Tabaski à Gao : Le secret de la grillade traditionnelle

Par Mohamed TOURÉ

Gao, 05 aout (AMAP) La communauté musulmane a célébré, vendredi dernier, l’Aïd el Kébir ou la fête de la Tabaski. Cette célébration musulmane est marquée par l’immolation de certains animaux domestiques comme le mouton, la chèvre, le bœuf ou le chameau « pour les fidèles qui en ont les moyens », comme le précise le Saint Coran. La conservation de la grande quantité de viande accumulée lors de cette commémoration peut poser problème dans certains milieux. Mais à Gao, dans le nord du pays, les familles perpétuent une tradition séculaire: la grillade.

Le jour de la Tabaski, la cité des Askia respire l’odeur des grillades de viande. Presque dans toutes les familles, des fours de grillade sont fabriqués avec tout ce qu’on peut avoir sous la main : un vieux lit métallique, des barriques renversées ou encore des barres de fer.

Dans un coin de la cour familiale, Faiçal Ibrahim s’active, tel un chef d’orchestre. Entouré de ses trois neveux, l’apprenti rôtisseur de circonstance attise le feu sous cinq carcasses de béliers installées sur un lit métallique transformé en grillage. «Je m’occupe de la grillade des moutons de la famille depuis 2009. A l’enfance, j’ai appris cette pratique avec mes oncles. Je suis entouré par mes neveux pour leur transmettre la technique», explique le jeune homme. Selon les vrais connaisseurs, cette pratique très ancienne consiste à conserver la viande, tout en lui donnant un bon goût.

Selon le cuistot amateur, cette grillade permet de rendre la chair moelleuse, donc facile à déguster. «Quand nous égorgeons les bêtes, certaines parties (le foie, le cœur, les reins) sont rôties sur le petit grillage et mangées directement», détaille-t-il. Ces parties enlevées, le reste de l’animal est étalé au soleil, environ une heure, avant la mise au feu. La chair est ensuite assaisonnée avec une mixture à base de vinaigre, d’huile, de sel. «Cette sauce accélère la cuisson de la viande et lui donne bon goût», commente Faiçal Ibrahim.

La viande est conservée plusieurs mois. Les techniques qu’explique Faiçal relèvent d’un savoir-faire transmis à travers les générations. «La grillade de viande pendant la Tabaski est une ancienne pratique à Gao. Les parents le faisaient déjà avant notre naissance», témoigne Alassane Touré, un septuagénaire à la retraite. Le patriarche confirme que la pratique permet de conserver la viande tout en lui donnant un bon goût.

Les mêmes raisons sont avancées par Salamata Maïga, une enseignante à la retraite. Pour cette grand-mère, certaines familles abattent plusieurs moutons, dont il faut conserver une partie avec la technique de grillage. «Avant, la pratique n’était pas très répandue. Mais, aujourd’hui, dans une même famille, il arrive que cinq à six moutons soient sacrifiés», argue la pédagogue, pour qui la conservation d’une telle quantité de viande pousse les familles à se tourner de plus en plus vers la rôtisserie domestique.

Dans la pratique courante, la grillade est la première phase du processus de consommation de la viande dans de nombreuses familles. «Généralement à Gao, le premier jour de la fête est consacré à la grillade de la viande. Au deuxième jour, la viande grillée est dépecée et des parts sont envoyées aux voisins, parents et personnes en nécessité», explique Salamata.

Cependant, une grande partie de la viande grillée sera découpée en petits morceaux qui seront frits à l’huile pour être conservés encore plus longtemps. «Ces petits morceaux sont alors partagés entre les membres de la famille. Et même ceux, qui vivent dans d’autres villes ou même à l’étranger, auront leur part», confie la vieille maman.

MT/MD (AMAP)