Ces lieux de restauration ou de pots de l’amitié ou our discuter affaires, permettent, aussi, à certains de décompresser après une dure journée de labeur

Par Oumar SANKARÉ

Bamako, 05 oct (AMAP) La capitale malienne, Bamako, est l’une des villes africaines qui connaît une urbanisation à une vitesse ahurissante. Cette agglomération est de façon permanente en chantier avec des immeubles. Ce boom urbain tient, sans doute, grâce à une classe moyenne de plus en plus ambitieuse, qui aspire à de meilleures conditions de vie. Le «parc» gastronomique n’est pas en marge de cette modernisation. Pâtisseries et restaurants modernes poussent comme des champignons. Et nos compatriotes et ressortissants étrangers se bousculent aux portillons de ces lieux de restauration pour savourer les spécialités maliennes, africaines voire d’ailleurs.

Il est 19h au restaurant «Chez Richard» à Bacodjicoroni Golf, en Commune V du district de Bamako. Cet endroit est le point de rencontre de jeunes ivoiriens vivant à Bamako, mais aussi de Maliens. «Très fréquemment, je viens ici pour savourer du Garba (Atièkè) qui est l’un de mes plats préférés», dit Mohamed Bengaly, 27 ans, ingénieur dans une entreprise de la place.  

Ce jour-là, la terrasse grouille de monde. Un groupe de jeunes à l’accent ivoirien y discutent. Ces derniers y viennent pour acheter du «garba», du «placali», du «donkounou» et autres. Tout autour, l’éclairage reflète sur le mobilier, luisant davantage le décor moderne. Une dizaine de tables de forme rectangulaire meuble le décor. Des jeunes mangent, en discutant ou en regardant la télévision. Un mach de football cristallise l’attention. Soudain silence total. Pénalty manqué pour le Bayern de Munich : des bruits fusent de partout.

Camara, le maître des lieux est un Ivoirien. «Nous sommes ouverts depuis 2019 et rencontrons un franc succès. Les clients sont Ivoiriens, Maliens et autres Africains», explique le gérant. «Chez Richard», les clients ont la possibilité de manger sur place ou de se faire livrer partout à Bamako.

Décor occidental – «Los turcos» est un restaurant turc sis à Badalabougou. À l’entrée, des voitures de diplomates (en tout cas les immatriculations sur fond vert l’indiquent). Après, une fouille méticuleuse pour raison de sécurité, nous voici à l’intérieur. L’ambiance est calme, le temps est doux. Des couples se dévorent du regard. Le décor, européen, laisse imager le type de clientèle qui fréquente le lieu.

Çà et là, des tables à deux places pour des tête-à-tête. Celles de quatre sont disposées sous un hangar. À droite, des espaces sont aménagés sur le gazon. La luminosité va du sombre à l’éclairé par endroit. Pape Konaté, médecin à Bamako, discute avec des amis venus du Ghana. «Je suis un habitué du coin. Nous prenons un pot après un tour de bateau», explique-t-il. «C’est ma première fois de fréquenter un restaurant turc. Ça me fait du tourisme culinaire», enchaine son camarade Ousmane Atimbila.

Ghanéen d’origine malienne, Mohamed Bocoum semble avoir des soucis avec le café turc qu’il vient de commander. «Je suis amateur de café, mais celui-ci passe difficilement. Je vais demander un jus», sourit-il. « Après trois ans hors du Mali, ajoute-t-il, c’est normal de faire le tour pour découvrir les nouveaux coins de la capitale. » Los Turcos est également fréquenté par des jeunes huppés de Bamako.

Nice Cream opère au Mali, au Sénégal et dans d’autres pays de l’Afrique de l’Ouest. Elle est la propriété d’une famille libanaise. Cette boulangerie-pâtisserie, située à l’ACI 2000, assure une vue panoramique sur la route à travers une baie vitrée. Des comptoirs vitrés longent le hall. Derrière eux sont exposés différents produits. Vêtu d’une chemise assortie au pantalon, Julien Tremblin, un jeune diplômé de commerce, en est le gérant. «La clientèle de Nice Cream est essentiellement familiale, malienne et étrangère. En cette période, il y a également beaucoup de vacanciers», explique Julien Tremblin.

Il propose différentes gammes de produits, du pain boulangerie avec des farines spéciales, viennoiserie (beurre, sucre et chocolat), pâtisserie (crème, caramel), aux glaces (lait, crème, à base de fruits locaux), ainsi que la pizza, le burger et la pâte. Comme toute activité, le secteur rencontre des difficultés. Nice Cream possède des établissements à travers la capitale malienne. Le dernier est celui de l’ACI 2000 qui emploie 16 personnes, des Maliens pour la plupart. Il y a également des ressortissants de pays de la sous-région.

Julien Tremblin explique avoir un «bon partenariat avec le Centre Chiaka Sidibé». Qui, selon lui, dispense une bonne formation sanctionnée par un diplôme. Nice Cream recrute ceux qui ont de l’expérience et forment certains sur place. «En deux ou trois semaines, ils apprennent le service (servir les clients), les produits (la glace principale production), les différents postes dont la caisse : Le personnel doit être polyvalent», estime-t-il.

FORMATION – Awa Bagayoko, teint noire, taille fine, est pâtissière. «J’ai reçu une formation à Azalai hôtel. C’est après avoir travaillé un certain temps là-bas que je suis venue ici», dit-elle. « Le secteur est pourvoyeur d’emplois », confirme-t-elle.

Le quadragénaire Alkassoum Maïga est dans l’événementiel (sono, caméra, lumière, photo et vidéo). Apres avoir passé 10 ans en France, il rentre au pays. «Dans le domaine, les opportunités sont nombreuses et la restauration reste un domaine porteur», confirme-t-il. Après une journée de labeur, les gens cherchent où s’asseoir en soirée pour discuter, passer du bon temps. À chaque fois qu’un nouvel endroit ouvre, c’est la ruée », constate-t-il. «J’ai des amis qui sont dans la restauration, il arrive qu’ils manquent de place pour les clients et surtout de parking pour leurs véhicules», explique Alkassoum Maïga.

Dr Kawélé Togola est professeur d’anthropologie au département de sociologie et d’anthropologie à l’Université des lettres et des sciences humaines de Bamako. Selon lui, cette situation est liée à un certain standing économique atteint par certains individus. «Cette prolifération de pâtisseries et restaurants modernes relève d’une occidentalisation du visage de notre société, particulièrement de nos modes de consommation alimentaire», analyse l’universitaire. Cela donne accès à un nouveau type de nourritures préparées selon des standards internationaux.

On peut constater que ceux qui servent dans ces restaurants, dans la plupart des cas, ont fait des formations et ont une expertise dans le domaine. « Aussi, soutient l’universitaire, les gens ont le souci de leur santé : on estime en ce sens que ces derniers offrent de la nourriture dans un cadre hygiénique, propre et sain. »

Cette modernisation est un risque pour la nourriture locale. «Les mets nationaux, communautaires peuvent être négligées par rapport aux plats occidentaux et autres», explique Dr Togola. Il suggère que nos mets soient revalorisés pour répondre aux normes internationales.

Ce conseil est pertinent. Car, il n’est pas rare d’entendre une certaine classe de citoyen dire : «Je mange indien ce soir», «japonais» à SushiTimeBamako, «italien», «chinois»…

OS (AMAP)