Gourma Rharous : les impacts de la crise sécuritaire sur l’enfance

Par Mohamed Gakou

AMAP Gourma Rharous

 Gourma Rharous, 12 juin (AMAP) La crise sécuritaire que traverse le Mali, de 2012 à nos jours, à négativement impacté le bien-être des enfants, dans le Cercle de Gourma Rharous, dans le Nord du pays. Les conséquences de cette situation sont : le déplacement des familles victimes de violences, les crises alimentaires récurrentes dans les terroirs d’origine dues aux effets du changement climatique et au diktat des Groupes armés terroristes (GAT), l’analphabétisme, la déscolarisation, le travail des enfants, la délinquance juvénile, les instincts ou faits terroristes et la non possession de documents d’état civil.

Ces fléaux sont les maux qui minent cette couche vulnérable, dans le cercle de Gourma Rharous et peuvent même hypothéquer son avenir.  Ibrahim, 10 ans environ, est l’un des nombreux enfants issus de familles de déplacés internes à Rharous, qui ne possèdent pas, encore, un acte de naissance. Il incarne parfaitement cette enfance meurtrie par la crise sécuritaire, dans le Cercle de Gourma Rharous.

Son petit visage innocent est marqué par la fatigue. Il a l’air souffreteux. Habillé d’un vieux maillot déteint, aux couleurs d’un grand club de football européen, dans lequel il flotte et d’un large short sale, l’enfant est juché sur une charrette tirée par deux ânes qu’il mène à coups de lanières et de bruyants cris, dans les ruelles du quartier de Boya.

Il transporte deux fûts qu’il doit remplir à l’aide d’un seau de 10 litres, au fleuve, distant d’au moins, cinq cents mètres du chantier auquel il doit livrer son chargement. Il vend le contenu du fût à 250 francs cfa. La demande étant faible, il rentre à la maison l’après-midi, exténué, avec 1 500 francs, les jours « fastes » et moins, les jours sans.

La recette est remise à son père malade et alité, depuis quelques mois. Ce maigre revenu est pratiquement la seule ressource qui fait vivoter cette famille de huit personnes. Quelques fois, cette misérable subsistance est relevée par quelques dons de vivres, des organisations humanitaires.

La famille de Ibrahim s’est installée à Rharous, le chef-lieu de Cercle, depuis quelques années, fuyant les violences et exactions commises par les GAT, les groupes et bandits armés, à Adiora, leur terroir d’origine, dans la Commune de Ouinerdène, située dans le Gourma intérieur.

Depuis qu’ils sont installés là, la précarité semble être leur destin. Ibrahim n’a jamais connu le chemin de l’école. À cinq ans déjà, il accompagnait son père, sur la charrette, pour chercher la pitance quotidienne. Aujourd’hui que son père est malade, il joue le rôle de soutien de famille.

À la question de savoir, ce qu’il veut faire plus tard, ses yeux se plissent et dans un sourire innocent qui ressemble plutôt à un rictus, il répond : « charettier ». Que réserve l’avenir à Ibrahim et aux milliers d’autres filles et garçons qui vivent dans les mêmes conditions ?

Au Centre de santé de référence (CSRéf) de Gourma Rharous, un bloc est réservé aux enfants qui souffrent de malnutrition sévère et autres pathologies liées à cette carence. Ils sont généralement accompagnés par leurs parents qui sont, majoritairement, des déplacés internes, victimes de violences.

Le spectacle à l’intérieur du bloc est insoutenable. De petits corps aux ventres ballonnés sont couchés, partout, à même le sol, sur des nattes, poussant de faibles gémissements, sous le regard impuissant de leurs accompagnants.

Selon, le Dr Amadou N’Famoussa Diakité, médecin-chef du district sanitaire de Gourma Rharous, d’autres facteurs aggravants liés à l’insécurité, impactent aussi la santé des enfants, notamment, « l’accès aux services de santé, à travers la limitation des références-évacuations, sachant que les enfants constituent la tranche d’âge qui fréquente le plus, les centres de santé ». A cela, il faut ajouter « la faible limitation du déplacement des agents de vaccination, pour atteindre les enfants, en stratégies mobile et avancée ». Pour terminer, il affirme : « sur l’aire du district sanitaire de Gourma Rharous, la majorité des enfants est exposée à une vulnérabilité sanitaire.  »

Approché par l’AMAP, la cheffe du service local de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille, Halimatou A.K Maïga, reconnaît : « la crise sécuritaire est le fléau qui porte le plus de préjudices à l’éducation et à la santé des enfants, dans la circonscription de Gourma Rharous », Elle ajoute : « au nombre des difficultés de l’enfance dans notre localité, la plus inquiétante est l’enrôlement forcé des enfants, au sein des GAT ou leur radicalisation, pour finir par être des machines à tuer ou de la chair à canon ».

Elle souligne, encore, « la séparation des familles est aussi une difficulté majeure pour les enfants, particulièrement sur le plan psychologique. Celle-ci a considérablement favorisé la déscolarisation et la délinquance des mineurs. La difficulté d’accès aux documents d’état civil est aussi un facteur bloquant, dans la scolarisation des enfants et la facilitation des recherches pour la réunification des familles  »

Malgré l’inquiétude que suscite ce tableau, des efforts sont faits au quotidien par l’Etat à travers les services techniques locaux chargés d’apporter une réponse sur le terrain. Ils sont généralement accompagnés par les partenaires au développement qui opèrent dans le Cercle.

Leurs actions portent sur la prise en charge sanitaire, psycho-sociale, la facilitation de l’accès aux centres d’écoute et le don gratuit de documents d’état civil. Ces activités usent de divers canaux de communication pour informer et sensibiliser les populations sur le fléau de la vulnérabilité des enfants, dans un contexte d’insécurité.

MG/MD (AMAP)