
On fait un trou au milieu du « tô » pour y verser du lait caillé sucré. Ainsi, l’aliment est prêt à être consommé
Par Ouka BA
Diéma, 07 mai (AMAP) Il en est des habitudes alimentaires et culinaires comme des individus, leur culture et leurs milieux. Les recettes sont aussi variées que diverses mais, surtout, sont sujettes à des influences, Ainsi, l’art culinaire se modernise de plus en plus, car soumis, en grande partie, aux divers courants et influences venus de partout. Demandez aux enfants d’aujourd’hui s’ils connaissent l’existence de certains mets traditionnels maliens ! S’ils les connaissent, ils s’en détournent. C’est le sort qui est réservé au « laga », dans la zone de Diéma, dans l’Ouest du Mali.
Par contre, beaucoup de nos enfants raffolent des aliments modernes appelés « toubabou doumouni » (nourriture de Blancs), sous forme de frites, de petits pois ramolli, de salade avec concombres, de pâtes alimentaires (macaroni), de brochettes de viande, de sandwichs, chawarma, tacos, hamburgers, omelettes. Bref, tous ces mets supposés bons avec de délicieux ingrédients.
Certains lient la bonne santé de nos grands-parents aux aliments qu’ils consommaient et faisaient d’eux des modèles de conservation physique et de résistance. Les tenants de cette thèse citent le « gnégnékini » un plat de brisure de mil et le « tô », (de pâte de mil), simplement sans sauce tomate, ainsi que le couscous préparé avec peu de condiments. A ceux-ci, il faut ajouter le « laga », une sorte de bouillie fait généralement à base de farine de mil. Après cuisson, on met le « tô » dans une tasse pour le refroidir. A l’aide d’une louche, on fait un trou au milieu du « tô » pour y verser du lait caillé sucré. Ainsi, l’aliment est prêt à être consommé.
Seyba Traoré, boulanger de son état, nous dit que dans sa famille, s’il veut manger du « laga », il demande à sa femme de le préparer à part. « En dehors du repas commun, car tous mes enfants détestent ce met sauf l’aîné qui mange tout ce qu’on lui donne », dit-il. « Je l’ai entendu, un jour, dire à ses frères qu’ils ne resteront pas éternellement à côté des parents. Et qu’ils ont donc intérêt à s’adapter à certaines conditions de vie », se souvient Traoré. « Le jour où vous irez ailleurs, vous risquez de mourir de faim à cause de vos choix compliqués en alimentation », a assené le grand frère à ses cadets.
Selon Gaoussou Coulibaly, vendeur de chaussures de seconde main, le « laga » vous évite la constipation. « J’en mange régulièrement, car j’ai peur de la constipation. C’est cette sale maladie qui a tué mon père, victime d’occlusion intestinale ». Et d’expliquer doctement que le « laga » « est fait de céréales et de lait, deux éléments nutritifs qui facilitent la digestion. »
« J’adore le « laga », mais je n’apprécie pas la façon dont on le mange. Tout le monde plonge sa main dans le même plat. Surtout, si on partage le plat avec des enfants, c’est de la saleté qu’on avale. C’est pourquoi, je préfère manger souvent seul ce genre d’aliment », renchérit Elimane Dicko, ancien migrant résidant à Garamboubou.
« C’est à cause de la rareté du lait, cette année que je ne mange pas régulièrement le « laga ». Les vaches ne produisent plus assez de lait à cause de la sècheresse qui prévaut cette année », déclare cet éleveur croisé en chemin.
Bakary Doumbia, tâcheron soutient : « Le prix du sucre a atteint des sommets. Or pour la préparation du « laga », il faut suffisamment de sucre. Quand on veut préparer le « laga » dans notre famille, il faut au moins deux kilos de sucre, sans compter la quantité de lait à y associer », dit-il. Ses enfants « mangent le ‘laga’ avec gourmandise.»
Quant à Ousmane Sow, il préfère le « laga » préparé avec du lait cru de vache. « C’est un met consistant. Il donne la force. Quand on s’en gave le matin, on passe toute la journée à boire de l’eau » dit-il.
Sékou Dibassy, gérant de station-services, soutient qu’aujourd’hui, le « laga » n’existe que de nom. « Cet aliment est préparé rarement dans les familles. Quand on était encore enfant, si mes frères et moi avions envie de ‘laga’, on se rendait chez notre grand-mère. « Le ‘laga’ est un bon laxatif. Il nettoie le ventre », dit l’homme, sûr de ses dires.
Selon Mamadou Morifing Kéita, que nous avons trouvé dans son bureau, certains aliments traditionnels, bien que rejetés par de nombreux enfants, aujourd’hui, jouent un rôle important dans l’amélioration de la santé humaine. « Il faut que les enfants sachent que ces aliments qu’ils repoussent ne sont pas faits uniquement pour une catégorie de personnes, ils conviennent à tous, mais tout est une question de goût », professe-t-il.
Selon lui, il est temps que les parents sensibilisent davantage leur progéniture afin que les enfants acceptent certains de nos aliments. « On doit préparer des aliments traditionnels dans les familles, même si ce n’est pas de façon régulière, afin que les enfants, dans leur majorité, y prennent goût », estime M. Kéita. Il propose d’améliorer nos plats traditionnels afin de les adapter aux réalités de notre époque.
OB/MD (AMAP)