
La divagation des animaux sur les artères principales de la ville peut être à l’origine d’accidents de la circulation. Pourtant, des dispositions du Code pénal malien en vigueur sévissent contre la pratique.
Par Siné. S TRAORE
Bamako, 17 janv (AMAP) Sur les grandes artères de la capitale malienne, Bamako, il n’est pas rare de se retrouver nez-à-nez avec des animaux errants et qui sont, parfois, à l’origine d’accidents. Le phénomène semble franchir les âges.
Malgré les efforts consentis, on peut aisément constater dans les rues et sur les grandes artères de la capitale, notamment sur le Boulevard de l’indépendance, des bêtes allant dans tous les sens.
Diadouba Kouyaté, chef d’antenne de la Direction urbaine du bon ordre et de la protection de l’environnement (DUBOPE) en Commune III du District de Bamako, s’indigne. Il explique qu’on retrouve aussi facilement les animaux en divagation sur l’avenue Kassé Keïta et la voie qui relie l’échangeur en face de l’ex-cinéma-Babemba au Groupement mobile de sécurité (GMS). Il en appelle à l’implication de tous pour circonscrire le fléau dans la capitale.
Les spécialistes admettent qu’un animal est en divagation lorsqu’il se trouve hors de la propriété de son maître ou de celui qui en a la responsable ou lorsqu’il est hors de la surveillance, du contrôle ou de la direction de ceux-ci.
Pourtant, il y a des dispositions pénales contre la divagation des animaux. Le paragraphe 9 du Code pénal malien en vigueur, notamment l’article 317 stipule : «quiconque aura lâché dans la nature ou dans une agglomération des animaux domestiques sans emprise effective, les prédisposant par ce seul fait à causer des dégâts à autrui ou à gêner la circulation sur les voies publiques, sera puni de onze jours à six mois d’emprisonnement et d’une amende de 20.000 à 1.000.000 Fcfa». Son second alinéa ajiute que «lorsque les animaux errants auront causé des dégâts à autrui ou au domaine public, il sera fait application des peines prévues à l’article précédent».
Les textes précisent, aussi, que le propriétaire d’un animal ou celui qui s’en sert pendant qu’il est à son usage, est le responsable du dommage que l’animal pourrait causer. Et quant aux maires, ils sont habilités à intervenir afin de mettre fin à la divagation des animaux au titre de leur pouvoir de police générale.
Au-delà des textes et des récriminations de nos compatriotes qui n’apprécient guère la déambulation des animaux sur la voie publique, leurs maîtres semblent en n’avoir cure.
Pour le maire de la Commune IV du District de Bamako, Adama Bérété, la divagation des animaux à Bamako est interdite par la loi. Il propose l’alternative de disposer de fourrières pour les animaux au niveau des collectivités. Ainsi, les municipalités peuvent opérer des saisies et garder les bêtes en lieu sûr.
Pour le cas précis de sa circonscription, l’édile confirme l’existence d’un site exigu qui ne peut pas contenir assez d’animaux. «Les animaux que nous saisissons sont envoyés au niveau du tribunal qui, en dernier ressort, se prononce sur le sort à leur réserver. A titre d’exemple, « c’est le tribunal qui décide si ces animaux doivent être vendus aux enchères dans les cas où les propriétaires ne sont pas connus. Le cas échéant, ceux-ci paient des taxes municipales soit par tête, soit pour l’ensemble des animaux raflés », précise le maire Adama Bérété. Il cite l’exemple des ânes qu’utilisent les Groupements d’intérêt économique (GIE) pour le ramassage des ordures et qui errent sur les grandes artères de la ville.
Ces bêtes peuvent être à l’origine d’accidents de la voie publique. C’est pourquoi, la mairie organise des rafles sporadiques de ces animaux. «On est obligé de conduire les ânes raflés au jardin zoologique. Des fois, on rafle des troupeaux de bœufs au niveau du Point Y à Sébénikoro, une route dont les deux ramifications conduisent respectivement à Siby et Kangaba. Nous gardons ces animaux pendant un délai. Si leurs propriétaires ne se présentent pas pour payer les amendes, les bêtes sont envoyées au niveau du tribunal», explique le maire de la Commune IV.
RAFLES HEBDOMADAIRES – Adama Bérété explique que la municipalité manque de fourrière adéquate et de ressources logistiques pour mener à bien la lutte contre la divagation des animaux. «Il est interdit de traverser la ville à pied avec les animaux. Il faut plutôt les mettre dans des camions ou remorques pour les conduire à la fourrière. Le véhicule de transport ont nous disposons actuellement est petit et ne peut contenir au maximum que trois ânes», souligne-t-il. Et d’ajouter qu’il faut des véhicules appropriés et des agents pour rafler les animaux. « Malgré l’insuffisance des moyens, affirme-t-il, la mairie de la Commune IV a programmé des rafles hebdomadaires. »
Quant à Diadouba Kouyaté de la mairie de la Commune III, il explique qu’au niveau de sa circonscription, des rafles sont faites au moins deux fois par semaine en compagnie d’une équipe de la mairie centrale du District de Bamako. Les agents sillonnent toute la commune et les saisies peuvent se chiffrer au moins à trois animaux raflés par sortie. «Un moment, on les acheminait vers le parc zoologique, mais cela est contraire à la loi. Faute de fourrière dans notre commune, on était obligé de les conduire à celle de la Commune I et commune IV. Souvent, on loue des véhicules pour les transporter», dit-il. Avant de proposer que le gouvernement les accompagne à recruter des agents qui vont s’occuper uniquement de la divagation des animaux.
En ce qui concerne la divagation des ânes, le chef d’antenne de la DUBOPE pointe du doigt certains éboueurs et GIE. Il les accuse d’être responsables de la situation. «Lorsqu’ils finissent d’utiliser les ânes, au lieu de les nourrir, ils les laissent divaguer librement à la recherche de nourritures. Quelques fois, on rencontre des moutons, mais ce n’est pas fréquent», laisse-t-il entendre. Et de signaler que sa commune rencontre beaucoup de difficultés liées à l’absence de moyens logistiques appropriés.
Il indique qu’à la suite des saisies d’animaux, certains propriétaires viennent s’acquitter des taxes pour la libération de leurs bêtes. Par contre, d’autres viennent se confondre en excuse. Ceux-ci essaient d’obtenir qu’on relâche leurs animaux sans payer les amendes.
Le chef d’antenne de la DUBOPE précise que la Commune III rafle une quinzaine de bêtes par mois.
Abdrahamane Doh, éleveur à Lafiabougou, il explique ne pas faire partie du lot de propriétaires qui laissent leurs animaux en divagation. «Mes animaux n’ont jamais été raflés par les agents de la mairie. Parce que j’y tiens comme à la prunelle de mes yeux. Autrement dit, je prends soin de mes animaux, conformément à la lettre et à l’esprit des textes en la matière. Mes animaux sont un trésor et je dépense énormément pour les entretenir», souligne l’éleveur. Pour lui, il est difficile de dépenser de l’argent dans un bien et ne pas en prendre grand soin.
SST/MD (AMAP)