivé à Titibougou, surgit une grosse tempête. On s’accroche à la moto. À présent à Moribabougou Tiônonkono, il pleut abondamment. On se met à l’abri dans une station service d’essence bondée de monde. Tous attendent la fin de la forte pluie pour vaquer à leurs occupations.

Salimata Samaké, vendeuse de produits de beauté et d’accessoires, explique que ce métier de livreur lui est d’une grande utilité. Selon elle, les livreurs assurent la connexion immédiate entre le vendeur et son client. Surtout que le livreur peut retourner avec le colis pour l’échanger si le client n’est pas satisfait. Salimata soutient vivement ce métier car, c’est un pourvoyeur d’emplois pour les jeunes. Elle déplore les fluctuations quant aux prix de la livraison de la part de certains livreurs. « La mauvaise humeur de certains d’entre eux fait souvent fuir la clientèle », dénonce-telle.

Dans tous les cas, ce métier est une alternative crédible au chômage massif des jeunes. Aujourd’hui, beaucoup de jeunes (généralement diplômés) qui passaient la journée, assis au «Grin» à se tourner les pouces, sont en contact avec des sites de vente en ligne et autres prestataires de services. À l’aide de leur moto, ils livrent des colis à la demande des clients. Ils peuvent revenir s’installer au «Grin» en attendant, les yeux rivés sur le téléphone portable, le prochain appel pour une nouvelle livraison.

KO/MD (AMAP)