Par Rokiatou TRAORE
Bamako, 13 mai (AMAP) Un quartier périphérique de Bankoni. Une famille recomposée : le couple a vécu une ou plusieurs expériences antérieures de mariages . La famille n’est pas très aisée. Ses membres habitent, quand même, dans leur propre maison. Des orphelins de mère, depuis leur prime enfance, vivant avec leur père seul. Après le remariage de leur père, ils partagent aujourd’hui leur quotidien avec une nouvelle maitresse de maison que le père a épousée pour combler le vide laissé par la défunte première femme.
La nouvelle, à son arrivée, a installé une toute autre ambiance dans la famille. Les petits orphelins, dans une atmosphère de terreur, vivent un calvaire depuis que cette belle-mère a mis pied dans la maison. Et, les choses vont de mal en pis, depuis que l’ainé de la famille s’est marié. La femme de ce dernier, supposée être une belle-fille, est devenue une rivale, une co-épouse pour madame. Elle voit en elle la défunte épouse de son mari. Et bonjour les querelles, tout le temps, et pour tout. Elle n’hésite pas à se saisir de son souffre-douleur jusque derrière son mari, dans leur lit conjugal, pour la frapper.
Il y a de cela quelques mois, l’ainé de la famille, qu’on surnomme Damba, est rentré du marché pour se reposer, après une journée très chargée et harassante. Avec sa jeune femme, dans l’intimité de leur chambre. C’est là que la belle-mère fait irruption. Elle se met à battre la jeune femme avec un gros bâton. Sans raison apparente.
Surpris, Damba est resté sans réaction comme figé par le geste. Il ne put s’interposer. Il sortit de sa chambre, laissant sa femme subir le courroux de la marâtre. Celle-là, une fois qu’elle a fini de battre sa belle-fille, ressortit de la chambre, des insultes grossières à la bouche.
Le garçon rentra se recoucher, l’appétit coupé et demanda à sa femme d’en faire autant, sans lui poser de questions sur ce qui venait de se passer. Toute la scène s’est déroulée, en présence du chef de famille, le père de Damba et l’époux de la marâtre dont nous tairons le nom. Il n’a pipé mot, ne serait-ce que pour prouver qu’il n’est pas sous l’emprise de sa femme. A la mort du chef de famille, il y a quelque temps, Damba est devenu chef de famille. Les choses pourront changer.
Cette famille est loin de faire exception. La cohabitation, dans les familles recomposées, notamment maliennes, est plus proche de la « cohabi-tension » alimentée par l’attitude de certaines belles-mères qui veulent s’imposer au couple. Rendant ainsi, la vie de foyer très compliquée surtout dans ces familles recomposées. Certaines belles-filles vivent le calvaire, victimes d’agression par leur belle-mère ou belles-sœurs. Ces dernières ont tendance à vouloir tout contrôler, tout gérer en «vraie maitresse des lieux».
À Quinzambougou, la belle-mère de Kadi ressemble à ces vieilles dames qui ont un droit de regard sur tout ce qui se passe dans la famille. Jeune dame, Kadi vit avec son mari dans la famille maternelle de ce dernier. Alassane, son époux, enfant unique, a perdu sa maman depuis sa tendre enfance. Son père, sans moyens financiers, décide le confier à grand-mère maternelle pour pouvoir s’occuper de lui-même.
Quelque temps après, le père d’Alassane rencontre une veuve qu’il épouse. Devenu réparateur, le fils, lui, épouse Kadi, des années plus tard. Alassane décide que son épouse se rende, tous les jours, au Bankoni pour faire la cuisine pour son père et sa belle-mère qui n’ont pas eu d’enfants. En épouse dévouée, Kadi quitte Quinzambougou, tous les matins, pour se rendre à pieds au Bankoni. Faute de ressources.
Là-bas, la belle-mère l’accueille avec insultes et reproches. Aussitôt arrivée, elle doit se rendre au marché. Pour une famille de six membres, « la popote » varie entre 500 et 750 Fcfa pour acheter du riz, du charbon de bois et autres condiments. Le chef de famille ne travaille plus en raison de son âge avancé. Sa femme, elle, vend du savon au marché.
Il arrive, souvent, que Kadi arrive en retard. Gare à elle si le repas n’est pas prêt à midi. La belle-mère qui revient du marché à cette heure-là, ne se privera pas de la sermonner. Elle l’insulte de père et de mère.
La jeune épouse se souvient : «Un jour, ma belle-mère est revenu du marché avec son amie. Le repas n’était pas encore prêt. Elle m’a insulté de mère. Ce jour-là, je lui demandé de ne plus jamais insulter mes parents. Elle est venue se planter devant moi et l’a refait. Je n’ai rien dis. Elle et son amie ont passé toute cette journée à me bouder.»
Kadi a enduré cette situation durant deux ans. Sa délivrance n’est arrivée qu’après la mort de sa belle-mère, il y a près d’un an. Depuis, elle prépare de chez elle et apporte à manger à son beau-père « qui me comprend », témoigne-t-elle.
Contrairement à Kadi, Aïcha vit dans sa belle famille mais craint de se faire répudier à cause de l’autre
épouse de son beau père. Cette dernière est déjà arrivée à mettre dehors sa co-épouse (la mère de l’époux d’Aïcha). Elle tente d’obtenir de son mari l’expulsion du jeune couple du domicile. Convaincue que son beau père ne pourra résister à la pression de sa femme, Aïcha craint de se retrouver dehors avec son mari qui «n’a pas de travail fixe pour le moment ». « On ne pourra pas tenir, c‘est sûr», pense-t-elle.
Le sociologue Dr Brema Ely Dicko explique qu’une famille recomposée comprend un couple d’adultes, mariés ou non et, au moins, un enfant né d’une union précédente de l’un des conjoints. Consécutives à des décès, ces unions passaient par le remariage d’un veuf ou d’une veuve. « Jusqu’à la seconde guerre mondiale, elles étaient rompues par la mort d’un des deux conjoints alors qu’aujourd’hui la cause principale des ruptures est le divorce (ou la séparation dans les couples non mariés)», poursuit le sociologue.
Les recompositions familiales concernaient, autrefois, des orphelins, qui trouvaient ainsi un beau-père (parâtre) ou une belle-mère (marâtre). « Aujourd’hui, les enfants des recompositions sont ceux des désunions. De nos jours, les divorces et les recompositions se font sur la base de l’aspiration et de la volonté des personnes », analyse Dr Dicko.
« C’est bien l’enfant qui fait la famille. L’approche de la famille recomposée recentre la famille sur l’enfant et pas sur le couple. Dans une famille recomposée, si l’homme et la femme ont eu, chacun, un ou plusieurs enfants, on assiste, souvent, à des querelles quotidiennes entre les enfants », explique-t-il.
Les violences domestiques peuvent tomber sous les qualifications de « coups et blessures, violences, injures, voies de fait, etc. », explique l’avocat Me Bakary Konaté. Pour les peines encourues, les auteurs sont passibles, « selon l’article 207 du code pénal, d’un emprisonnement de 1 à 5 ans, d’une amende de 20.000 à 500.000 Fcfa », ajoute-t-il.
« Quand les violences physiques sont suivies de mutilation, amputation, privation de l’usage d’un membre ou d’un sens, cécité, perte d’un œil ou autres infirmités ou maladies, la peine sera de 5 à 10 ans de réclusion. S’il y a eu préméditation ou guet-apens, la peine sera de 5 à 20 ans de réclusion », précise le juriste.
En revanche, en cas de crime avec (préméditation ou guet-apens ou suivi de mutilation, privation de l’usage d’un membre ou d’un sens), l’instruction et le jugement prendront plus de temps puisque, c’est la Cour d’assises qui se prononcera. « En moyenne la durée peut varier entre 1 et 3 ans. Tout dépend de ce que le client entend obtenir du tribunal puisque plusieurs cas de figure sont à envisager », l’homme de droit. « En tout état de cause, il faut retenir que nul n’a le droit de maltraiter sa belle-fille ou son beau-fils », conclut-il.
Daouda Goumanè, imam et traditionaliste au Bankoni, ne dit pas autre chose. Il explique qu’aucun beau parent n’a le droit de porter la main sur sa belle fille. En pareils cas, il conseille au beau-fils de chercher des « personnes qui peuvent dire la vérité » pour ramener la belle mère à de meilleurs sentiments ou de quitter la maison paternelle et de s’installer, avec sa femme, ailleurs.
RT/MD (AMAP)


