
La célébration de la journée de l’enfant africain est destinée à sensibiliser sur le bien-être de tous les enfants et surtout de ceux dans des situations humaines insupportables
Par Mariam F. DIABATE
Sikasso, 17 juin (AMAP) Ce jeudi 14 avril 2022, il est 11 heures sur le site d’orpaillage de Foroko (une localité dans le Cercle de Kangaba, près de la frontière du Mali avec la République de Guinée). Ici beaucoup d’hommes, des femmes et des enfants. Chacun est occupé à faire quelque chose. Tandis que certains garçons de moins de 15 ans creusent les trous, d’autres attendent avec impatience de remplir des seaux qu’ils tirent du trou. Non loin de là, un petit groupe de quelques filles qui rincent inlassablement une petite motte de boue, dans l’espoir de tomber sur quelques pépites d’or.
La petite Oumou Diarra fait partie du groupe. Elle est là grâce à son oncle, Elle affirme que laver la boue est son quotidien. « Dès que les travailleurs commencent à creuser, on se met en place afin de récupérer la boue susceptible de contenir des pépites d’or », dit la gamine.
Elle affirme qu’en marge des activités d’orpaillage sur le site, de nombreuses jeunes filles s’adonnent à la prostitution pour arrondir les angles. Elle a révélé le cas de son amie, Koro dont l’oncle l’a amenée ici pour travailler. «Apparemment, son parent n’était pas satisfait de l’argent qu’elle gagnait. Il a, alors, commencé à l’encourager à se prostituer. », dit Oumou.
Afin de mettre à l’aise sa nièce, l’oncle a ouvert un maquis pour couvrir ses activités louches. « Naturellement, les parents de Koro ne sont pas au courant de sa double vie ici», précise notre interlocutrice.
Oumou a ajouté, également, que des pratiques de mariage sous contrat (communément appelés en bamanankan «Fouroudeni») sont monnaie courante.
Par ailleurs, Oumou se souvient encore du viol d’une petite fille sur le site, en 2015. La victime a été retrouvée gravement blessée dans la case de ses deux violeurs. « Fort heureusement, ces derniers ont été rapidement confondus et ils sont actuellement en train de purger leur peine », dit-elle.
Les jeunes garçons sont, aussi, nombreux sur les sites d’orpaillage. Selon Seydou Kanté, un garçon de 14 ans, tirer les seaux, laver la boue afin d’y trouver de l’or, vendre de l’alcool… constituent les activités principales des garçons de son âge. «Nous travaillons de 5 heures du matin à 20 heures. La vie est très dure ici, car il n’y a pas de pitié. L’exploitation, la trahison et d’autres formes de violence constituent notre quotidien», explique-t-il.
PLUTÔT LE COTON QUE LES ETUDES – S’exprimant sur les difficultés auxquelles les enfants sont confrontés sur le site d’orpaillage de Foroko, Seydou Kanté a révélé que lorsque qu’on surprend un enfant en train de voler de l’or, il s’expose inévitablement à la vindicte populaire et à tous les sévices et atrocités jusqu’à l’arrivée de ses tuteurs. Des justiciers improvisés vont jusqu’à utiliser des méthodes de torture dignes des camps de concentration faisant passer au fautif des moments douloureux, s’il ne rend pas l’âme sous l’assaut des méthodes barbares d’une autre époque. ‘Toutes ces exactions, selon Seydou Kanté, se passaient avant l’installation des «Ton boloma», autrement dit, les protecteurs et gardiens des sites d’orpaillage ».
Il en est du site d’orpaillage de Foroko comme de celui de M’Bèkèla (localité située dans la Commune rurale de Finkolo Ganadougou, Sikasso). Là-bas, les conditions de travail des enfants sont exécrables. Ils sont mal rémunérés, n’ont pas de dortoirs, boivent de l’eau souillée des drags, etc. C’est aussi un camp de concentration à ciel ouvert, dans un monde disparate où les plus forts règnent en maîtres absolus des lieux.
La souffrance physique, morale et psychologique des enfants travaillant sur les sites d’orpaillage est sans commune mesure avec ceux qui courbent l’échine dans les champs. Une ressortissante du village de Koungoba (Cercle de Sikasso), Kadidiatou Fané témoigne. Elle est âgée de 14 ans. L’année dernière, elle était en classe de 6è année, Elle a abandonné les études, car elle n’avait pas de temps à y consacrer à cause des travaux champêtres. Elle est actuellement à Sikasso, chez une tante, afin de rassembler de quoi constituer son trousseau de mariage. Elle raconte que pendant la récolte du coton, chaque matin elle se rend au champ de 8 heures à 18 heures, pendant un mois ou plus.
De retour des champs, aux environs de 18 heures, les enfants doivent s’occuper des travaux domestiques. « Donc, je ne disposais pratiquement pas de temps suffisant pour apprendre mes leçons, m’exercer et faire mes devoirs », soupire-t-elle.
«Une fois, j’ai dit à mon père que nous sommes en composition, que je dois apprendre au lieu d’aller au champ, il m’a répondu que j’irai composer au champ», se souvient-elle, avant d’ajouter que « récolter le coton est une obligation pour chaque enfant de Koungoba ».
ENGAGEMENT DES ACTEURS – Le travail des enfants peut affecter, non seulement leur santé mais, aussi, leur éducation scolaire. L’effort physique intense demandé aux enfants entraîne des conséquences pour leur croissance. Des enfants peuvent s’adonner, à l’insu de leurs parents, à la consommation de stupéfiants afin de faire face aux lourdes charges des travaux imposés.
Pourtant, le Code du travail interdit d’employer « les enfants de moins de 18 ans à des travaux excédant leurs forces, représentant des dangers ou qui, par leur nature et par les conditions dans lesquelles ils sont exécutés, sont susceptibles d’affecter leur moralité ».
MFD/MD (AMAP)


