Cernage: Une solution pour la survie des arbres de karité

Par Maïmouna SOW

Bamako, 13 sept (AMAP) L’exploitation de karité passera du stade de survie au niveau d’opulence dans un avenir proche grâce à la technique du cernage. Elle consiste à tailler le tour du tronc l’arbre à 10 cm du sol, et à couper le gui du haut de karité avant qu’il ne fleurisse. Les agriculteurs de certaines zones sont décidés à renverser la tendance. Ainsi, 500 pieds d’arbres ont fait l’objet de cernage dans le village de Diorila. La même quantité est cernée à Kandian, localité située dans la Commune de Dialakoroba.

Sétou Doumbia est l’une des épouses de la famille Doumbia. Elle est la seule femme du village de Diorila à suivre une formation de cernage. Depuis lors, elle a mis cette technique en œuvre sur tous les karités de la forêt et ceux qui ont poussé dans le champ familial. Mais elle a pris soin d’ajouter sa marque. Dans les différents villages de la commune, Sétou est heureuse de partager son savoir. Mariée et mère de 5 enfants, cette mince dame de 40 ans jouit de l’estime de la population.

Ce matin, elle nous accueille, dans sa cour, souriante et entourée de ses voisins. Elle exprime sa satisfaction et sa reconnaissance aux formateurs. « Moi, je suis fière d’être la voix de l’espoir dans ma communauté. Depuis quelques mois, nous avons commencé à pratiquer la technique du cernage, après un jour de formation. Aujourd’hui, tous les arbres de karité concernés ont fleuri comme jamais. C’est notre première fois de pratiquer cette méthode. Le résultat est spectaculaire », dit-elle.

La transformation du karité est une activité pénible. Le rendement est faible. Surtout pour les femmes qui n’ont pas d’autres sources de revenu et qui doivent vivre de leur production. Notre interlocutrice travaille en collaboration avec quatre autres épouses de la maison. Cette union fait augmenter leur profit tiré de cette activité pour assurer la popote.

D’après les explications de Sétou, le village produit deux qualités de beurre. La première est préparée avec les fruits frais ramassés dans les champs et dans la forêt, pendant la saison pluvieuse. Les fruits sont consommés et la noix séchée. Les écales seront conservées dans un environnement sain. L’étape de la production débute après la saison. Les intempéries ne détérioreront pas le produit, surtout que la première qualité est fabriquée avec cet extrait.

La seconde qualité n’a pas besoin d’autant de soin. Les noix sont ramassées dans la forêt, après la saison des pluies. Ils sont séchés, pilés et subissent la procédure de transformation en beurre qui sera vendue sur nos marchés.

Sétou précise que l’exploitation du karité s’étend sur toute l’année. La collecte et la production couvrent la saison des pluies. La vente est organisée après l’hivernage. Le travail dure toute la semaine pour un mince profit. Néanmoins, les villageoises se frottent les mains, après la vente d’une partie de leur récolte d’amandes à la coopérative Sinsibéré de Safi Bougoula.

Cette organisation dont elles sont membres achète à chacune de ses adhérentes 30 kg des meilleures amandes, à 150 Fcfa le kg. Notre interlocutrice garde jalousement son lot d’amandes dans un sac en plastique. Ce trésor est déposé dans un coin de la case qui sert de magasin. Les graines rapportent 4.500 Fcfa de profit.

En milieu rural, la richesse se mesure en terme de têtes de moutons, de chèvres, de vaches ou même de poulets. Sétou rêve d’entrer dans ce cercle. Mais c’est difficile d’économiser sur un bénéfice de moins de 5000 Fcfa par an. Les poules pourraient se multiplier. Elles pourraient assurer l’avenir des enfants. « Mais, je ne désespère pas. La technique du cernage fait fleurir le karité dans des proportions inimaginables. Nous oublierons vite ces années de souffrance », espère-t-elle.

Le cernage suscite l’espoir dans la Commune de Dialakoroba. « Aujourd’hui plus de 500 pieds d’arbre ont été traités », affirme Setou. La population de cette Commune a vite fait d’adopter la technique. Dans cette communauté dont les membres sont près du seuil pauvreté, cette innovation dans l’histoire de l’exploitation de karité est la bienvenue.

Les hommes comme les femmes attendent, avec beaucoup d’espoir une bonne récolte dans les mois à venir. Les villageois de Kandian ne disent pas le contraire. Kiatou Komakara est actrice de protection de l’environnement de la Commune et membre de la coopérative Sinsibéré. Elle a été formée à la technique de cernage des arbres de karité. Cette mère et les siennes ont accepté de nous conduire en forêt pour constater l’état prometteur des arbres.

Leur commentaire est sans appel : « vous avez vu comment ils fleurissent, même ceux qui ne donnaient pas de fruits, des années durant, ne font pas exception. Nous n’avons jamais été aussi rassurées dans l’exploitation de karité », assure la paysanne avec un large sourire aux lèvres.

Cette cinquantenaire n’a jamais exercé d’autres métiers que cultiver son champ et produire le beurre de karité. Elle ne cache pas sa satisfaction d’avoir adopté cette innovante technique de soin des arbres. Le karité donne des fruits une année sur deux. Certains peuvent rester deux ou quatre ans, sans donner de fruit. Ce rythme, constituait une menace pour la survie des arbres de karité dans l’avenir. La situation inquiétaitles exploitants du secteur.

Les trois communes voisines (Sanankoroba, Dialakoroba et Safi Bougoula) ont conjugué leurs efforts pour interdire la coupe de bois, la vente du charbon afin de préserver la nature. Le village de Kandian ne vit que de l’exploitation de karité et la culture de l’arachide.

L’organisation non gouvernementale (ONG) « Mali Folkecenter » est l’organisatrice de la formation de cernage. Cette ONG a pour mission de protéger l’environnement. En collaboration avec la population, « Mali Folkecenter » œuvre pour la protection de la forêt et lutte contre la déforestation. Aujourd’hui les populations de la Commune de Dialakoroba Sanakoroba et Safi Bougoula fondent beaucoup d’espoir pour l’avenir du karité dans ces zones.

MS/MD (AMAP)