Par Makan SISSOKO

Bamako, 4 sept (AMAP) Jeudi matin, Il est environ 9 heures. Au marché de Médine, en Commune II. En face du stade Modibo Keïta. Notre regard est agressé par un gigantesque dépôt de transit qui déborde d’ordures. Chargées de déchets, des charrettes tractées par des ânes forment une longue procession. Il n’y a aucune place pour décharger leur contenu. Arrêté au beau milieu de la route, un véhicule de l’entreprise Ozone s’apprête à transporter des tonnes d’ordures déversées sur les deux côtés de la chaussée pour fluidifier la circulation.

L’air est irrespirable à cause d’une odeur infecte. Certains usagers se bouchent le nez, pendant que d’autres regardent avec étonnement le « Kilimandjaro » de déchets qui envahit la route. Telle est, aujourd’hui, l’image que renvoie cet espace public de Bamako.

Depuis quelques semaines, le dépôt de transit de Médina-coura, situé en face du stade Modibo Keïta, déborde de déchets. Les Groupements d’intérêt économique (GIE) opérant en Commune II ont cessé toute activité de ramassage d’ordures. Au motif que le seul dépôt de transit principal de la Commune II n’est plus à mesure de recevoir les détritus compte tenu de son trop grand volume. Conséquence ? Le marché de Medina-Coura, communément appelé «Suguni Cura», est envahi par des tas d’immondices. Même les voies principales d’accès au marché ne sont pas épargnées. Marchands et passagers peinent à vaquer à leurs occupations, à cause de ces innombrables déchets qui barrent le passage.

Abdoulaye Diarra, revendeur de ticket du Pari mutuel urbain (PMU), est installé à côté du stade Modibo Keïta. Il parle d’un problème d’organisation dans la gestion du dépôt de transit. Selon lui, les charretiers y déversent anarchiquement les ordures et la société Ozone est incapable de les évacuer depuis un certain temps. «Aujourd’hui (Ndlr, jeudi), on s’estime heureux, car il y a moins d’ordures. Avant-hier (Ndlr, mercredi), les ordures avaient entièrement barré le passage. Ici, ordures et eaux usées se côtoient», se lamente notre interlocuteur.

C’est insupportable, selon lui. Impossible de s’asseoir dans la proximité, à cause des odeurs fétides. « Personne ne se sent à l’aise même les passants », peste le marchand. « Chaque année, nous assistons à la même scène. Nous demandons aux autorités de transférer le dépôt de transit en dehors du centre ville, car sans hygiène, il n’y a point de santé. », ajoute-t-il.

Mahamadou Diarra, membre de la coordination des Groupements d’intérêt économique (GIE) de la Commune II, indique que l’entreprise chargée de l’évacuation des ordures se plaint de l’absence d’espace pour les déverser. «Tous les espaces disponibles hors de la ville ont été cultivés. Parfois, les gens se disputent à cause de l’évacuation des déchets. La ville restera insalubre aussi longtemps que les autorités peineront à mettre en place un dépôt final devant accueillir les déchets», explique le responsable du GIE.

Il ajoute qu’en Commune II, actuellement, toutes les familles sont envahies par les déchets parce qu’il n’y a plus d’endroit pour déverser les détritus.

Toute chose qui complique la tâche des GIE dont la mission est, selon Mahamadou Diarra, « de débarrasser les familles des ordures pour ensuite les déposer sur la décharge de transit ». « En la matière, ajoute-t-il, celle de Médina-Coura reçoit les ordures provenant des Communes I et II du District de Bamako ». «Si Ozone n’arrive plus à évacuer rapidement les déchets qui nous envahissent, nous allons demander aux autres communes de garder leurs déchets chez elles. Ici, c’est un dépôt de transit et non un dépôt final», rappelle-t-il.

« La grande quantité de déchets dans les dépôts de transit formant parfois des montagnes dérange la population, car elle crée des pollutions et nuisances », reconnaît le conseiller principal de la direction générale d’Ozone Mali. Adama Koné fait remarquer que la Commune II ne dispose que d’un seul dépôt de transit. « Dans ces conditions, explique-t-il, il y aura forcément un engorgement parce que tout le monde converge vers la même destination. Et le technicien de rappeler que la ville de Bamako n’a pas de décharge finale.

«Quand nous enlevons les ordures des dépôts de transit et des centres de transfert, nous devons les acheminer vers une décharge finale. L’État a investi plusieurs milliards de Fcfa pour la construction d’une décharge finale à Noumoubougou (Commune de Tienfala, ndlr), mais elle n’est toujours pas opérationnelle pour des raisons techniques et sociales», regrette Adama Koné.

Pendant la saison sèche, les champs, les fermes et les anciennes carrières disponibles autour de Bamako servent de décharge finale pour Ozone Mali. «Pendant l’hivernage, les champs sont cultivés par leurs propriétaires. Il est impossible d’y déverser des déchets. On se demande alors où transporter les déchets après la collecte. Cela devient un problème énorme à Bamako», s’inquiète M. Koné qui espère que les autorités municipales trouveront une solution rapide à cette situation, au risque, dit-il, «de voir Bamako totalement envahie par les déchets».

Même les femmes qui travaillent dans les dépôts d’ordures se plaignent aujourd’hui de la situation de la décharge de «Suguni Cura». «Nous vivons des ordures que nous ramassons sur les dépôts pour ensuite les revendre au marché. Je fais la navette entre les dépôts de transit de Lafiabougou et de Médina-coura à la cherche d’objets récupérables. Actuellement, on ne déverse plus de nouveaux déchets parce que le dépôt est débordé. Cela ne nous arrange pas», déplore Assétou Fané que nous avons rencontrée sur place.

MS/MD (AMAP)