Bafoulabé : Deux vieux bacs de plus de 20 ans assurent la traversée du fleuve

Le bac fluvial est pour Bafoulabé ce qu’était le train pour Kayes,

Par Boubacar MACALOU

Bafoulabé, 11 oct (AMAP) A Bafoulabé,  dans l;Ouest du Mali, il n’y a pas de pont sur le fleuve Sénégal et les populations riveraines font recours au bac et aux piroguiers pour se rendre d’une rive à l’autre. En cas de panne, comme, c’était le cas en août 2022, bonjour le calvaire pour les transporteurs, passagers et habitants.

Le bac fluvial est pour Bafoulabé ce qu’était le train pour Kayes (Ouest), son chef-lieu de Région. En effet, il est impossible au voyageur, qui vient de Kayes et de Diamou, de fouler le sol de la Cité de Mali Sadio sans prendre le bac, à partir de Tintila. Il en va ainsi pour celui qui emprunte l’axe Kita-Toukoto. Ce dernier doit transiter forcément par Babaroto pour arriver à Bafoulabé ou à Tintila. S’agissant des passagers en provenance de Tambaga et de Manantali, ils doivent faire la traversée par le bac pour l’autre côté du fleuve.

La traversée du fleuve Sénégal par le Bac est le passage obligé pour tous ceux qui n’aiment pas voyager par pirogue par peur des noyade et autres chavirements, surtout en cas d’orages et de tornades.

Le Cercle de Bafoulabé possède deux bacs fluviaux qui assurent la continuité des routes (Kayes-Kita, en passant par Babaroto, Kayes-Tambaga, en passant par Manantali). « Cependant, ces engins sont vieillissants. Ils ont été mis en circulation, depuis plus de 20 ans. Alors, avec de tels bacs, les problèmes ne finissent pas », a déploré le préfet du Cercle de Bafoulabé, Amadou Soumaré, lors d’une rencontre avec la société civile.

Selon lui, Il y a longtemps qu’un bac est à l’arrêt, suite à un problème de moteurs dont les pièces sont récupérées pour faire marcher le second engin. « Pour l’instant, c’est un seul bac qui assure la traversée des véhicules avec ses multiples problèmes (moteurs, propulseurs). Un seul de ses moteurs fonctionne. Ce qui explique aussi sa lenteur au cours du trajet », précise le préfet, également président du Comité de gestion des bacs fluviaux (CGBF) .

Le préfet a rappelé que les Industries navales et constructions métalliques (INACOM) qui sont basées à Koulikoro, sont les seules habilitées à réparer les bacs fluviaux, un travail qui se fait à coût de millions.

Il faut souligner que les populations ne sont pas restées indifférentes à cette situation. Bien avant le calvaire provoqué par l’arrêt de cet indispensable moyen de transport fluvial, la société civile,  avec en tête, sa présidente Salama Sakiliba, le président du Conseil local des jeunes, Boubacar Macalou, les présidents des Conseils communaux de la jeunesse de Bafoulabé, Karamagan Diallo, et de Mahina. Harouna Diop, avaient entrepris des démarches auprès du préfet pour l’organisation d’une rencontre. Celle-ci a permis à l’ensemble des acteurs d’échanger sur des questions liées aux bacs afin que la situation ne tourne au pire.

Au cours de cette rencontre, la présidente de la société civile assure avoir suggéré des pistes au préfet. Mais, cette tentative de sauvetage n’a pas été un succès, puisque le 26 août 2022, à 08:16mn, le second moteur du bac a lâché pour de bon. D’où ces exclamations des usagers : « Plus de bac ! Plus de traversée de véhicules » !

Ainsi, a commencé le calvaire pour le personnel naviguant et pour l’ensemble des usagers de ce moyen de transport fluvial. Sans oublier les populations riveraines du fleuve Sénégal formé par le Bafing et le Bakoye dont la rencontre a donné à la ville de Bafoulabé son nom (littéralement, la rencontre des deux fleuves).

La problématique a largement animé les débats sur les réseaux sociaux, dans les « grins ».  Partout, ici, on ne parle que du problème de bac. Si cette panne a plongé le personnel et le comité de gestion du bac dans le désarroi, elle a bien profité aux piroguiers qui se sont frotté les mains. Car, comme le dit cet adage populaire : « A quelque chose, malheur est bon ».

En effet, ces deux semaines d’arrêt du bac leur ont permis de gagner beaucoup d’argent, étant donné que les pirogues étaient les seuls moyens de transport fluvial. Avec comme conséquence : tous les prix, y compris ceux des produits alimentaires, qui ont doublé, rendant ainsi la vie très chère.

RECOURS AUX PIROGUES – On faisait traverser une personne à 200 Fcfa le jour et à 500 Fcfa la nuit. Le transport d’une tonne de ciment, d’une rive à l’autre, coûte 3 000 Fcfa. D’où le ras-le-bol des habitants qui ont manifesté dans les rues contre l’arrêt du bac et la cherté de la vie. Et ils ont enfoncé le clou, en accusant le Comité de gestion des bacs fluviaux d’avoir mal géré les recettes générées par ce moyen de transport.

Pour tirer leur épingle du jeu, les transporteurs et les passagers n’avaient qu’une option. Celle de se rabattre sur les piroguiers pour l’acheminement de leurs marchandises et autres bagages jusqu’à l’autre rive où sont stationnés des véhicules prêts à prendre le relais.

Le bac, c’est la vie dans cette contrée .

Pourtant le gérant du bac, Mamadou Diakité, a, dès le début de la panne technique, indiqué qu’il avait informé immédiatement le préfet de la situation. D’après lui, cette situation constituait un coup dur, notamment pour le personnel du bac. « C’est le bac qui nous donne le sourire. Et ce travail nous plait. Bref, le bac est notre vie. Si ce moyen tombe en panne, c’est la galère pour nous tous », affirme-il.

Selon certains conducteurs de véhicules, c’était la résignation pour ceux qui ne pouvaient pas traverser le fleuve. D’autres étaient contraints de rebrousser chemin et de rester sur les bords, tout en sympathisant avec les habitants au bord du fleuve, afin d’améliorer leurs conditions de vie, faute de moyens.

La nouvelle du bac ayant pris de l’ampleur sur les réseaux sociaux et lors des causeries de « grins », le préfet a convoqué une réunion d’urgence dans son bureau le 5 septembre 2022 à laquelle a pris part la société civile. Un seul point à l’ordre du jour : « Réfléchir ensemble pour trouver une solution au problème du Bac ».

Cette rencontre a débouché sur des propositions concrètes. Certaines bonnes volontés ont décidé d’exprimer leur solidarité, en mettant la main à la poche pour la relance du bac, afin d’abréger les souffrances des populations. Car, la ville de Bafoulabé, étant un grand carrefour, risquait d’être coupé des autres localités du pays. Ce qui constituerait une menace pour l’économie de la zone.

C’est ainsi que le président de l’Association des municipalités de Bafoulabé, Adama Bandiougou Sissoko, a promis un montant de 1 250 000 Fcfa et un opérateur économique du village a donné 5 000 000 de Fcfa. Le président du Conseil de Cercle a contribué à hauteur de 1 million de Fcfa et il y avait 1 million de Francs cfa dans les caisses du Comité de gestion du Bac. Ces montants (7 250 000 Fcfa) ont été prêtés au Comité de gestion en vue de trouver urgemment la solution.

Les 8 millions demandés par l’INACOM pour la réparation d’un bac sont ainsi réunis, enlevant une épine dans le pied du préfet. Il a aussitôt contacté les techniciens de l’INACOM pour la réparation de la panne.

Sans tarder, cette société a dépêché des techniciens sur Bafoulabé qui ont travaillé du 9 au 10 septembre 2022 pour permettre la reprise des activités du bac fluvial, à la grande satisfaction des riverains et autres usagers.

Dès lors, les gens ont repos leur mobilité entre les deux rives afin d’être parmi les premiers à traverser le fleuve par le bac, après plusieurs jours d’interruption.

Cependant, beaucoup reste à faire pour panser les plaies car, certaines personnes réclament la dissolution du CGBF qu’elles accusent de « mal gérer les recettes ». D’autres souhaitent que la gestion soit confiée à un Groupement d’intérêt économique (GIE). Ou bien que la société civile entame des démarches auprès des autorités compétentes pour la construction d’un pont en pour en finir avec le calvaire.

BM/MD (AMAP)