Par Oumar SANKARE
Bamako, 27 oct (AMAP) Centre international de conférences de Bamako (CICB), ce lundi 27 octobre 2025. Le soleil tape comme un forgeron sur l’enclume. Dehors, les eaux paresseuses du Djoliba (fleuve Niger) coulent, reflet doré des boubous et costumes qui affluent vers le Centre international de Conférences. À l’intérieur, dans la salle des banquets, quatre lustres scintillent comme des étoiles au-dessus d’un sol de marbre rouge bordeaux. L’air sent le thé ‘attaya’ brûlant, l’encre fraîche des bulletins et cette odeur si malienne du wax neuf qui craque sous les pas. « I ni ce ! crie », un griot improvisé dans un coin. La kora répond, douce, insistante.
L’Agence nationale de presse du Mali renaît aujourd’hui, après des années de léthargie. Et Bamako, fidèle à elle-même, fête ça comme on célèbre un mariage : en couleurs, en voix, en transpiration joyeuse.
Amadou Libo Diarra, correspondant de Koulikoro, descend d’un minibus bringuebalant venu de sa ville. Quarantaine fatiguée, teint noir luisant, yeux rougis par une nuit sans sommeil. « J’ai quitté hier mais le carburant… Le chemin n’a pas été facile », dit-il. Il serre la main de votre serviteur comme on retrouve un frère perdu de vue. À dix mètres, Badian Coulibaly, Community Manager de l’AMAP, sourire éclatant malgré les 10 km de marche, aller-retour, d Koulouniko (son quartier), la veille, il court encore. Il oriente un technicien, replace une banderole, met la main à la pâte quand le ruban adhésif lâche. « Le DG dit que si je vis jusqu’à 70 ans, j’aurai gagné 5 ans de bonus ! » lance-t-il, hilare. Plus tard, on le verra sprinter pour récupérer des archives précieuses : « On m’a soufflé que des visiteurs les glissaient dans leurs sacs… »
Sous les lustres, les uniformes blancs et bleus de l’Université catholique de l’Afrique de l’Ouest (UCAO) tranchent comme des notes claires. Alice Dakouo, chignon serré, chemise impeccable, rougit quand le micro se tend : « C’est une expérience unique… On entend parler de l’agence, mais on ne sait pas ce qu’il y a dedans. » À côté, Claudia, taquine, complète : « On va publier sur X, Facebook, Instagram de l’UCAO. »
Cheickné Traoré, appareil en bandoulière, mitraille. Aucun invité n’échappe à son objectif. Il rit, il danse presque. Jean Marie Ntahimpere, leur encadreur, hoche la tête : « L’agence, c’est la mère de la presse. Mais elle ne marche plus bien. Il faut des moyens. Vraiment. » Un discours qui fait vibrer les murs
Le calme tombe comme une couverture. Alassane Souleymane, DG de l’AMAP, monte à la tribune. Voix grave, posée : « L’Agence nationale de presse du Mali, c’est plus que L’Essor. C’est Kibaru en bamanankan, en tamasheq, sarakolé, peul. C’est 180 agents, 50 faces publicitaires, une mémoire depuis 1949. Le Soudan français a lutté pour l’indépendance dans ces pages. Aujourd’hui, on passe au digital. »
Puis le ministre Alhamdou Ag Ilyène, en boubou bleu et blanc éclatant, lance : « Une presse libre, c’est la garantie de la démocratie ! L’AES n’est pas un coup de tête. C’est une réaction. Nous ne sommes plus maîtres de rien après 65 ans ? Alors, nous reprenons notre destin ! »
Un cameraman et un photographe se disputent un angle. Bounama Magassa, photographe de l’Agence arrive, sourire large, tape dans le dos : « Allez, on partage la vue, comme on partage le thé ! » Rires. Applaudissements. La kora reprend, plus forte.
DES ANCIENS, GARDIENS DU TEMPLE – Dans un coin, les retrouvailles. Le doyen Gaoussou
Drabo, pas assurés, avance. Les jeunes accourent. Les anciens s’étreignent. Bréhima Touré, large sourire, lance une blague. Ahmadou Cissé répond. Éclats de rire. Souleymane Doucouré, ancien DG adjoint, regarde une affiche : « En 2010, j’ai fait le tour du Mali pour voir les 42 cercles. Pas de portable. Juste des dépêches. » Il montre un visage sur le mur : « Lui, c’est un défunt. Mais il est là. »
Bréhima Touré, lui, se souvient : « 2006. On passe L’Essor de 8 à 16 pages. En couleur ! J’étais secrétaire général de rédaction. Stress total. Le ministre de la Communication, Gaoussou Drabo, venait boucler avec nous l’après-midi. On a mis des enquêtes, des préoccupations du public. Avant, c’était que des comptes rendus. Là, c’était vivant. » Il insiste, les yeux brillants : « Il faut des journalistes pointus. Pas juste des comptes rendus. Sinon, personne ne lira. »
Le Panel 1 porte sur « Médias publics & défis du numérique » Modérateur Kader Sanankoua. Mamadou Koumé (ex-DG APS Sénégal) tape du poing : « Des vidéos sans info ? Non ! Les dépêches vérifiées, c’est le cœur ! » Moussa Diarra, directeur de l’agence approuve. Fideles Guindou : « Adaptons-nous à la demande, sinon on meurt. » M. Ying de Xinhua écoute, note, sourit. La salle vrombit. On propose, on contredit. C’est vivant. C’est l’Afrique qui pense.
Et demain ?
La kora s’apaise. Les lustres s’éteignent un à un. Dehors, le soleil descend sur le Niger, rouge comme le marbre du CICB. L’ANP n’est plus une ombre. Elle est un baobab qui reverdit. Bréhima Touré murmure, avant de partir :
« Si on forme bien, si on donne les moyens… on sera lus. Sinon, on restera dans les archives. »
Ramatoulaye Sidibé, hôtesse, arrivée à 7h30 : « Tout est poli, souriant. Alhamdoulilah. » Fanta Konaté, d’Infinity Group, partenaire : « On a tout géré : bâches, kakemonos, malgré le carburant. Trois ministres présents. Défi relevé. » Moustapha Coulibaly, de l’Ororganisation est au four et au moulin. Entre deux coups de fil, il dit : « On manque de perdiems, de crédit pour assuer les directs sur les réseaux sociaux. Mais on assure. » Abdoulaye M. Traoré, correspondant de Banamba, arrive essoufflé : « J’ai attendu un car de 6h à 13h. Mais je suis là. On attendait cet évènement depuis longtemps. »
OS/MD (AMAP)


