Ecoles publiques : Les toilettes de tous les risques sanitaires

les élèves ne disposent pas de latrines décentes

Par Mohamed D. 

DIAWARA

Bamako, 15 fév (AMAP) Dans certains établissements scolaires, les élèves ne disposent pas de latrines décentes. Les filles, surtout ,préfèrent se contenir quand elles n’ont pas accès à des familles voisines de leurs établissements.

«Pan, pan, pan ! »,  la cloche du Groupe scolaire Mamadou Lamine Diarra I (MLD) de Djicoroni Para retentit pour annoncer la récréation. Des élèves qui ont la vessie remplie se précipitent vers des pans du mur de clôture de l’établissement pour se soulager, sous le regard inquisiteur de votre serviteur. Le spectacle est digne d’une époque sauvage, mais s’explique. Les toilettes ou latrines repartis entre deux blocs sont sans portes et dans un état de délabrement tel qu’elles exposent les déjections à la vue de tous. Les environs sont souillés par des traces d’urine. 

Malgré l’état désastreux de ces lieux d’aisance, des jeunes élèves, inconscients des risques d’infection qu’ils encourent, y vont, sans se poser trop de questions. Pour eux, l’essentiel est de se vider la vessie même si les conditions d’hygiène laissent à désirer.

C’est une situation qui interpelle la conscience humaine, d’abord et les autorités scolaires, après. L’aménagement de toilettes décentes dans nos établissements scolaires est une exigence de premier ordre pour éviter que les scolaires soient contaminés par des microbes d’infections urinaires, des maladies diarrhéiques voire d’autres pathologies.  

Fatoumata Traoré et Sériba Diawara, tous deux écoliers, préfèrent recourir aux toilettes de familles voisines de leur école pour se soulager (uriner ou aller au petit coin). Les deux mômes expriment leur gêne à choisir cette solution.

Dans le même groupe scolaire, l’effectif de l’école fondamentale G s’élève à 232 élèves, y compris 112 filles. Une enseignante de l’établissement explique que les élèves ne disposent pas de toilettes décentes dans cet établissement scolaire depuis 10 ans. Quant à la directrice de l’école G, Aminata Ouédraogo, elle pointe du doigt des jeunes délinquants qui seraient responsables de la détérioration des lieux d’aisance dans son groupe scolaire. Et de préciser que ces bandits volent les portes des toilettes, en dépit de la vigilance des gardiens. 

Mme Ouédraogo déplore aussi le manque d’eau dans l’unique toilette des 5 enseignants qui officient dans son établissement. 

A l’entrée principale du Groupe scolaire MLD I, les latrines de l’école F se sont même écroulées. Les 302 élèves dont 157 filles de cette école n’ont pas de toilettes depuis plusieurs années. Le directeur de l’établissement, Adama Keïta, explique à qui veut l’entendre qu’avant que ces toilettes ne s’affaissent, pendant l’hivernage dernier, elles n’étaient pas utilisables. «Nous avons informé le Centre d’animation pédagogique (CAP) et la mairie de la Commune IV de l’état  de détérioration de ces latrines», confie-t-il

Le directeur coordinateur du Groupe scolaire MLD II, Madjogué Keïta, soutient qu’il n’y a que deux toilettes délabrées pour les quatre seconds cycles de son groupe scolaire. Il explique que la direction du  Groupe scolaire fait de son mieux pour assainir les lieux. Mais, cela n’est pas suffisant. Selon lui, cette situation perdure parce que son établissement est délaissé par la  mairie de la Commune IV et le Cap. Il déplorait le fait que les élèves de son Groupe scolaire étaient en évaluation depuis deux jours et qu’aucun conseiller pédagogique n’ait daigné se rendre à son établissement pour s’enquérir, au moins, du déroulement des épreuves. 

Le directeur par intérim de l’un des seconds cycles du Groupe scolaire MLD II, Sékou Diawara, ne fait pas non plus dans la dentelle.  Il confirme que les 161 élèves et les enseignants de son école ne disposent pas de toilettes depuis plus de 7 ans. L’enseignant ajoute que les maitres sont contraints de parcourir une relative longue distance qu’il évalue à près d’un demi kilomètre pour se soulager. 

IMPLICATION DES ELEVES – Le mercredi 19 janvier dernier, les élèves des 11è et 12è années du lycée Massa Makan Diabaté, à Baco Djicoroni, en Commune V, étaient en composition. Certains élèves expliquaient clairement que l’affluence était moindre ce jour parce que leurs camarades des 10è années étaient restés à la maison. Ils font simplement remarquer que d’ordinaire, il y a une file d’attente devant les toilettes supposées être assez propres. Pour les besoins sanitaires des 3.000 élèves de cet établissement d’enseignement secondaire, 5 toilettes sont utilisables sur une dizaine prêtes à servir.

Le proviseur de ce lycée, Amadou Guindo, explique que la restriction imposée à l’accès à toutes les toilettes tient au comportement des élèves. Ceux-ci ne font pas d’effort pour maintenir les lieux propres. Et aussi parce que les personnes extérieures utilisent mal les lieux. C’est un argumentaire qui vaut ce que ça vaut.

Les élèves sont-ils sensés nettoyer des toilettes ? Les autorités scolaires ne doivent-elles pas prendre les dispositions qui s’imposent pour lever cette restriction mais, aussi, mettre les moyens à la disposition de l’administration scolaire de l’établissement pour assurer de meilleures conditions d’hygiène ? Ne peut-on pas identifier les élèves à la tenue scolaire pour éviter que des intrus n’utilisent les toilettes de l’établissement ?

En tout cas, il ressort des explications du proviseur que son établissement n’a pas de gardien pour  préserver les lieux et éviter que le tout venant n’utilise les toilettes, mais aussi les vols des installations de plomberie et la détérioration des installations sanitaires.

Le premier responsable du lycée Massa Makan Diabaté indique avoir suffisamment dépensé pour la réhabilitation et l’assainissement des toilettes afin de réunir les meilleures conditions d’hygiène pour les élèves.

Le proviseur et d’autres élèves souhaitent plus d’implication du comité de l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM) de l’école afin d’amener les élèves à participer au nettoyage des toilettes. Dans la cour, des jeunes filles révisaient en attendant de passer l’épreuve suivante de l’évaluation. Celles-ci expliquent se retenir suffisamment d’utiliser les toilettes scolaires à cause «d’odeur nauséabonde» des lieux et de risques d’infection. Aminata, élève, confie que l’AEEM reste bien indifférente aux conditions d’hygiène dans les latrines. Selon elle, cette situation n’encourage pas les élèves à étudier dans les écoles publiques. Les spécialistes préviennent que sans les conditions d’hygiène requises, il y a péril pour la santé des élèves. Chaque jour, plus de 700 enfants de moins de 5 ans meurent de diarrhées du fait d’insuffisance des services sanitaires et de mauvaises conditions d’hygiène.

Salia Sanogo, chef de service d’hygiène du Centre de santé de référence de la Commune III confirme que les toilettes sales exposent les élèves aux infections sexuellement transmissibles (IST), au choléra et aux maladies diarrhéiques.  Pour éviter ces pathologies, l’hygiéniste conseille de nettoyer et désinfecter les toilettes régulièrement.

Il recommande des efforts d’assainissement de la part des élèves et la mise en œuvre des programmes d’assainissement. «Parce que l’école est le lieu pour l’enfant d’acquérir toutes les connaissances, notamment celles en matière d’hygiène et d’assainissement. Ainsi, il saura comment assainir son cadre de vie», conclut M. Sanogo.

MDD/MD (AMAP)