Cantines scolaires au Mali : Concilier bienfaits éducatifs et soutenabilité financière

Par Amara Ben Yaya TRAORÉ

Bamako, 07 juin (AMAP) Les cantines scolaires offrent bien plus qu’un repas : elles sont un pilier de l’Education et du développement. Elles garantissent l’accès à l’école pour des millions d’élèves, tout en soutenant les communautés vulnérables.

Selon Sika Traoré, directrice du Centre national des cantines scolaires (CNCS), la baisse des financements menace ce programme vital, compromettant l’avenir scolaire de milliers d’enfants.

Pour des millions d’élèves maliens, l’école ne se limite pas à l’apprentissage : elle répond à des besoins essentiels. « Les cantines scolaires sont un moteur de développement, surtout dans un contexte de crises qui fragilisent nos populations », affirme Sika Traoré.

Dans un pays où la faim touche une large part de la population, ce programme agit comme une solution pour attirer à l’école les enfants, parfois contraints de parcourir de longues distances pour se rendre dans les salles de classe.

En 2024, les écoles soutenues par le Programme alimentaire mondial (PAM), partenaire clé du CNCS, affichent un taux de rétention scolaire de 98 %, un résultat remarquable malgré les conflits et la précarité. «Un repas à l’école permet aux enfants de se concentrer sur leurs études», explique la directrice.

Conçus pour répondre aux besoins nutritionnels, les menus renforcent la santé des élèves, améliorent leurs capacités cognitives et favorisent leur réussite scolaire.

Cependant, ce programme essentiel fait face à des obstacles majeurs. La crise économique mondiale réduit les contributions des partenaires internationaux, épuisant les ressources du CNCS. « Les financements, souvent par acteurs extérieurs, sont durement touchés par cette conjoncture », constate Sika Traoré. Des organisations comme le PAM et Catholic relief services (CRS) ont dû réduire le nombre d’élèves pris en charge, forçant l’État malien à compenser avec des moyens limités. À cela, s’ajoutent les conflits dans le Nord du Mali, qui provoquent des déplacements massifs et augmentent le nombre d’enfants dépendant des cantines. « Les besoins ont explosé, mais nos capacités sont débordées », déplore la directrice.

Au-delà de la nutrition, les cantines scolaires dynamisent l’économie locale. Avec le soutien du PAM et d’autres partenaires, le CNCS a développé des jardins et champs scolaires dans de nombreux villages. Ces initiatives génèrent des revenus, notamment pour les femmes, tout en produisant des légumes pour les repas. « Une partie des récoltes alimente les cantines, renforçant l’autonomie financière des femmes », explique Sika Traoré. Ces activités favorisent aussi la cohésion sociale : en travaillant ensemble, les femmes tissent des liens de solidarité. Dans certains villages, ces revenus alimentent des systèmes de micro finances communautaires, ouvrant la voie à une autonomisation économique durable.

PÉRENNISATION DU FINANCEMENT – Pour assurer la continuité du programme, le PAM finance une partie des cantines et soutient des formations pour renforcer les capacités locales. Mais la pérennité repose sur des ressources importantes.

Le CNCS estime le besoin à 17,3 millions de dollars pour maintenir les cantines et préserver leurs acquis. « Nous plaidons pour obtenir ces fonds, et le PAM a promis de nouveaux financements », déclare Sika Traoré, optimiste. L’État malien, qui gère 1 855 cantines de Kayes (Ouest) à Ménaka (Nord), une couverture sans équivalent, assume une part croissante des coûts. Pourtant, le retrait progressif de certains partenaires internationaux accentue la pression sur les finances publiques.

Face à ces défis, le CNCS parie sur l’autonomie des cantines, en encourageant les communautés à les gérer via des jardins scolaires. « Nous sensibilisons les populations pour qu’elles s’approprient ce programme, renforçant ainsi la souveraineté nationale », explique la directrice CNCS.

Cette approche prometteuse exige, toutefois, une forte mobilisation communautaire et un soutien technique constant, dans un contexte où les ressources humaines et financières restent limitées.

« Les cantines maintiennent les enfants en classe et leur offrent une chance de bâtir un avenir meilleur », argumente Sika Traoré. Pourtant, ces progrès restent fragiles. Sans financements suffisants, la faim et l’abandon scolaire risquent de s’aggraver, menaçant les avancées en matière d’éducation des populations les plus fragiles.

Face à ces enjeux, la directrice du CNCS lance un appel urgent à l’État afin de mobiliser des ressources pérennes, impliquer les communautés dans les initiatives locales, aux partenaires internationaux à fournir un soutien constant et aux parents et élèves à valoriser l’éducation rendue possible par ces repas.

ABT/MD (AMAP)