ATT, l’homme du passage de témoin en 92, a été celui du come-back en 2002

Par Moussa DIARRA

Bamako, 10 Nov (AMAP) Quand le général à la retraite, Amadou Toumani Touré (ATT), candidat indépendant, arrivé en tête du premier tour de l’élection présidentielle malienne du 28 avril 2002, avec 28, 71% des voix, avait passé, dix ans plus tôt, le 8 juin 1992, le témoin au président démocratiquement élu, Alpha Oumar Konaré, il était entré dans l’Histoire. Et, quand il finit par réaliser un come-back en politique, après avoir remporté, le 12 mai 2002, le 2ème tour avec 65,01%, il s’est installé dans l’Histoire.

Son départ du pouvoir, en dépit des pressions pour qu’il reste, a laissé aux Maliens l’image d’un militaire qui a su tenir parole, après avoir mis fin au régime d’un autre porteur d’uniforme, le général Moussa Traoré emporté par un mouvement populaire le 26 mars 1991.

« Si j’étais resté, j’aurais triché. Si je m’étais présenté aux premières élections, j’aurais faussé le jeu », avait dit le général ATT dans un entretien à un journal panafricain pour expliquer les raisons de son départ du pouvoir.

L’homme, qui avait ainsi quitté les fonctions de chef de l’Etat, est né le 4 novembre 1948 à Mopti, dans le Centre du Mali. Initialement formé comme maître de l’enseignement fondamental, en 1966, il a intégré, par la suite, l’Armée en 1969 après un concours d’admission à l’Ecole militaire interarmes de Kati, à 15 km de Bamako.

Il a grimpé très vite les échelons mais des évènements historiques qui mirent à l’écart de nombreux responsables de l’Armée ne furent pas sans effet sur sa carrière.

Le jeune militaire du camp des commando-parachutistes de Djikoroni, à l’ouest de Bamako, a surtout bénéficié des avantages de ses formations effectuées à l’Ecole supérieure des troupes aéroportées de Riazan, en ex-URSS et au Centre national d’entraînement commandos de Mont-Louis, en France.

En 1978, il a obtenu ses galons de capitaine et est devenu, le 28 février 1981, le commandant de la garde du président Moussa Traoré. Monté au grade de commandant, Amadou Toumani Touré obtint, du coup, le commandement du bataillon des parachutistes en 1984. Ce fut de la direction de ce bataillon que le commando parachutiste s’en est allé en 1989 se perfectionner à Paris, à l’Ecole supérieure de guerre interarmées.

Revenu au Mali le 8 décembre 1990, Amadou Toumani Touré, longtemps resté sans poste, retrouvera le 11 mars 1991, le commandement de son bataillon d’origine.

ATT et Alpha : passage de témoin en 2002 (Archives AMAP)

Deux semaines plus tard, les bérets rouges, avec en leur tête, Amadou Toumani Touré, ont renversé le régime du général Moussa Traoré. ATT, comme on l’appelle, dorénavant, devient le président du Comité de réconciliation nationale (CRN), structure qui regroupe les putschistes de mars 1991.

Cette dernière fusionne, le 26 mars, avec la Coordination des associations du mouvement démocratique pour former le Comité de transition pour le salut du peuple (CTSP) avec, à sa tête, ATT qui devient aussi chef de l’Etat.

En tant que responsable du camp para de Djikoroni, il a vu passer presque tous les grands détenus et contestataires politiques du Mali mais assure les avoir «traités avec respect et dignité» et gardé le contact avec certains.

ATT est présenté comme étant à la base de la naissance dans les années 80 d’un mouvement démocratique au sein de l’Armée malienne qui a toujours cherché une adhésion populaire à tout projet de changement politique au Mali.

C’est le mouvement démocratique de 1990 à 1991 qui a favorisé les conditions de maturation de cette adhésion populaire au changement politique, disent les observateurs.

L’homme, après le coup d’Etat de mars 1991, mit 15 mois pour réaliser la transition politique qui a conduit à la proclamation du multipartisme intégral, l’organisation de la Conférence nationale et la signature du Pacte national mettant fin à la rébellion touarègue au Nord du Mali.

© AMAP Prestation de serment du président Alpha Oumar Konaré  le 08/06/02 2002 au CICB

Après sa sortie de l’arène politique, redevenu simple citoyen en 1992 et élevé au grade de général d’armée, par la suite, ATT a déclaré éprouver le besoin de relever un autre « défi » : «travailler à la consolidation des processus démocratiques en Afrique» et, depuis 1992, s’est consacré à la promotion de la démocratie et à des missions de bons offices dans des conflits armés en Afrique.

Il s’est engagé dans des actions humanitaires, notamment la lutte contre le vers de guinée avec l’aide de la Fondation Carter. Il a, en outre, créé une Fondation pour l’enfance œuvrant dans la réduction de la misère sociale et a contribué dans des actions de médiation pour la paix, notamment dans la crise centrafricaine qui l’ont maintenu sur la scène internationale.

Le 5 septembre 2001, il a sollicité du président Alpha Oumar Konaré la retraite anticipée «pour convenance personnelle» et l’a obtenue, le 20 septembre, pour pouvoir se présenter à l’élection présidentielle, conformément aux dispositions constitutionnelles maliennes, exigeant de tout militaire, qui veut briguer un mandat politique, de démissionner six mois avant l’élection.

Motivé par le soutien enthousiaste de nombreux associations et clubs de supporters au Mali et à travers le monde, de plusieurs partis politiques tels l’Union soudanaise-Rassemblement démocratique africain (US RDA), le Mouvement pour l’indépendance, la renaissance et l’intégration africaine (MIRIA), le Bloc démocratique pour l’intégration africaine (BDIA), le Mouvement pour la solidarité et le progrès (MPSP) et entre les deux tours, par le Parti pour la renaissance nationale (PARENA), le général, qui a été élève d’Alpha Oumar Konaré à l’Ecole normale secondaire, a finalement succédé à son ancien professeur.

ATT, qui s’apprêtait à quitter le pouvoir, est victime en mars 2012, d’un coup d’État militaire, dans un contexte marqué par une avancée de hordes djihadistes associées à des rebelles touaregs, dans le Nord du Mali. Il est revenu, triomphalement à Bamako, en décembre 2019, après un exil au Sénégal, suite à ce coup d’état qui l’a renversé.

Celui que les Maliens appelaient, affectueusement, par ses initiales, ATT, était marié et père de deux filles.

MD (AMAP)