Bamako : Le café creuse son sillon face aux traditionnels trois normaux

Par Moussa M. DEMBÉLÉ

Bamako, 9 avr (AMAP) À Bamako, le thé longtemps roi dans les « grins » et dans les foyers, cède peu à peu du terrain à une boisson qui séduit, de plus en plus, les jeunes : le café, « noir », comme on le dit dans le milieu des chauffeurs de gros porteurs ou de taxis ou encore de transports en commun, le « p’tit noir », comme on dirait au comptoir d’un bistrot ou devant la machine à café de l’entreprise. De nouveaux produits, notamment le café noir pressé, connaissent un véritable engouement auprès d’une population avide de nouveauté et en quête d’énergie.

Boisson stimulante par excellence, le café — obtenu à partir de la torréfaction des graines de l’arbuste Coffea — fait désormais partie du quotidien de nombreux Bamakois, au bureau avec la machine à expresso neuf ou de seconde main, dans la rue avec les vendeurs de café instantané sur des pousses-pousses aménagés en service de café ou au bord de passages fréquentés ou même dans les marchés. Qu’il soit consommé pour le plaisir, la concentration ou la motivation, le café s’impose progressivement dans les habitudes.

Yacouba Mallé, étudiant en histoire-géographie à la Faculté des lettres et sciences humaines (FLASH), est un amateur de la petite tasse de noir. « J’ai goûté au café pour la première fois fin 2023, et depuis, je ne peux plus m’en passer. J’ai même abandonné le thé », confie-t-il. À Dialakorobougou, où il réside, il partage cette passion avec d’autres jeunes.

Du côté de Yirimadio, un « grin » s’est formé autour de la consommation du café noir pressé. Yaya Coulibaly, ingénieur en topographie et chef du « grin », affirme que cette tendance est apparue courant 2024. Ce sont sept jeunes, qui ont terminé avec leurs études. Certains travaillent, d’autres sont toujours à la recherche d’emploi. Chaque soir, ils se retrouvent au « grin » autour du café.

« Avant, nous étions tous amateurs de thé. Aujourd’hui, la plupart d’entre nous préfèrent le café pour sa puissance et son goût plus prononcé », affirme-t-il, assis près de l’appareil à café.

« La plupart d’entre nous, trouvent que le café est plus intéressant que le thé. Au « grin », le thé est toujours consommé mais très modérément», a-t-il conclu

MARCHE EN PLEINE EFFERVESCENCE – Si certains ont découvert le café récemment, d’autres en sont des consommateurs de longue date. Soucko Diarra, vendeur d’appareils électroniques au quartier du Fleuve, en consomme depuis 1987,et a découvert le breuvage  en Côte d’Ivoire. Depuis lors, il est resté toujours accro à cette boisson excitante. « Le café m’apporte motivation et énergie. Quand je n’en consomme pas avant d’entamer mes activités, c’est difficile d’avoir une motivation. Je trouve même que c’est bon pour ma santé », se lance-t-il. « Je peux en boire plusieurs tasses par jour, même avant de manger. Le thé, en revanche, me cause des maux de ventre », confie-t-il.

L’engouement pour le café se traduit également sur les étals du marché. À Dabanani, dans au grand marché de Bamako, les vendeurs de café moulu enregistrent une forte demande. Ce mercredi 02 avril 2025. Il est 09h26 précises, sous un soleil ardent, la circulation est encore assez fluide en ce quatrième jour après la fête de ramadan. Les commerçants sont installés au bord de la route qui traverse le grand marché. Ici, ce sont des marchandises, tout genre et tout type confondu : vêtements, chaussures, thé, jus et café noir moulu.  Drissa Coulibaly, ancien vendeur de thé, a opéré un virage stratégique vers le café. « Je gagne mieux avec le café. Mes recettes journalières varient entre 50 000 et 250 000 Fcfa grâce aux ventes en gros à des détaillants qui viennent de plusieurs quartiers de la capitale », explique-t-il.

Selon Drissa Coulibaly qui évoluait dans la vente du thé et est sur le point d’abandonner au profit de celle du café, « tout le monde s’intéresse au café ces deux dernières années. C’est pourquoi j’ai commencé à vendre du café.  « Et je peux dire que je gagne plus dans la vente du café que le thé », dit le grossiste de café, entouré de clients.

Le café commercialisé à Bamako provient principalement de la Côte d’Ivoire, un pays qui de production par excellence. Plusieurs variétés sont proposées, mais celle parfumée au gingembre est particulièrement prisée. Les prix oscillent entre 1 000 et 5 000 Fcfa le sachet.

Face à cette popularité croissante, les autorités ont renforcé le contrôle des importations aux frontières depuis 2024. Avant, nous importons le produit sans payer mais depuis 2024, nous payons des taxes à la frontière », nous révèle Alou Samaké. Ce vendeur de café au grand marché n’a pas voulu révéler si la vente du café lui rapporte des bénéficies. Toutefois, il confirme qu’il arrive « à mieux s’en sortir. »

« Aujourd’hui, beaucoup de Maliens s’intéressent au café même si j’ignore bien les raisons. C’est qui a fait que les autorités ont commencé à contrôler l’importation du café aux frontières », explique notre interlocuteur.

Dans la même foulée, un client nous a répondu, sous couvert d’anonymat, qu’il préfère le café au gingembre plus que l’ordinaire. « Chaque semaine, je viens payer un sachet de café », lance-t-il, avant d’effectuer son achat.

Avec l’essor du café, les appareils permettant sa préparation connaissent également une hausse des ventes. À Bamako, ces petits outils — souvent vendus entre 2 500 et 4 000 Fcfa — sont de plus en plus présents dans les ménages. « Il y a deux ans, peu de gens s’y intéressaient. Aujourd’hui, je fais de bonnes affaires », témoigne Ali Diarra, commerçant au quartier du Fleuve.

BIENFAITS INSOUPÇONNES – Selon le nutritionniste, endocrinologue et diabétologue, Dr Djibril Traoré, le premier avantage à boire du café noir est sa capacité à améliorer la vigilance et la concentration. « La caféine présente dans la boisson stimule le système nerveux central en augmentant l’énergie, améliore la mémoire, l’humeur et la vigilance, signalant aux cellules adipeuses de décomposer les graisses corporelles », a-t-il expliqué.

La caféine peut augmenter les niveaux d’adrénaline et libérer des acides gras des tissus adipeux. Cela conduit également à des améliorations significatives des performances physiques. Ce qui aide à rester éveillé, tout particulièrement pour les personnes ayant un emploi exigeant et chargé.

« Il contient des antioxydants et est particulièrement riche en polyphénols qui agissent avec d’autres minéraux pour aider votre corps et vos cellules à mieux fonctionner, empêcher les maladies et maintenir une bonne santé en général’, dit Dr Traoré.

Une tasse de café contient des quantités non négligeables de riboflavine (vitamine B2), d’acide pantothénique (vitamine B5), de manganèse, de potassium, de magnésium et de niacine (vitamine B3 ou PP), selon le praticien. Dans un régime alimentaire équilibré, le café permet de contribuer à l’apport quotidien nécessaire.

Par contre, « la consommation de caféine modérée est la priorité. Avec une moyenne de 1 à 3 tasses de café par jour, le taux de caféine ne devrait pas trop affecter une personne sauf pour les consommateurs qui souffrent d’anxiété ou de maux d’estomac, pour lesquels une consommation réduite est fortement recommandée. » Il est conseillé de limiter le café en après-midi si cela perturbe le sommeil.

Selon une étude relayée par Futura-Sciences, un site web francophone dédié à la vulgarisation scientifique, et reprise par L’Indépendant du jeudi 3 avril 2025, le café, bien plus qu’un simple stimulant matinal, pourrait jouer un rôle insoupçonné dans la prévention du diabète type 2.

Des chercheurs des instituts Karolinska (Suède), Bristol (Royaume-Uni) et Imperial College London ont mis en évidence une corrélation intrigante entre les niveaux de caféine dans le sang, la masse graisseuse corporelle et de risque de développer cette maladie métabolique

La caféine, alliée inattendue contre le diabète ? L’étude, menée conjointement par ces chercheurs de l’Institut Karolinska en Suède, de l’Université de Bristol au Royaume-Uni et de l’Imperial College London, révèle ces résultats surprenants. Les scientifiques ont constaté que des concentrations plus élevées de caféine dans le plasma sanguin étaient associées à un indice de masse corporelle (IMC) plus faible et à une masse graisseuse corporelle réduite.

Plus intéressant encore, ces niveaux élevés de caféine semblaient être liés à une diminution du risque de développer un diabète de type 2. Les chercheurs ont estimé qu’environ la moitié de l’effet de la caféine sur la réduction du risque de diabète serait due à la diminution de l’IMC.

Ces résultats, publiés dans BMJ médecine, indiquent, aussi, que près de la moitié des effets bénéfiques de la caféine proviendraient de la réduction de la masse de graisse. Ces conclusions pourraient ouvrir la voie à de nouvelles stratégies de prévention basées sur la consommation de boissons caféinées sans calories et de nouvelles perspectives sur les bienfaits potentiels de notre boisson préférée.

Ces résultats ouvrent la voie à de nouvelles pistes de recherche sur l’utilisation potentielle de boissons caféinées sans calories comme moyen d’aider à réduire les niveaux de graisse corporelle.

MD/OS/MD (AMAP)