De Sikasso à Bamako, récit d’un périple de 6 heures en car

Par Aboubacar TRAORÉ

Bamako, 25 août (AMAP) A 11heures, le soleil brille de tout son éclat. Le ciel semble gorgé de pluie en cette période d’hivernage, lorsque nous arrivions, ce dimanche de juillet 2022, dans la cour d’une compagnie de transport, l’une des nombreuses sociétés de transport voyageur à la gare routière de Sikasso. La veille, nous y avions réservé notre ticket à 7 000 Fcfa pour le trajet Sikasso-Bamako. C’était 5 000 Fcfa avant la crise qui a fait grimper le prix des hydrocarbures sur le marché mondial.

Malgré l’assouplissement des mesures de prévention contre la Covid-19 par les autorités maliennes, quelques rares passagers portent toujours des masques. Une attitude qui rappelle les pires moments de la pandémie ayant secoué la planète  entière en 2020 et 2021.

Le départ du bus est annoncé pour midi. Le moteur de l’engin crache le feu depuis notre arrivée et la climatisation à l’intérieur est au point. Mais avant l’embarquement des passagers, on procède à l’enregistrement des bagages.

Pour gagner du temps, l’équipe de la billetterie procède à un contrôle  vérification physique à travers un appel. Le principe est simple : chaque passager donne le numéro de son billet au bagagiste qui le marque sur les bagages. Seul argument valable pour récupérer ses effets à l’arrivée.

Comme tout le monde, nous nous plions à l’exercice, de bonne grâce. On y aperçoit des sacs de pommes de terre, patates, igname, banane plantain (Aloco), du souchet, d’agrumes d’avocats, ananas, bananes, oranges, mangues, du gingembre, bref un peu de tout ce que la cité verte du Kénédougou peut offrir aux visiteurs en cette période de l’année.

À 12h 05mn, le car quitte la gare en direction du centre-ville que nous traverserons avec beaucoup de difficultés. La ville est en plein chantier. Un échangeur et ses voies d’accès, plus un viaduc sont en construction, nécessitant des déviations avec énormément de poussière à avaler pour les riverains. Néanmoins, une vingtaine de minutes suffiront à notre chauffeur pour traverser la ville par la Route nationale (RN-7) qui mène à la ville des «trois caïmans», Bamako, la capitale du Mali.

CHANSONS DU TERROIR –  Ha ! Qu’il est agréable de voyager sur ce trajet de 375 km en période d’hivernage : on contemple une végétation verte et luxuriante et autres merveilles de la nature. 

Après le poste de sortie de Sikasso, le spectacle commence avant de traverser les villages de Banankoroni, Kampiasso, Mpébougou, Farakala, Fantérila, Nkourala où les constructions en dur sont de plus en plus nombreuses. Même constat à Niéna, le village natal de Malamine Koné, promoteur de la marque Airness. Niéna est aussi connu pour être la capitale du cyclisme au Mali. Le chauffeur est obligé de ralentir pour ne pas écraser un âne en errance. Nous continuons notre chemin pour arriver à Koumantou, reconnaissable par les usines de la Compagnie malienne pour le développement des textiles (CMDT).

Après Koumantou et Koualé, nous atteignons Zantièbougou où une plaque annonce à gauche, la ville de Kolondièba, une sortie vers la Côte d’Ivoire sur une voie bitumée. Une demi-heure de route après, voilà le poste de péage de Bougouni. Le conducteur ralentit pour permettre à son apprenti d’aller payer le péage. Nous enjambons ensuite le fleuve Baoulé par son pont d’une centaine de mètres.

À l’intérieur du bus, les passagers sont bercés par la musique du terroir avec en vedette, celles de la diva du Wassoulou , Oumou Sangaré et de la reine du Didadi, Nahawa Doumbia. Difficile d’adopter une autre démarche si l’on sait que près de 90% des passagers sont des fils de la contrée. Soudain, une voix attire l’attention de tous, annonçant l’escale de la capitale du Banimonotié, Bougouni. «Nous arrivons à Bougouni. Vous avez droit à une pause de 5 minutes pour vous soulager et prier pour ceux qui le souhaitent. Mais, que tous ceux qui portent des effets personnels dans le car prennent le soin de descendre avec», explique Ayouba Traoré, le convoyeur du bus. Sans doute, une manière pour la Compagnie de décliner toute responsabilité en cas de perte. Le jeune convoyeur demande par la même occasion aux clients de sortir leurs pièces d’identité pour faciliter le contrôle au poste installé à l’entrée de Bougouni. Un poste réputé le plus difficile à franchir si l’on n’est pas en règle.

Après l’escale de Bougouni, nous reprenons la route. Le car se transforme en un restaurant ambulant où les odeurs de nourriture agressent les narines. Qu’à cela ne tienne. Pour 6 heures de route, il faut bien s’alimenter.

MANA ET L’ÉGLISE DU PASTEUR MICHEL SAMAKE – Nous apercevons ensuite Ouéléssébougou vers 16h 20mn après avoir dépassé Sido, Soulouba et Kéléya.  Et cinq minutes plus tard, nous sommes à Mana, village où le pasteur Michel Samaké a transféré son église, il y a plus de deux ans. Auparavant située au village de Tenkelé à une dizaine de kilomètres de Ouéléssébougou sur la route de Sélingué, le pasteur Samaké y a transféré son lieu de culte après des histoires avec la Mairie de la commune rurale qui a morcelé une partie du site abritant l’édifice religieux, nous a raconté un de ses fidèles. Au bord de la route, une grande plaque indique l’église qui se trouve à droite à une centaine de mètres. « Depuis son implantation à Mana, le visage du village a carrément changé avec de nombreuses constructions en dur », dit notre interlocuteur.

À 17 heures, nous arrivons à Dialakoroba, l’une des plus grandes bourgades sur la RN-7.  Au bout de 15 minutes, nous sommes au poste de péage et de pesage de Sanankoroba où il y a une longue file de voitures comme pour nous annoncer le début des embouteillages monstrueux de la capitale. « De nombreux véhicules dans cette file indienne reviennent de l’église du pasteur Michel Samaké », fait savoir un habitué de la localité. On y aperçoit des voitures de particuliers, des minibus de transport den commun « Sotrama », des taxis, des bus et même des gros camions. Entre Sanankoroba et Senou, la lumière du soleil filtre par les issues de secours et oblige les occupants du bus à tirer les rideaux pour se protéger des rayons solaires.

Nous traversons Banankoroni vers 17h 40mn, avant de tomber dans des embouteillages d’un dimanche après-midi. Notre car traverse Sénou à pas de caméléon. Le chauffeur fait tout pour éviter les conducteurs de moto-taxis (Telimani), en donnant parfois de grands coups de frein. Encore quelques coups de klaxon pour se frayer un chemin et Bamako nous ouvre enfin ses portes lorsque la pendule affichait exactement 18h 00mn.

Côté ambiance, un changement de ton dans la cabine du conducteur. La musique du terroir de la cité verte du Kénédougou fait place à un mélange de sonorités urbaines avec des chansons en vogue, comme celles de Prince Diallo. Des sonorités mélangées parfois aux pleurs des bébés sans doute émoussés par le trajet. Le chauffeur du bus éteint le moteur dans la cour de la compagnie de transport, à un jet de pierre du monument de la Tour de l’Afrique, non loin de la direction générale des Douanes. C’est la fin d’un voyage qui aura duré 6 tours d’horloge.

AT/MD (AMAP)