La situation est difficile, surtout dans une, Diéma,  où l’élevage demeure la deuxième activité économique

Par Ouka BAH

Diéma, 28 fév (AMAP) Dans le cercle de Diéma, (Ouest) l’herbe est devenue si rare et coûte si cher qu’une charretée est vendue à 7 500 voire 10 000 Fcfa, alors que pour un chargement de tricycle, il faut débourser jusqu’à 25 000 Fcfa !  Jamais, de mémoire de doyen, le prix de l’herbe n’a atteint de tels sommets. Une situation difficile, surtout dans une localité de Diéma  où l’élevage demeure la deuxième activité économique.

Selon les constats, la cherté de l’herbe est surtout liée au déficit pluviométrique enregistré durant cette campagne agricole. Cela a influé négativement sur le couvert végétal. Il faut ajouter, également, l’action destructive des feux de brousse, provoqués souvent de façon volontaire, l’arrivée progressive des transhumants de pays voisins, en quête de pâturages, ainsi que l’exploitation abusive des réserves  d’herbe par des transporteurs de Nioro qui viennent incessamment, charger leurs véhicules.

Ici, tout le monde s’accorde à dire, sans que cela soit vérifiable, que des personnes malintentionnées ont provoqué des feux commandités par certains marchands de tourteaux, afin que leurs stocks soient vite écoulés et qu’ils  puisent en tirer d’importants bénéfices. A propos, Fodé Doumbia, un bricoleur, dit avoir quitté Torodo, récemment. « Sur ce tronçon, tout est calciné, il n’existe aucune surface d’herbacée. Du côté de Kana, en allant vers le Baoulé, de grandes superficies ont été ravagées par le feu », décrit-il. « Certains marchands de tourteaux poussent des individus à mettre le feu aux herbes. Ils se disent que s’il n’y a plus d’herbe, les éleveurs n’auront pas le choix : ils seront obligés de se  tourner vers eux », accuse notre interlocuteur. 

Des mégots de cigarettes jetés, par incivisme aux bords des routes, par certains voyageurs, provoquent des feux de brousse souvent difficile à maîtriser.

FEUX CRIMINELS –  A  Farabougou, selon le directeur technique du Centre de santé communautaire (CSCOM), Bourama Samaké, une charrette  d’herbe coûte 2 500 Fcfa. « Je n’ai pas vu de mes yeux, mais beaucoup de personnes rapportent que des marchands de tourteaux paient des gens pour mettre le feu aux herbes. Si cela est vrai, ce n’est pas une bonne chose », dit-il, invitant les auteurs présumés à arrêter ce genre de pratique. L’agent de santé a un travailleur saisonnier pour le stockage de l’herbe sur ses pilotis.

Cette année est charnière pour les  éleveurs dans le Cercle de Diéma. Déjà, les pâturages ont complètement disparu. Pour avoir de  l’herbe, c’est la croix et la bannière. Il faut se lever au premier chant du coq et parcourir des dizaines de kilomètres. Dans le Baoulé, l’herbe foisonne mais, à cause de l’insécurité, rares sont ceux qui osent s’y aventurer.

Ainsi, avant l’arrêt  des pluies, certains éleveurs, les plus avertis, ont pris le soin de stocker de l’herbe,  sur les toits de leurs hangar, pour juguler d’éventuelles crises. Dans de nombreuses maisons, on voit des hangars géants dressés, de la hauteur de monticules.

Dramane Boiré est plasticien. Il salue les subventions accordées par le Gouvernement pour rendre plus accessible le tourteau. De 10 000 Fcfa pour le sac de 50 kg, le prix a été ramené à 8 500 F CFA. Dans les jours à venir, poursuit le plasticien, sur un ton monocorde, je sûr que ce montant sera revu à la baisse. C’est une bonne initiative de la part du Gouvernement, car elle permet de soulager bon nombre d’éleveurs qui peinent à entretenir leurs animaux surtout en cette période de crise d’herbe.

Moussa Djiré, maraîcher, dispose d’une bonne quantité d’herbe chez lui. Il explique que pour ramasser de l’herbe en brousse, le moyen le plus rapide, à défaut de véhicule, est un attelage avec un cheval. Il a engagé, spécialement, un manœuvre pour le ramassage de l’herbe.

EXCEPTION – Mamadou Camara, domicilié à Madina, village à équidistance entre Diéma et Diangounté Camara déclare qu’il n’y a pas de problème d’herbe dans sa localité. « Nos réserves d’herbe sont suffisantes pour couvrir tous nos besoins avant le prochain hivernage », dit avant d’expliquer que chez eux, « on ne connait pas de feux de brousse, du moins pour le moment ». 

« Nos pâturages sont abondants et le couvert végétal se porte à merveille. Néanmoins, par mesure de prudence, beaucoup d’éleveurs ont commencé à constituer des stocks d’herbe », ajoute-il.

Lakami Diaby se frotte les mains. Ce travailleur saisonnier effectue deux transports d’herbe par jour. Il vend une première charretée et garde la seconde sur le hangar de son patron.  « Avec mes économies, laisse entendre l’homme, je compte ouvrir une boutique et renoncer au travail des mines ».

« Un jour, j’ai suivi un ami qui partait couper de l’herbe. Mais lorsqu’il m’a fait savoir qu’il se rendait dans le Baoulé, j’ai rebroussé chemin pour prendre une autre direction », explique un travailleur saisonnier, en se tordant de rire.

Face à cette pénurie de pâturage, les éleveurs du Cercle de Diéma appellent les autorités nationales, pour une solution rapide  « avant qu’il ne soit trop tard ». Ils demandent ainsi d’assurer l’approvisionnement correct des éleveurs en tourteaux, faute de quoi, « tout le cheptel risquera d’être décimé cette année ». Selon eux, cette crise affecte dangereusement le monde de l’élevage dans cette bande sahélienne qui souffre, déjà, des séquelles d’une mauvaise pluviométrie.

OB/MD (AMAP)