Envoyée spéciale
Anta CISSE
Djenné, 9 sept (AMAP) À Djenné, cité millénaire et haut lieu spirituel du Mali, le Maouloud n’est pas une simple fête religieuse. C’est un moment de ferveur, de communion et d’espérance au cours duquel, chaque fidèle vient transmet ses vœux à Allah. Dans cette ville sainte, considérée comme l’une des premières à avoir célébré le Maouloud, la tradition se perpétue depuis des siècles.
Depuis le début du mois, la ville se transforme. Les zikr (chants religieux), les invocations et les prières s’élèvent des mosquées et des foyers. Après la prière de Safo (20h jusqu’à 23h), les habitants entendent la ville résonner de chants aux noms d’Allah et de récitations du Coran dans les ruelles, donnant à l’atmosphère une dimension mystique. La naissance du Prophète Mohamed (PSL) est célébrée le 12 du mois, suivie du baptême le 17, deux dates phares qui rythment la ferveur religieuse locale.
Selon Boubacar Thera, fils de Djenné et marabout, avant, le Maouloud n’était fêté qu’ici. Tout commençait dans un seul vestibule mais, aujourd’hui, plus de quarante lieux vibrent au rythme des zikr, des invocations et des prières. « Cependant, l’insécurité actuelle a freiné l’affluence, privant la ville d’une partie de son éclat, même si la ferveur, elle, demeure intacte », dit notre interlocuteur.
Chaque année, les fidèles viennent de partout. Ibrahima Kontao, résident à Bamako, ne manque jamais le rendez-vous : « Djenné est une référence en matière de religion. Revenir ici, c’est raviver mes souvenirs et me rapprocher davantage de ma foi. »
La fête est aussi porteuse d’espoir pour des fidèles en quête de grâces particulières. Fatoumata, une quadragénaire venue du Burkina Faso. « Je viens à Djenné depuis plus de dix ans pour demander à Allah le don d’un enfant. Même si ce n’est pas encore arrivé, chaque visite rallume en moi une nouvelle espérance », dit-elle.
« Je viens chaque année pour bénir mon commerce et conjurer le mauvais œil », explique Mamadou Coulibaly, commerçant d’un village voisin. Sur son vélo, il parcourt des kilomètres pour rejoindre Djenné, espérant voir prospérer sa petite échoppe de vêtements.
Dans les familles, l’organisation est tout aussi minutieuse. Chez les Cissé, le patriarche dresse une longue liste de prénoms confiés aux bénédictions nocturnes, suivies de la récitation du Coran et de l’immolation d’un taureau. Pour Ousmane Cissé, le plus jeune de la famille, ce moment est le plus attendu. « Le zikr est comme une drogue spirituelle, un plaisir mêlé d’utilité », dit-il, tout heureux.
Une jeune dame venue de Bamako, ayant requis l’anonymat, confie qu’elle n’avait pas une idée de l’ampleur du Maouloud à Djenné, car elle n’avait pas l’habitude de le célébrer. C’est en appelant son frère pour l’informer de sa visite avec ses enfants qu’elle a appris l’existence de cette tradition. Une fois sur place, on lui a dressé une liste des mosquées à visiter, des lieux saints à découvrir et des zikr à accomplir.
Djenné n’attire pas seulement les fidèles des villages et des grandes villes du Mali. Elle reçoit aussi ceux de la diaspora. Mohamed Touré, installé en Italie depuis plusieurs années, en est un exemple. « Après avoir traversé tant d’épreuves pour atteindre l’Europe et travaillé dur pendant cinq ans, je n’ai jamais oublié ma promesse de revenir à Djenné pour remercier Allah. Cette année, j’ai enfin pu rentrer. Je suis venu commémorer le Maouloud et exprimer ma reconnaissance », se réjouit-il.
Au-delà de la dimension spirituelle, le Maouloud stimule également l’économie locale. Les petits hôtels affichent complet, les boutiques et marchés connaissent une activité accrue, même si l’affluence reste moindre que dans les années passées. Les commerçants, comme les fidèles, espèrent que cette fête bénie apportera prospérité et stabilité.
AC/MD (AMAP)