Les producteurs de pomme de terre font la grise mine en évoquant la cherté du prix de l’engrais et des semences

Par Mariam F. DIABATÉ

Sikasso, 02 mar (AMAP) Sikasso, la Cité verte du Kénédougou, dans le Sud du Mali, a bâti sa réputation autour de la culture de la pomme de terre, devenant ainsi un des plus importants bassins de production de ce tubercule très prisé par les consommateurs.

De plus en plus de producteurs de la Région de Sikasso s’intéressent à cette culture qui leur procure un revenu assez conséquent. Cependant, cet engouement est douché par les difficultés que connaissent plusieurs producteurs. Ils se plaignent de la cherté du prix du sac de semence et d’engrais.

«Cette année, tout est cher. Le prix du sac d’engrais minéral et de celui de semence a considérablement augmenté. De 23 000 Fcfa les années précédentes, le sac de semence est vendu à 25 000 Fcfa et celui d’engrais minéral NPK est passé de 15 000 Fcfa à 35 000 Fcfa», déplore Hamidou Ballo, producteur de pomme de terre. Il possède un champ de pomme de terre de trois hectares à Bamadougou et deux hectares à Zoumayéré (dans les faubourgs de Sikasso).

Hamidou Ballo vend ses tubercules au marché de Médine, les samedis. «En plus de Sikasso et de Bamako, mes clients viennent du Burkina Faso et de la Côte d’Ivoire. Je cède le sac de 25 kg à 6 250 Fcfa, celui de 50 kg à 12.500 Fcfa et le kilo à 250 Fcfa», précise-t-il.

Abondant dans le même sens, Madou Berthé, producteur à Zangaradougou, estime que la production de pomme de terre devient moins lucrative. «Faire face en même temps aux nombreuses dépenses engendrées par l’achat de l’engrais et de la semence et tirer le maximum de profit de sa production n’est pas du tout facile. On se contente du peu qu’on gagne», confie, désespéré, ce propriétaire de trois hectares de pomme de terre à Zianso. Il écoule ses tubercules au grand marché de Sikasso aux mêmes prix que Hamidou pendant les jours de foire (dimanche).

CHAOTIQUE – « La campagne de cette année a été chaotique pour moi. À cause du coût trop élevé de l’engrais minéral, je me suis approvisionné en engrais mélangé localement. J’ignorais que ce n’était pas de la bonne qualité. Ma production a chuté», explique un producteur de N’Gorodougou, Oumar Diamouténé. Il entend changer de stratégie l’année prochaine afin d’éviter l’erreur de cette année. « Malgré la conjoncture actuelle, je sollicite de l’État qu’il prenne des mesures pour réduire les prix de l’engrais et de la semence pomme de terre afin de nous permettre d’exercer notre métier », souhaite Diamouténé.

Un autre producteur signale son cas d’échec et de perte de récoltes dans la localité de Kafouziéla. Il aurait utilisé de l’engrais destiné à la culture de céréales en lieu et place du NPK conseillé pour la pomme de terre. Devant l’ampleur de la catastrophe, il dit avoir saisi la Direction régionale de l’agriculture (DRA) qui a prélevé des échantillons envoyés en laboratoire à Bamako pour analyses. Le résultat a révélé que l’engrais est de bonne qualité mais qu’il est inapproprié pour le tubercule. La pomme de terre a besoin, pour son cycle végétatif, de l’engrais NPK, alors que l’engrais destiné aux céréales contenait seulement de l’Azote (N), substance minérale qui ne convient pas aux tubercules.

Pour éviter ces déconvenues, le chef du bureau statistique, suivi-évaluation et communication à la DRA, Moussa Dembélé, invite les producteurs à s’informer auprès des agents en charge du contrôle phytosanitaire ou d’encadrement avant de prendre des décisions aux conséquences fâcheuses. M. Dembélé exhorte les producteurs à privilégier l’utilisation de la fumure organique parce que l’engrais minéral détériore la terre, même s’il permet d’obtenir de très gros tubercules, mais qui se conservent mal.

HAUSSE DES PRIX – De leur côté, les commerçants d’engrais minéraux (notamment le NPK) et de semences de pomme de terre soutiennent que la hausse des prix est due à la conjoncture actuelle et surtout à la crise ukrainienne. Ils affirment que cette flambée est survenue en 2021. «Auparavant, je cédais le sac de 50 kg du NPK à 25 000 Fcfa. Cette année, j’ai été obligé de le vendre entre 30 000 et 40 000 Fcfa pour pouvoir tirer mon épingle du jeu», se justifie Dramane Berthé, commerçant d’engrais au grand marché de Sikasso.

Pour sa part, Youssouf Sanogo, commerçant de semences de pomme de terre, précise que de 24 000 Fcfa en 2021, le sac de 25 kg est actuellement cédé aux producteurs entre 27 500 Fcfa et 40 000 Fcfa voire 50 000 Fcfa.

Pour cette année, les responsables de la DRA estime la production annuelle de la Région de Sikasso à plus de 135 000 tonnes. «Cette année, il est trop tôt de fournir des statistiques précises, car les récoltes sont en cours. Toutefois, les superficies réalisées sont de 6 823 hectares pour un objectif de 6 905 hectares, ce qui représente 98% de réalisations», révèle Moussa Dembélé.

Le président de la filière pomme de terre, Abdoul Karim Sanogo, soutient que le tubercule est d’une importance capitale car il contribue à l’autosuffisance alimentaire et nutritionnelle du pays. Toutefois, M. Sanogo, déplore la faible capacité de stockage de la chambre froide qui est de 3 000 tonnes contre une production annuelle de 300 000 tonnes.

La pomme de terre de Sikasso est vendue dans la sous-région, notamment en Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Togo, Ghana, Guinée, Niger, Mauritanie et Sénégal. Après les récoltes, les coopératives, les unions, les fédérations qui composent l’interprofession gardent de la pomme de terre dans la chambre froide afin de pouvoir l’écouler après la campagne. Les quantités produites dépassent de loin les capacités de stockage de la chambre froide.

Pour le développement de la filière, Abdoul Karim Sanogo sollicite l’accompagnement de l’État et des partenaires techniques et financiers pour la construction d’autres chambres froides et la subvention de l’engrais et des semences destinés à la pomme de terre.

MFD (AMAP)