Diéma : Le « Larou »  ou « Kourouba » le plat pour malades en voie de disparition

Par Ouka BA

Diéma, 22 juillet (AMAP) Dans la zone de Diéma, (Ouest), il existe, depuis la nuit des temps, un aliment devenu si rare qu’il est sur le point de disparaitre. « Larou »  ou « Kourouba », le nom varie selon les milieux. Avant, ce met était consommé dans différentes contrées. Le « Larou » est fait à base de brisures de mil alors que le  « Kourouba », se prépare avec du riz. Chez les peulhs, après le couscous sec mélangé au lait, un compagnon fidèle, c’est le « Larou » qui prévaut en matière d’alimentation.

On donne le « Larou » ou « Kourouba » au malade atteint de fièvre engendrée par le rhume, pour  lui redonner de l’appétit, car la bouche du patient devient, en ce moment, fade et amer et repousse tous les plats même ceux préparés avec les meilleurs ingrédients du monde. C’est pourquoi le « Larou » ou « Kourouba » est considéré comme un aliment pour les malades. On n’a pas besoin de la mastiquer, tellement la substance est ramollie.

De plus, sa préparation ne nécessite pas assez de condiments. Si de nombreuses femmes choisissent ce met, c’est parce que sa cuisson est rapide et fait gagner du temps à la ménagère. Le jour où la femme est trop occupée, soit par la lessive ou autres travaux domestiques ou même en cas de pluie, elle prépare vite son « Kourouba », vaque à ses occupations ou se repose avant l’heure du repas. Malheureusement de nos jours, beaucoup d’enfants détestent le « Larou » ou  « Kourouba » que certains qualifient même de nourriture des pauvres.

GOUTS ET EDUCATION – En réalité, personne ne connaît, véritablement, le goût de ces garnements, même leurs parents qui les ont mis au monde. Ils détestent tous les plats dont les anciens raffolent, comme le couscous, de la brisure de mil (Gnégnékini), le tô, le laga (qui consiste à trouiller le milieu du tô ou du « Gnégnékini » pour y verser du lait caillé avec du sucre), qui, comme laissent entendre certains, donnent  la « Baraka » à qui le consomme et lui garantit une bonne santé.

« Mon garçon refuse le ‘Kourouba’ », s’indigne Ba Oumou. « Chaque fois qu’on en prépare à la maison, poursuit la dame,  je suis obligée de quémander du riz chez les voisins. Lorsque j’en reviens bredouille, mon fils se met à pleurnicher comme un hibou ».

Mohamed, lui, est friand du « Kourouba ». Il disait un jour devant ses camarades, qu’il est capable de manger la ration de trois personnes, surtout si le « Kourouba » est malaxé avec du gombo. « Seuls des coups de fouet, dit-il, peuvent me faire lever du plat ». Si Boubacar amène ses amis à la maison, et trouve qu’on a préparé du « Kourouba »,  il use de tous les moyens pour les faire partir, avant l’heure du repas. Il développe un complexe devant cette « nourriture de pauvres ».

Counady, la griotte, conseille sagement aux enfants de s’habituer à manger tout ce qu’ils trouvent, ainsi le jour où ils quitteront leurs parents, ils n’auront pas de problèmes. « Mais, renchérit-t-elle, tout est une question d’éducation. Si l’enfant est bien éduqué, c’est rare qu’il refuse une nourriture, même si c’est du son de mil ». Dembély, lui, soutient que le ventre ne refuse jamais un aliment et que seule la langue est difficile.

Mody, aime le « Larou ». Ce vieil homme édenté, en mange quotidiennement. « Mes intestins sont devenus comme des chiffons, ils ne supportent plus des aliments lourds. C’est le « Larou » qui me fait du bien », dit-il.

Mme Tounkara Ramata Kanté, loue les qualités du « Larou ». Selon notre interlocutrice, la consommation du « Larou » permet de redonner de l’appétit au malade atteint de fièvre liée au rhume. « Mais, déplore-t-elle, beaucoup d’enfants n’aiment par cet aliment, ce qui n’est pas le cas avec mes enfants. Tout ce qu’on prépare à la maison, ils le mangent. Pour la préparation du « Larou », Mme Tounkara conseille, surtout, l’utilisation du poisson fumé, « pour, dit-elle, donner au plat, un goût plus délicieux ». Même son de cloche chez Adama Diallo. Il déclare, fièrement, que le « Kourouba », est son met préféré. Chaque jour, en dehors du repas commun, on lui garde sa tasse de « Kourouba » à côté.

RECETTE CULINAIRE – Pour préparer le « Larou », explique une femme sous couvert d’anonymat, on pose la marmite sur le feu. On y verse de l’eau. On met directement les condiments (soumbala, cube alimentaire, sel, feuilles d’oseille blanche broyées, avec une infime quantité d’huile ». Après ébullition, on y ajoute de l’oignon ou ses feuilles découpés, du poisson fumé réduit en morceaux, quelque fois de la viande. On met ensuite la poudre d’arachide et on referme la marmite. On lave proprement le riz, s’il s’agit de faire du « Kourouba » et on le verse dans le contenu. On utilise la brisure de mil pour le « Larou ». Au bout de quelques minutes, le repas est déjà prêt.

« Pour la préparation de la brisure de mil, il n’y a pas trop de problèmes. Par contre, avec le riz, il faut le débarrasser de ses téguments, des petits grains de sable. Sinon, au moment du repas, on sent des grincements sous les dents », intervient Mariam. Ce contact grinçant faisait tressaillir cet homme, chaque fois qu’il retrouvait sous sa dent des grains de sable. Alors, il maudissait, plusieurs fois, la ménagère.

OB/MD (AMAP)