Par Ouka BA
Diéma, 01 fév (AMAP) Le quartier Razel, zone commerciale de la ville de Diéma, doit son nom à l’entreprise de BTP qui a effectué les travaux du tronçon Diéma-Sandaré, sur la route de Kayes, dans l’Ouest du Mali. Le quartier est situé à l’intersection des routes Bamako-Diéma-Nouakchott et Diéma-Kayes-Dakar.
A l’absence de taxis et de transports en commun, du genre Sotrama, ce sont des mototaxis qui assurent, quotidiennement, la liaison entre le Razel et les quartiers à l’intérieur de la ville, distant de plus d’un kilomètre.
Dans cette partie nord de la ville, il existe des boutiques, des magasins, des logements sociaux, des stations-services, le Centre de santé de référence (CSRéf), des bars, des restaurants, des compagnies de transport, des pharmacies privées, la nouvelle gare routière, le marché à bétail, la centrale hydro-électrique, ainsi que plusieurs autres services. C’est là que se trouve le site du futur aéroport.
Malgré la situation sanitaire qui prévaut actuellement au Mali, l’ambiance au Razel reste festive. De jour comme de nuit, des gens déambulent, certains, sans destinations précises.
Avec la réalisation de différents corridors de transport, on peut affirmer aujourd’hui, sans risque de se tromper, que le Cercle de Diéma est un important centre pour le désenclavement. La route, selon les spécialistes, est cruciale pour le développement, car elle permet de renforcer les échanges commerciaux, d’attirer des investisseurs et, surtout, de favoriser le brassage des populations. Comme le soutient Hady Coulibaly, géographe. Pour lui, « Sans route, aucun développement digne de ce nom n’est envisageable. « Si certains disent : sans eau, pas de vie. Moi, je dirais plutôt, sans route, pas de vie », renchérit l’homme.
Plusieurs gros porteurs, en provenance de Dakar, passent la nuit à Diéma avant de rallier Bamako avec leurs cargaisons de marchandises. On dénombre des dizaines de gros porteurs qui obstruent la voie, rendant difficile la circulation. En se rendant dans son champ, sur sa bicyclette, Bouné Keita peine souvent à se frayer un chemin entre des véhicules stationnés dans le désordre.
Au Razel, tout coûte cher. Un article à 500 Fcfa en ville, ici, fait le double du prix. « C’est à prendre ou à laisser », s’emporte Mariétou, répondant à un client qui l’a traitée de « téfé » (personne qui cherche à réaliser de grande marges sur ses marchandises). La pomme cannelle importée du Maroc, n’est pas à la portée de tous, de même que les légumes. Selon certains, cette cherté s’explique par le coût du fret que certains commerçants répercutent, selon leurs humeurs, sur le prix de leurs marchandises. Le prix est ainsi à la tête du client. Surtout si celui-ci est un étranger, il hérite d’un prix exorbitant.
Au Razel, chacun trouve son compte, Commerçants, entremetteurs, transporteurs, soudeurs, vulcanisateurs, mécaniciens, réparateurs de motos, marchands de bétail, gargotières, vendeurs de café, de thé, vendeuses de « dégué », vendeurs de viande grillée, petits cireurs, tenanciers de débits de boissons, locatrices de chambres de passe, etc.
Les mendiants, aussi, gagnent leur pitance. Deux d’entre eux en sont venus aux mains, un jour, pour un billet de banque qu’un généreux passager leur a jeté, en montant dans le bus. Leurs petits camarades ont accouru. Chacun voulait s’accaparer du billet. Ils se tiraillaient. Il a fallu que le donateur les départage.
Les malades mentaux ne meurent pas de faim au Razel. Ha ! Tout sauf ça. Ils trouvent de quoi se régaler avec des restes d’aliments qu’ils ramassent ou reçoivent de personnes de bonne volonté.
Souleymane Cissé, dit Haoussa numéro 1, qui tient une dibiterie au Razel, exerce son métier depuis 2003. Ce père de 8 enfants se plaint de la cherté des moutons qu’il abat quotidiennement. Il parcourt des kilomètres pour se rendre à la foire hebdomadaire de Fassoudébé pour acheter ses moutons. A l’en croire, il s’acquitte régulièrement de ses taxes d’abattage.
Peu de clients se dirigent vers la dibiterie de Bourama Diarra. Des fois, il est désœuvré, « Chacun a sa chance », se résigne-t-il. Il préfère abattre des brebis, car, d’après lui, elles ont plus de chair et coûtent moins chères. « Aujourd’hui, je n’ai rien trouvé à égorger », regrette-t-il, devant son thé sur un fourneau qu’il surveille.
Yacouba Sanogo, conducteur de mototaxi égrène quelques difficultés de son métier. Premièrement, la cherté de la vignette. Pour un engin de 2m de long, il faut une vignette de 47 500 Fcfa. La vignette de celui d’une longueur de 1m 70 cm, fait 32 000 Fcfa. Deuxièmement, le prix de la course. Pour faire déplacer spécialement une mototaxi, de la ville au Razel, et inversement, on prenait 1.000 Fcfa avec les clients. Actuellement, beaucoup n’acceptent plus ce tarif », dit-il, en prenant place sur son engin amorti. Lorsque les travaux de la nouvelle gare routière seront terminés, Yacouba Sanogo et ses collaborateurs espèrent obtenir une place pour le stationnement de leurs engins.
Cet autre conducteur, Oumar Konaté, se plaint de la multiplicité des motos taxis, qui amenuise ses recettes journalières. « Sinon, dit-il avec insistance, je pourrais gagner plus que ces maigres sous que j’ai en ce moment ».
Karamoko Coulibaly, routier, explique qu’à cause de l’état calamiteux de la route, entre Kayes et Dièma, beaucoup de conducteurs préfèrent passer la nuit ici pour se reposer et reprendre des forces. Sur ces mots, l’homme reprend son long et pénible trajet.
Une tasse de café, sans pain, chez Adama Traoré, coûte 200 Fcfa. Sa « cafétéria » lui rapportait une recette assez correcte. Mais, avec la pandémie du coronavirus, ses clients se font rares.
Makan Dicko, propriétaire de dépôt de boissons au Razel, se frotte les mains. Il peut vendre par jour 80.000 à 100.000 Fcfa. Beaucoup de gens y viennent passer commande. La boisson en canette de 12 unités coûte 7.000 Fcfa, alors que la douzaine en bouteille est vendue à 2.000 Fcfa.
Le restaurant de Bavieux Koumaré est bondé de clients. Lorsque les passagers des différents bus débarquent, c’est l’affluence. Ces cinq employés sont débordés. A ce rythme, il compte augmenter le nombre de serveurs.
Seydina Diop est routier. Il dit éviter d’acheter de la viande grillée des rôtisseries (Dibissogo), en cours de voyage, « pour ne pas, explique-t-il, avoir des problèmes de digestion ».
Baye Fall, lui, raffole de riz au gras, même si ce n’est pas du « thiep dieun », célèbre riz au poisson sénégalais », dit-il, en mettant de l’eau dans le radiateur de son véhicule. S’il arrive au Razel, à n’importe quelle heure de la nuit, il fait le tour des gargotes pour retrouver son met préféré.
Samba Sylla ne met plus du sucre dans tout le thé qu’il prépare, depuis qu’un passager lui a fait des reproches. « Certains sont diabétiques, il faut en tenir compte », a dit l’inconnu.
Tant qu’il trouve des passagers à orienter vers des compagnies de transport, Halidou N’Diaye, ‘coxeur’ (rabatteur) ne manque jamais de prix de condiments, sa dépense quotidienne pour faire bouillir la marmite chez lui.
OB/MD (AMAP)