Reportage
Oumar DIAKITE
Bamako, 2 avr (AMAP) Entrant et sortant de Bamako, les véhicules gros porteurs, hors normes et hors gabarit sont de véritables dangers pour les riverains de la voie, au quartier Samè, à l’entrée de la capitale malienne, sur la route du Sénégal. De la route endommagée, des murs et des maisons endommagés, de la mosquée détruite, aux poteaux électriques renversés…des pertes en vie humaine.
De longues files indiennes, des véhicules gros porteurs renversés, des accidents spectaculaires, des bouchons interminables…ainsi se résume le quotidien des usagers du tronçon Kati-Bamako via le quartier Samè, en commune III du District de Bamako. Les habitants du quartier ainsi que les usagers de la route souffrent le martyre, à cause des véhicules gros porteurs, hors norme et hors gabarit surchargés, en partance ou en provenance de Dakar dont le port sert, pour une large part, aux importations et exportations du Mali.
Les embouteillages, qui ne sont que le moindre mal, sont fréquents sur cette voie. Déjà, à partir de 22 heures c’est la croix et la bannière pour se frayer un chemin. Cette heure prévue pour le passage des véhicules gros porteurs est celle de tous les dangers sur le tronçon Kati-Bamako, en passant par Samè. Ce, souvent, jusqu’au lendemain à la mi-journée. Circuler au-delà de 22 heures sur ce chemin est encore plus dangereux pendant les week-ends.
Ce samedi du mois de février, il est 5h00 lorsque nous empruntons cette route pour participer au baptême du bébé d’un ami dans une mosquée à N’Tomikorobougou. De Samè à N’Tomikorobougou, moins de deux kilomètres, nous avons raté la prière de l’aube avant le baptême qui devrait suivre. La raison, un embouteillage bloquait le passage, même ceux qui circulent sur des engins à deux roues ne sont épargnés.
Au ‘Pied de la colline’ (un bar) à la descente, à gauche, lorsqu’on vient de Kati, un gros porteur s’est renversé avec tout son chargement déversé à même le bitume. Le capot du camion s’est retrouvé à l’autre côté de la vix. Ironie du sort, le camion grue du Groupement de la compagnie de la circulation routière, devenu du Groupement de maintien de sécurité (GMS) n’arrive pas à se défaire de l’engin lourd.
« Nous avons été alerté pour cet accident qui implique un gros porteur et un autre véhicule que nous avons déjà conduit à la fourrière… », tente de nous expliquer le sergent-chef Koné, cherchant une solution pour dégager la voie. Le charivari a duré jusqu’aux environs de 12 heures.
De nombreux autres véhicules hors gabarits, des bus de transport en commun à destination de Kayes, entre autres, sont immobilisés. La circulation bloquée, des usagers sont contraints de se frayer un chemin par la colline de Samè, en passant devant Wèrèda (parc à bétail) sur les hauteurs de N’Tomikorobougou, afin de rallier la ville.
ZONE HANTEE ! Du poste de contrôle des agents des eaux et forêts à l’entrée du quartier de Niomirambougou, plus de la moitié des habitations, des murs des riverains ont été refaits. Des camions terminent leur course ou se renversent sur des familles. La mosquée en construction à Samè, aux abords de la route, a plusieurs fois été endommagée. Le poteau électrique vers l’unique pharmacie du quartier, également, est fréquemment écrasé. Et le bitume, endommagé sous le poids de véhicules hors gabarits, de Samè à l’entrée de Niomirambougou, s’est gondolé.
« Heureusement, il n’y avait personne dans la chambre lorsque le camion s’est renversé sur la maison. Mais le fracas a provoqué une grande panique. Les propriétaires du véhicule, sans discuter, ont réparé les dégâts… », explique Hubert, chef de famille d’une des maisons démolies par des camions gros porteurs à Samè. Il ajoute que la mosquée, aussi, a été réparée par des transporteurs, à chaque fois qu’elle a subi des dégats causés par les camions-remorques. Tout comme les autres victimes qui ont été indemnisés.
Une autre scène s’est produite vers la fin du mois de février 2024, non loin du poste de contrôle des agents des eaux et forêt, à l’entame du quartier quand vous arrivez de Kati. Là, il y a eu perte en vie humaine.
Alors qu’un engin grue tentait de faire évacuer une remorque accidentée sur la route, le wagon est tombé sur un apprenti-chauffeur. Ce dernier, en train de régler la circulation, en faisant de grands signes aux usagers de s’arrêter, a été malheureusement surpris par le wagon décroché de la grue et s’est écrasé de tous son poids sur le malheureux garçon.
Des accidents avec perte de vie humaine causés par des véhicules hors gabarits sont fréquents sur cette zone à l’entrée de capitale malienne. Il y a quelques années, un habitant du quartier Koulouniko, en rentrant chez lui, est mort sous les roues d’un camion.
Selon les témoignages, c’est à la suite à l’éclatement d’un pneu de l’engin lourd que le jeune homme, en moto, aurait paniqué avant de se faire tuer par le même véhicule. Cette scène s’est déroulée entre les deux collines, un peu avant d’arriver au commissariat de police. en allant vers Samè.
Au cours du dernier trimestre de l’année dernière, un autre camion hors gabarit a tué un conducteur de taxi-moto et sa cliente, une dame. Le chauffeur du camion était de nationalité sénégalaise. Cet acte s’est passé devant le bar « Pied de colline » à la descente de la côte, nous disent des témoins. Et de nous rapporter les propos du chauffeur : « J’ai vu une dame en train de travers tenant dans ses bras son bébé. C’est en voulant les éviter que l’accident s’est produit ».
Pourtant, les témoins soutiennent qu’aucune personne ne traversait la route au moment de l’accident. Toutefois, ils révèlent que beaucoup de chauffeurs de nationalité sénégalaise ayant fait des accidents estiment que l’endroit est hanté.
Tout compte fait, aucun gros porteur vide n’a jamais eu d’accident sur le tronçon. La construction de cette route en 2×2 dont le projet a pris corps à partir de Kati serait du pain béni pour les habitants de Samè et les usagers de la voie.
Par ailleurs, les mesures prises par le gouvernement pour interdire, à compter du 1er avril prochain, la circulation sur le réseau routier national, des véhicules gros porteurs hors normes et hors gabarit, en surcharge, seront non seulement salutaires pour l’état des routes. Mais, aussi, elles contribueront à épargner des vies, en tout cas au niveau de Samè.
OD/MD (AMAP)